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Batem : "Le marsupilami s’engage pour protéger la forêt amazonnienne"

Par Erik Kempinaire le 3 juillet 2007                      Lien  
Mai 1987 : Franquin et son éditeur Jean-François Moyersoen confient la destinée du marsupilami à Batem, un jeune dessinateur issu de la presse. Il publie aujourd'hui le vingtième album de cette série grand public et revient pour nous sur les diverses collaborations qui ont émaillé ces 20 ans de création.

Pourriez-vous nous présenter ce vingtième album du marsupilami, quel en est le thème ?

Batem : "Le marsupilami s'engage pour protéger la forêt amazonnienne"
Le dernier album de Marsupilami : Viva Palombia
par Colman et Batem d’après Franquin -Ed. Marsu Productions

Batem : Il s’agit du deuxième album scénarisé par Stéphan Colman [1] qui avait déjà amené une touche onirique, voire shamaniste dans l’épisode précédent, Magie blanche. Pour Viva Palombia, nous continuons de plus belle, nous racontons la légende des marsupilamis et expliquons comment cet animal mythque a pu apparaître pour nous accompagner depuis l’origine des temps. En parallèle, nous vous avons préparé une autre surprise avec l’arrivée d’un personnage singulier dans la grande forêt. Mais je ne vous en dis pas plus !

Pour la première fois le marsupilami s’engage pour une grande cause. Cet album est en effet imprimé sur du papier écologique et présente un dossier réalisé en partenariat avec le WWF contre la déforestation massive de l’Amazonie. Pourquoi cet engagement ?

Ca me semble évident, le marsupilami et les aventures que nous avons écrites et dessinées ont toujours, sans se prendre au sérieux, véhiculé un message écologique. Notre personnage évolue au sein de la grande forêt, qui est chaque jour plus menacée et détruite de façon éhontée, mettant en danger notre écosystème et la planète en général. Le marsupilami peut aussi être l’emblème de cette noble cause.

Comment le marsupilami a-t-il évolué durant ces vingts albums ?

Le Marsupilami
(c) Marsu Productions

Nous nous appliquons, et ce n’est guère facile, à faire vivre la série en la renouvelant. Pour diverses raisons, elle a pris parfois des orientations contradictoires. Aujourd’hui, pour mon plus grand bonheur, le marsupilami est revenu chez lui, dans la jungle qui elle-même est un personnage à part entière dont nous n’avons pas encore exploité toutes les ressources. Graphiquement je me suis engagé à respecter au mieux l’univers d’André Franquin, mais n’est pas Franquin qui veut, donc le personnage évolue quelque peu bien malgré moi, mais c’est insensible me semble-t-il. En revanche, comme il faut bien l’avouer, je l’ai plus souvent dessiné que mon maître, il y a des façons de le faire bouger, de l’animer qui commencent à m’être plus personnelles. Et c’est indispensable ( Franquin me l’avait conseillé) afin de ne pas figer le personnage.

Pourquoi avoir fait appel à tant de scénaristes différents ? N’est-ce pas un risque de voir la série perdre une part de sa cohérence ?

Effectivement plusieurs scénaristes se sont succédés, mais c’est justement à cause de la difficulté de raconter des histoires dont le héros ne parle pas, qu’il semblait judicieux de faire appel à différents cerveaux pour enrichir la série et garantir son originalité. Il y a eu des erreurs, certes pas dans le choix des scénaristes (choix dont je ne me suis jamais chargé, excepté celui de Colman, un ami de longue date avec lequel j’étais convaincu qu’au-delà de son incroyable potentiel d’imagination et de raconteur d’histoires, notre complicité ne pouvait que tirer la série vers le haut) mais plutôt dans différentes options narratives. Comme vous le faites remarquer, nous sommes convaincus qu’il est indispensable de veiller à ne pas nous disperser et de "fidéliser" le lecteur en ne brouillant plus les pistes. Il faut que le noyau dur subsiste et que nos lecteurs retrouvent d’album en album leurs amis. Cela dit, nous faisons un travail de création et non de faiseurs, restons humbles et tant mieux si le lecteur aime nos personnages, mais il n’y a pas de recettes, ça se saurait.

Batem

Quelles furent les collaborations les plus heureuses ?

Chaque collaboration a eu des avantages et a provoqué des rencontres enrichissantes (pour moi en tout cas). Greg [2]était un monsieur avec le talent et la carrière que l’on sait et, dans un premier temps il a cherché, comme avec tous ses collaborateurs je pense, à m’impressionner (lors de notre première rencontre chez les Franquin, en présence de notre éditeur, il m’a tourné le dos durant les deux premières heures avant de m’adresser la parole). Ensuite très rapidement il s’est tourné vers moi et, lorsqu’il rentrait des USA où il avait encore des affaires, c’est à moi qu’il téléphonait pour prendre des nouvelles du marsupilami. Mais la relation est malgré tout restée très tiède... Ensuite Yann [3], qui m’impressionnait tout autant, s’est révélé évidemment un scénariste excellent, mais aussi un bon compagnon dont le cynisme, et c’est souvent le cas, cachait une vraie sensibilité et une incroyable fragilité. Lors d’une tournée de dédicaces en Allemagne nous avons beaucoup parlé et il s’est pas mal confié. Excellent souvenir. Avec Xavier Fauche [4] et Eric Adam l’ambiance était très sympa, le professionnalisme de Xavier et les idées originales d’Eric ont été très agréables à vivre. Malheureusement (et c’est mon avis !) nous avons été invités par notre éditeur à sortir nos héros de l’enfer vert et, même si les scénarios étaient de bonne facture, les lecteurs ont été une nouvelle fois perturbés par ce changement. En même temps, je ne suis pas prêt d’oublier le champagne et le repas que Xavier et sa charmante épouse nous ont offerts dans leur incroyable demeure à l’occasion de la sortie de Rififi en Palombie. Par la suite, après une histoire de votre serviteur, il y a eu les adaptations de deux synopsis de dessins animés où j’ai pu travailler avec mon ami Olivier Saive [5] notamment. Puis vinrent quatre albums avec le délicieux Dugomier [6] qui a réussi une performance : écrire deux albums de gags avec ce personnage muet. On en pense ce qu’on en veut,mais il fallait le faire ! Vincent Dugomier nous a ramené, dans la foulée, le marsupilami dans la forêt durant deux super albums, en particulier L’orchidée des Chahutas. Aujourd’hui, je travaille avec Colman pour les raisons évoquées plus haut, un rêve !

