En 1985, DC comics remarque que sa sainte trinité Superman, Wonder Woman et Batman a pris un méchant coup de vieux et que les ventes s’en ressentent. Il est largement temps de les dépoussiérer. Si la chose semble aisée et largement nécessaire pour les deux premiers, Batman pose problème. Comment toucher au bonhomme et sa dramaturgie sans tout casser ?
Il suffit de faire appel à Frank Miller. Le "scénariste messie", considéré comme le plus doué de sa génération. Celui qui, déjà avec Mazzucchelli, avait révolutionné Daredevil, jusqu’alors personnage mineur de Marvel pour en faire l’un des super-héros le plus populaire et profond d’aujourd’hui. Celui qui, dans The Dark Knight, avait vieilli un Batman mis face à un monde futuriste ultra-violent dans lequel il ne trouvait plus sa place. Celui qui oriente toutes ses histoires vers un monde brutal et sombre à l’attention d’un public plus adulte.
Ici, c’est ainsi la jeunesse du héros qui est mis en lumière. Le récit suit la première année d’activité de Bruce Wayne sous le masque du justicier. Face à une ville vérolée à tous les niveaux par la pègre, le héros va essayer de faire la différence. Au fil des mois, il commet ses premières erreurs, devient l’ennemi public n°1 et va trouver un précieux allié auprès du commissaire Gordon.
Dans l’optique de réorienter la franchise du côté du roman noir plutôt que l’action pure ou la farce kitch, l’ensemble est extrêmement réaliste et s’inscrit pleinement dans le polar. Gotham City est plus sombre que jamais et les super-vilains excentriques ou fantastiques sont évacués tout comme les sidekicks encombrants tels que Robin ou Batgirl destinés au jeune lectorat.
La finesse du trait de Mazzucchelli suit cette logique. Les couleurs criardes laissent la place aux différentes teintes de gris et aux pastels pour une ambiance nocturne enivrante. Par ailleurs, le style peu exubérant fait écho aux débuts graphiques du personnage avec en prime un retour au costume original imaginé par Bob Kane.
Ce comics, encensé par la critique et considéré comme l’un des meilleurs sur le personnage, a bien sûr engendré de lourdes répercussions sur les futures approches du super-héros. Parmi celles-ci, nous pouvons notamment citer Batman Begins de Christopher Nolan qui reprend l’esprit et de nombreux aspects de cette histoire.
(par Mathieu Drouot)
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