Nos dossiers Les grandes expositions

Baru : "Mon but est de raconter les gens face à l’histoire qui avance"

Par Erik Kempinaire le 14 mars 2007                      Lien  
Rencontré à Charleroi à l'occasion de la belle exposition qui lui est consacrée, Baru a expliqué son approche de la bande dessinée qu'il utilise pour témoigner de la grandeur du peuple et pour que toute une part de culture populaire ne disparaisse.

Pourquoi ce titre provocateur pour l’exposition ?

J’ai voulu ce titre de Ritals, Polaks, Métèques, Racaille car derrière une apparente provocation, il est plein d’espoir. En effet tous ces termes étaient au départ extrêmement connotés, racistes, et puis , le temps passant et les gens s’ouvrant aux autres ils en sont devenus presque affectueux ! Rital est entré dans le langage populaire et a complètement perdu son origine péjorative du début ; mon côté optimiste espère qu’il en sera de même pour les autres termes !

Quel effet cela vous fait-il d’exposer à Charleroi, une ville qui connut la même histoire que Villerupt où vous avez passé votre enfance ?

Je suis fier d’exposer dans cet endroit qui a accueilli, outre l’annuelle exposition consacrée à un auteur de bande dessinée, les plus grands artistes plasticiens. De plus Charleroi a un peu vécu ce que je raconte dans mes albums. Originaire de Lorraine, cette région a aussi traversé une grave crise avec la fin de la sidérurgie. On y a aussi connu l’arrivée de population d’immigrés, d’abord les Italiens, puis les Polonais et les Maghrebins. Je crois que le Hainaut a vécu semblable histoire avec les mêmes problèmes, les mêmes conflits.

Baru : "Mon but est de raconter les gens face à l'histoire qui avance"
L’exposition présente également différents films d’archive ou récent en rapport avec les thèmes exploités par Baru
(Arrivée des Italiens dans nos pays, condition ouvrière, entraînements de boxe, etc)

Que voulez-vous raconter au travers de vos albums ?

Mon but n’est pas de raconter ce qu’on lit dans les livres d’histoire mais plutôt de regarder par le petit bout de la lorgnette, de raconter les gens face à l’évolution de la société ; comment des grandes décisions politiques ou économiques peuvent influencer leur quotidien. Je crois que le rôle de la fiction n’est pas de rendre compte de l’histoire dans sa réalité. La grande histoire ne sert que de toile de fond, je préfère m’attarder sur les conséquences humaines. De même, je ne veux pas délivrer de message politique, je veux seulement œuvrer dans la sentimentalité, la solidarité.

N’est-ce pas une attaque contre le communisme que vous proposez ?

Non, certainement pas. Bien sûr, je dépeins des ouvriers élevés dans la foi envers le communisme ; mais à cette époque, cette doctrine était majoritaire chez les ouvriers. Je suis d’ailleurs resté quelque part un communiste utopiste, même si je suis conscient des désastres humains, économiques et écologiques engendrés par ce mouvement politique.

Vous êtes un des rares auteurs à dessiner le sport, pourquoi accordez-vous si peu de place au football qui est le sport le plus populaire ?

Le football aujourd’hui est trop accepté socialement, trop médiatisé, a perdu une part importante de son âme. Mon goût me porte plus vers le cyclisme ou la boxe, deux sports typiquement populaires. La boxe introduit l’idée métaphorique du combat pour échapper à sa condition. De plus, pour un dessinateur, c’est un sport particulièrement visuel !

Vous êtes fils d’ouvrier, élevé dans un milieu dans lequel le dessin n’avait pas beaucoup d’importance. Quel a été votre parcours pour devenir auteur de bande dessinée ?

Une chronique de l’adolescence dans une cité ouvrière au milieu des années 60

Au départ, je n’avais jamais envisagé d’en faire un métier. Dans mon milieu d’origine, c’était considéré comme un métier "de fille". J’en ai pourtant beaucoup lu jusqu’à mes 14 ans, principalement le journal Vaillant, édité par le parti communiste. Je n’aurais jamais pu écrire des romans, étant fâché avec la littérature après mes années de lycée, depuis j’ai heureusement changé ! Le cinéma, quant à lui, est un monde trop réservé à une certaine èlite. Puis j’ai découvert Hara Kiri, Charlie Mensuel et Pilote. Je me suis rendu compte qu’on pouvait dire le monde avec des petits miquets et la découverte de Reiser fut pour moi capitale. J’ai alors compris que le dessin était un langage archaïque, sauvage, avec une charge émotionnelle très forte. J’ai saisi l’importance du regard, du point de vue pour arriver à toucher à l’essentiel. La parution du mensuel (A Suivre), avec ses romans graphiques, à la pagination souple et aux thématiques originales et modernes ont achevé de me convaincre. Je suis un parfait autodidacte à un point tel que j’ai mesuré les pages de ce mensuel pour élaborer mes premières planches au même format ! Je ne savais pas que l’on travaillait d’habitude sur un format plus grand. Mon style ne vient pas d’une recherche intellectuelle, il est le résultat de tout ce que je suis capable de faire pour arriver à représenter les choses comme je les vois , je les ressens. J’ai dû comprendre que la bande dessinée c’est des mots et des images et que l’un ne doit pas phagocyter l’autre ; que certaines choses ne peuvent être dites avec des mots. J’ai découvert le travail, l’implication du lecteur qui se fait son histoire grâce à l’espace blanc entre les images. J’ai aussi bien souvent dû réinventer un langage pour mes personnages tant le parler rendu in extenso sonne faux une fois retranscrit.

Quels sont vos projets ?

Après une année sabbatique, je vais m’atteler pour la première fois à une adaptation d’un roman, Pauvres Z’héros de Pierre Pelot ; je suis aussi en grande discussion pour travailler avec Jean Vautrin mais là, rien n’est encore clairement défini. Enfin, il reste mon "grand œuvre", une histoire de l’immigration italienne sur près de quarante ans. Cette bande dessinée fleuve comporterait plus de 1000 pages et sera certainement mon boulot ultime, l’âge étant là !

(par Erik Kempinaire)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

🛒 Acheter


Code EAN :

Baru sur ActuaBD, c’est aussi :

Une interview, réalisée en mai 2006
Les chroniques de l’Enragé T1 et T2
La chronique des Années Spoutnik T4

Le site Internet de l’exposition

Lien vers le site officiel de Baru

Photos (c) Nicolas Anspach - Reproduction interdition sans autorisation préalable.

✏️ Baru
 
CONTENUS SPONSORISÉS  
PAR Erik Kempinaire  
A LIRE AUSSI  
Nos dossiersLes grandes expositions  
Derniers commentaires  
Abonnement ne pouvait pas être enregistré. Essayez à nouveau.
Abonnement newsletter confirmé.

Newsletter ActuaBD