Japon, septembre 1910 : Hiroshi est un jeune garçon qui vit avec sa grand-mère grabataire. Il rend visite à diverses personnes qui les aident, et écoute sa grand-mère lui raconter les voyages qu’elle a effectués jeune fille et qui l’ont amenée en Afrique, dans un village près duquel poussait un baobab géant, réputé être le repaire d’un Dieu Singe. Hiroshi est sous le charme du récit, même si le quotidien se rappelle à lui.
Au même moment, en Amérique du Sud, un homme essaie de vivre de son travail d’auteur de bandes dessinées pour les journaux. Ses histoires rappellent furieusement le style utilisé par Mattotti pour des albums comme Doctor Nefasto (et l’ambiance de celui-ci aussi, d’ailleurs).
En 32 pages, Igort met en place ces deux lignes narratives, mélanges de quotidien désabusé et d’imaginaire enchanteur.
Son propos est aussi léger et fin que sa narration qui n’hésite pas à laisser de larges blancs sur les pages, tout comme les personnages sont dépeints par petites touches, sans psychologie, dans leurs actes les plus simples.
Son trait fait montre d’une diversité que ne renierait sans doute ni David Mazzucchelli (les bulles sortant directement de la bouche de la grand-mère rappellent l’un des procédés utilisés par Mazzucchelli pour Cité de Verre), ni Dave McKean (voir Échos graphiques, son extraordinaire collection de courtes histoires) ou même le danois Teddy Kristiansen, dont le trait est aussi délicat et les talents aussi variés que ceux d’Igort, ni, bien évidemment, Lorenzo Mattotti.
La bichromie bleue gris employée par l’auteur crée une certaine atmosphère de mélancholie douce, renforcée par les scènes de pluie du début de l’album.
Avec ce premier volume de ce qui devrait être un long récit de plusieurs centaines de pages, Igort prouve une fois de plus qu’il est à la fois un classique et un moderne, à l’image de la collection intitulée "Ignatz" (l’un des personnages du fameux Krazy Kat de George Herriman) qui accueille l’album, dédiée « aux premiers pères de la bande dessinée » et en même temps d’une modernité qui intègre des influences venues des quatre coins de la planète BD et prouve que la mondialisation, quand elle n’entraîne pas l’uniformisation, peut apporter un nouveau souffle artistique.
(par François Peneaud)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Lire un extrait.
Lire un très intéressant entretien avec l’auteur, réalisé en avril dernier lors du festival de BD de Bastia.