Suspendu au plafond, objet de multiples tortures, physiques et psychiques, c’est ainsi que nous découvrons Batman en ouverture de cette mini-série, Le Culte. Car le Chevalier Noir, enquêtant sur des disparitions suspectes, plonge dans les sous-sols de Gotham City et tombe sur une véritable Cour des Miracles dont le roi n’est autre qu’un religieux, le diacre Blackfire.
Celui-ci règne sur ses ouailles à la manière d’un gourou, ses adeptes fanatisés exécutant strictement le moindre de ses commandements. Son programme, pseudo-social, combine souci des plus démunis, qui espèrent tenir avec lui leur revanche sur une société qui les ignore, et justice expéditive d’une rare violence qui contente les amateurs de dérive sécuritaire. Mais derrière les bons sentiments, si l’on peut dire, un être âpre au gain et dominé par sa soif de pouvoir.
Le point fort de ce récrit réside dans la mise en échec initiale de son héros, Batman, qui passe l’essentiel du volume dans un état de détresse absolu. Désespéré, mutilé, dominé, implorant : le renversement, complet, nous entraîne aux antipodes du personnage. Car Le Culte se pose d’abord comme le récit d’une chute, sidérante, aussi abrupte qu’invraisemblable, suivie d’une lente remontée semée de doutes et de renoncements. Tandis qu’en miroir s’offre la conquête de la ville par un Blackfire triomphant.
Et même si la dimension sociale de l’ouvrage souffre d’une certaine grossièreté, sa dimension politico-religieuse, reposant sur la mise en scène de phénomènes de manipulation de masse garde, quelques trente ans plus tard, une actualité déroutante.
(par Aurélien Pigeat)
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