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Bamboo : Nouvelles héroïnes et nouveaux récits.

Par Patrice Gentilhomme le 29 août 2018                      Lien  
Signe des temps ou simple coïncidence ? Plusieurs publications récentes éditées par Bamboo font la part belle à de nouvelles héroïnes. Personnages de premier plan ou faire-valoir, ces nouvelles figures féminines imposent un autre rythme, un autre point de vue aux derniers albums inscrits au catalogue de la collection Grand Angle, le label réaliste de l’éditeur.

À la veille de l’exposition universelle de 1855, un complot visant Napoléon III est programmé par un mystérieux groupe d’opposants. Ce dernier détient en otage la femme du lieutenant-colonel Ferrand, un proche de l’empereur. L’officier se voit alors contraint d’accepter d’assassiner l’empereur pour délivrer son épouse.

Désireux de retrouver celle qu’il aime il décide de contacter Julie Petit-Clou, cette jeune femme possédant de réels et puissants pouvoirs de voyance. Ferrand lui ayant proposé de l’accompagner au cœur de l’exposition dans l’espoir de retrouver les kidnappeurs de sa femme, la jeune voyante va quitter sa roulotte pour mener une véritable enquête et déjouer le complot destiné à éliminer l’empereur.

Avec cette histoire somptueusement illustrée par Étienne Willem, Jack Manini nous entraîne dans le Paris du XIXe siècle à la suite de la dynamique et sympathique Julie. Cette héroïne singulière rend le récit captivant et attachant tout en permettant au lecteur d’entrer dans l’intrigue de manière inattendue. Très convaincant, ce premier tome est particulièrement réussi tant par les choix narratifs que par son extrême qualité graphique. Un cahier documentaire vient généreusement compléter l’ouvrage et apporte de précieuses informations sur le contexte du récit imaginé par les auteurs. La réalisation particulièrement soignée de cet album est une contribution supplémentaire pour rendre séduisante et captivante une nouvelle série fort prometteuse !

Bamboo : Nouvelles héroïnes et nouveaux récits.
Mise en page inventive et graphisme fluide rendent ce récit très séduisant. Une mention spéciale pour les couleurs deTanja Wenish.
40 éléphants, l’histoire authentique d’un gang de femmes !

40 éléphants, un gang de femmes

Personnage central du diptyque 40 éléphants reposant en partie sur un fait divers qui défraya la chronique dans l’Angleterre des années 1920, Florrie membre du groupe voit sa position de plus en plus délicate.

Amenée à jouer le rôle de taupe au profit de l’inspecteur Sacks, ce qui n’est pas sans lui poser problème, la jeune femme est aux premières loges de la forte tension qui règne dans ce quartier de Londres entre le gang de femmes et celui des 40 voleurs, clan rival et... masculin !

Dorénavant, cette histoire de gangsters prend l’allure d’une guerre des sexes dont l’enjeu demeure la survie du groupe des femmes ! À travers le portrait de ces protagonistes singulières aux pratiques et aux accents particuliers, c’est aussi le moyen, pour les auteurs Kid Toussaint et Virginie Augustin une manière de nous donner à voir certains aspects mal connus de la condition féminine de l’époque. Au delà du discours féministe traditionnel cette saga dépasse le cadre de la simple histoire de gangsters pour proposer une vision originale du Londres des années 1920.

Voyage en Amérique à la rencontre de ses célébrités.

L’étrange ballade de Dusty

Son père ayant décidé d’aller manifester à Washington, la jeune Dusty a décidé de partir à sa recherche dans l’Amérique des années 1920 en proie à de profonds bouleversements, prémices de la grande dépression de 1929 ! Au cours de cet étrange road-movie, la jeune fille va aller de rencontres en rencontres.

Ainsi elle fera aussi bien connaissance d’inconnus plus ou moins fantasques comme cette troupe de comédiens qui va l’accompagner un temps ou ces membres du Ku Klux Klan et leurs sinistres pratiques. Sur son chemin, elle croisera aussi des personnages emblématiques de la culture américaine comme Tom Sawyer, Bonnie and Clyde ou encore Charlie Chaplin !

