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Bande dessinée, art ludique ?

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 14 décembre 2011                      Lien  
On sent bien que le graphisme né dans la bande dessinée est en train, notamment grâce au numérique, de prospérer sur d’autres supports que le papier : le cinéma, la télévision, le jeu vidéo, le jouet, la publicité, la mode, le design, la peinture et la sculpture même… Derrière les cascades de Spider-Man, les aventures de Tomb Raider, les effigies d’Hello Kitty ou la mèche de Tintin, le fun et le dessin sont omniprésents.

Le grand mérite du livre de Jean-Samuel Kriegk et Jean-Jacques Launier est d’interroger la dimension ludique de la création.

Pendant des siècles, en effet, l’art a porté sinon prolongé le sacré. Des peintures rupestres aux calvaires chrétiens, la dimension votive ou édifiante est la première fonction de l’art. Puis vint l’époque de la déconstruction : la fragmentation de la couleur, la valorisation du geste, la désacralisation des sujets...

Avec souvent, une touche d’humour, que ce soit dans Le Déjeuner sur l’herbe de Manet, le Carré blanc sur fond blanc de Malévitch ou La Fontaine de Duchamp.

Bande dessinée, art ludique ?
Les étranges profanations du Coréen Hyungkoo Lee

Un humour commun aux arts populaires qui prolongent la farce moyenâgeuse, elle-même héritière d’une tradition qui célèbre dans la réjouissance, ainsi que le souligne Mircea Eliade, « le passage du chaos à la cosmogonie. » [1]

Le Pop-Art et les Situationnistes s’employèrent à désacraliser l’art avec les codes de la bande dessinée considérée comme l’incarnation du vulgaire. La volonté est de briser la sanctuarisation d’un art à l’académisme totalitaire.

Comme c’est le cas pour Hey !, Art ludique de Jean-Samuel Kriegk et Jean-Jacques Launier s’attache à montrer combien le dessin a investi notre environnement, laissant émerger des personnalités artistiques à nul autre pareilles et dans lesquelles, fait nouveau, des collectionneurs, sans doute fatigués par les discours académiques de l’art contemporain, viennent retrouver les joies simples de la subversion originelle : « Si le grand public ignore le nom de ces artistes, leurs images sillonnent le monde, façonnent notre imaginaire collectif, influencent la mode, le design, la publicité, les médias » écrivent-ils.

Les couleurs acidulées du Chinois Benjamin

Et ils l’impressionnent mondialement, car c’est un autre aspect de cet art nouveau : sa dimension planétaire. Les auteurs constatent que « l’art ludique » de la bande dessinée, considérée comme l’ancêtre de tous ces développements, est né simultanément en Europe francophone, aux États-Unis et au Japon. Si cette historiographie est contestable, elle procède néanmoins du constat que ces marchés-là ont dicté leur désir aux créateurs et que ce désir rejoignait leurs propres envies.

De là sortent les grands noms qui balisent ce nouveau référent esthétique et que cet ouvrage égrène avec gourmandise dans une iconographie éblouissante parmi lesquels on trouve Hayao Miyazaki, John Howe, Juanjo Guardino, Peter de Sève, Benjamin, Glen Keane, Michel Ancel, Mike Defeo, Viktor Antonov, Shigeru Miyamoto, ou l’équipe d’Autochenille Productions.

Un choix éclectique qui demande à être affiné au regard d’un corpus théorique un peu plus abouti mais qui a l’avantage d’offrir un nouveau regard, forcément arbitraire, sur la production esthétique de notre temps.

L’univers multiforme du Japonais Miyazaki

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Lire sur ActuaBD l’interview de Jean-Manuel Kriegk

[1Mircea Eliade, Le Mythe de l’éternel retour, Gallimard, 1969.

 
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