Selon Morrison, l’objectif était de créer quelque chose qui ressemblerait plus à un morceau de musique ou à un film expérimental qu’à un comics classique : "Je voulais aborder Batman du point de vue du rêve, de l’émotion et de l’irrationnel".
Le résultat est ce roman graphique publié en 1989 et qui compte désormais parmi les plus grands classiques de son genre et dont l’ensemble des symboles et des métaphores reste un mystère.
Les auteurs superposent deux récits angoissants qui se nourrissent l’un ; l’autre. Dans les années 1930, le docteur Arkham créé un asile et sombre progressivement dans la folie. Aujourd’hui, le Joker (génialement drôle et effrayant en travesti déglingué) et toute la clique de cinglés prennent le contrôle du lieu et invitent chaleureusement Batman pour une petite chasse à l’homme entre amis.
Ce n’est qu’une fois à l’intérieur de l’asile, au milieu de la folie, que le noir et blanc brumeux se dissipe et semble laisser la place à la réalité. Le reste du monde et la normalité passant ainsi pour quelque chose de virtuel, comme l’identité secrète de Batman aux yeux du Joker pour qui le masque reste le seul vrai visage du personnage.
Le lien entre les deux ennemis est très intelligemment développé, jouant sur la fragilité psychologique du super-héros mais surtout sur l’attirance du joker pour le justicier. Il le voit comme un membre bien légitime de l’asile et un binôme tellement amusant à essayer de tuer sans chercher vraiment à y arriver : la vie serait quand même moins marrante sans lui.
D’une simplicité fracassante, l’histoire nous prend à la gorge dès les premières pages. L’horreur qui côtoie la folie est palpable également grâce au travail de Dave McKean qui propose des compositions artistiques époustouflantes à chaque planche.
Par sa technique mixte - un mélange de peinture, de dessin, de photo et de collage - McKean arrive à un résultat en accord parfait avec l’ambiance macabre et psychédélique de l’ensemble.
Avec d’autres albums des années 1980 comme The Dark Knight Returns de Frank Miller ou Watchmen d’Alan Moore, cette œuvre a encouragé DC et Marvel à ouvrir leurs catalogues vers un nouveau genre plus adulte avec des histoires et des graphismes plus sombres, recherchés ou risqués.
Arkham Asylum est encore aujourd’hui considéré comme une référence incontournable et admiré tant pour son esthétique propre que pour la perspective qu’il apporta à Batman et à son univers.
(par Mathieu Drouot)
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