Bourré de références de la littérature américaine, le récit d’Aurélien Ducoudray illustré avec soin par Gilles Aris nous offre la possibilité de revisiter plusieurs références marquantes de l’imaginaire collectif au risque parfois de perdre le fil et l’enjeu de la recherche de Dusty.

Bien que la conclusion de ce road trip peut laisser le lecteur sur sa faim, cette occasion de retrouver l’ambiance des Raisins de la colère a le mérite de rappeler que cette époque reste fondatrice d’une certaine culture contemporaine. Un voyage initiatique qui, au-delà de la sympathie qu’elle inspire, nécessite toutefois d’avoir quelques références pour en apprécier les différents clins d’œil ou allusions.

"Les Lumières de l’aérotrain", une réalité bien sombre....

Les inquiétantes lumières de l’aérotrain

Lucie et Mathilde ne correspondent pas forcément aux canons des héroïnes telles qu’on les imagine dans les séries Mainstream. Mais lorsque pour Romuald et Hervé le quotidien se réduit aux piliers de la ligne abandonnée de l’aérotrain, les caisses du supermarché local ou des lumières fades du Palomino Dancing, il reste peu de place pour le rêve et la fantaisie.

L’arrivée de la belle Lucie, enjôleuse et séductrice ne va pas manquer de faire tourner les têtes. Toutes les têtes, y compris celle de Mathilde, « la bonne copine » dont on se contente pour de misérables échanges ! Au cœur de ces années 1970, quelque part dans cette province oubliée, les journées du trio faites jusque là de rêves impossibles, d’arrogances et de mépris vont faire place à l’envie, la jalousie et le mensonge au risque de basculer dans le sordide et le dramatique !

Tout comme l’aérotrain, projet de transport imaginé dans les années 1960 puis abandonné, les personnages d’Aurelien Ducoudray semblent eux aussi délaissés, sans vision, ni avenir. La parfaite connaissance des horaires de trains de la part d’Hervé est révélatrice de ce vide existentiel, de cette existence sinistre et dérisoire dans lequel baignent les deux ados.

"Les Lumières de l’aérotrain" par Decoudray et Corgié.

Le charme et les provocations de Lucie vont bouleverser ce quotidien sans issue jusqu’à faire guider le groupe vers l’insensé, la mort. Avec ce one-shot, Ducoudray, auteur prolifique jette un regard sans complaisance ni nostalgie sur une réalité provinciale nourrie d’ennui, de mensonges, de pauvreté intellectuelle et affective. Une génération bloquée comme cet étrange engin immobilisé au fond d’un hangar désaffecté, bouffé par la rouille, l’isolement et l’abandon.

Si la parabole est évidente, elle n’en est pas moins efficace et contribue à rendre cette histoire à la fois terriblement réaliste et parfois tragiquement drôle. Tout comme l’image que Lucie tente de se construire, les lumières de l’aérotrain renvoient à un imaginaire factice, inaccessible pour ces ados oubliés, déjà exclus d’un monde dont ils ne connaissent pas grand chose ! Hésitant entre scènes drôles et intrigue amère, ce one-shot s’avère une vraie réussite narrative notamment par le portrait juste et particulièrement affûté des quatre protagonistes. La place et le rôle réservés aux deux héroïnes n’en est que plus tragique et révélatrice.

Au delà de ces quatre albums, on retrouvera bien sûr au sein du catalogue Grand Angle d’autres portraits atypiques, troublants ou surprenants. AvecJamais de Duhamel, Une Nuit à Rome de Jim ou Alexandra David Neel de Campoy & Blanchot, la collection n’en finit pas de proposer d’autres images de femmes. Signe des temps...

Voir en ligne : Le site de la collection Grand Angle

(par Patrice Gentilhomme)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782818945209

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