Comment avez-vous réussi à convaincre Colman de scénariser les aventures du marsupilami ?

Marsupulami T19 : Magie Blanche
par Colman et Batem d’après Franquin -Ed. Marsu Productions

En fait, c’est une histoire d’amitié, qui s’est réellement ancrée dès notre première collaboration. Stephan s’était proposé de me dépanner, de me secourir alors que j’accumulais un retard pas possible et il a ainsi encré les décors de 18 pages de l’album C’est quoi ce cirque ?. Les moments de partage et de bonheur que ces trois semaines ont suscités ont marqué le début d’une relation plus profonde et je lui ai confié que je souhaitais me relancer dans l’écriture d’un scénario avec une idée qui me semblait intéressante, mais que je ne voyais comment exploiter : faire neiger sur la jungle ! Et c’est presque naturellement que Stephan m’a proposé de s’en charger pour mon plus grand plaisir.

Ne trouvez-vous pas que Colman est probablement le scénariste qui est le plus proche de l’univers développé par Franquin ?

Je vous laisse juge. Et en même temps je savais ce que je faisais en acceptant sa collaboration, pas folle la guêpe ! Il est vrai que notre proximité, nous travaillons dans le même atelier, permet davantage le dialogue. Il ne m’a pas fallu beaucoup de temps pour être convaincu du bien qu’il apportait à la série.

Quelle est votre implication sur les produits dérivés issus du monde du marsupilami, comme les romans et les produits publicitaires ?

Les novelisations du Marsupilami
dans la "Bibliothèque rose" des Editions Hachette Jeunesse

Depuis juin 1994 quand le contrat avec Disney qui détenait les droits audiovisuels et dérivés n’a pas été renouvelé, tout est sensé passer par moi. Mais, attention, beaucoup de choses nous échappent. Aujourd’hui, une charte graphique a été établie et, en général, les licenciés s’en inspirent, mais il faut malgré tout l’accord de Marsu Productions. J’ai demandé à ne plus devoir contrôler la multitude de produits que génère le marsupilami. Seules les licences qui demandent une création ou un dessin original me sont soumises. Je me suis beaucoup amusé à travailler sur les représentations en 3D (Leblon Delienne, Tropico...). Quand il est question de réaliser un klaxon, une sonnette de vélo ou un marsu gonflable, j’interviens toujours ; mais plus pour les chaussettes ou les pyjamas. Je n’ai rien à voir non plus avec la "Bibliothèque rose" [7], seuls mes dessins ont servi pour les couvertures. Pour les dessins animés, j’ai réalisé la bible graphique et avec l’aide de mon pote Olivier Saive nous avons assuré le suivi de la première série.

Comme "fils spirituel" de Franquin, n’avez-vous jamais été tenté d’animer une aventure de Spirou et Fantasio ?

Ce n’est pas envisageable pour l’instant, me semble-t-il au vu des va-et-vient de contentieux entre mon éditeur et Dupuis, mais il a été question que je dessine mon marsu dans une aventure "one shot" de Spirou dessinée par Tarrin [8] et scénarisée par Yann...Depuis, beaucoup de choses ont changé...Mais cela m’amuserait beaucoup évidemment de réaliser un épisode de cette série mythique. Pour moi,la boucle serait bouclée.

Quels sont vos projets ?

Je travaille actuellement sur le tome 21 du marsu, toujours scénarisé par Colman. J’ai une série de toiles, pour une future expo "marsupilami" à mener à terme. Je viens de signer un contrat avec le distributeur automobile belge D’Ieteren pour leur crée un personnage qui leur permettrait de communiquer sur l’écologie, thème décidément à l’ordre du jour. Et, s’il me reste du temps, nous avons un projet avec Bob de Groot [9] ! Mais, que mon éditeur ne s’affole pas, ma toute grande priorité reste bien sûr le marsupilami !

"Viva Palombia" de Colman et Batem d’après Franquin
Editions Marsu Productions

(par Erik Kempinaire)

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Code EAN :

En médaillon : Batem . Photo : D. Pasamonik.

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[1Dessinateur créateur sur scénario de Desberg de Billy The Cat

[2Rédacteur en chef du Journal Tintin, scénariste pour, entre autres Vance, Franquin, Hermann, Dany.

[3Scénariste pour Hardy, Conrad, Berthet, ...

[4Scénariste pour Morris et Pearce

[5Dessinateur de Chaminou et de divers albums pour Bamboo éditions.

[6Scénariste d’Alexia pour Ers

[7Les novellisations des histoires du marsupilami pour Hachette Jeunesse.

[8Créateur de la série Violine.

[9Scénariste pour Turk, Bercovici, Francq, Godi...

Marsupilami Marsu-Productions ✍ Stephan Colman ✏️ Batem
 
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