Bécassine, c’est une héroïne indémodable. En 2016, elle revenait dans un nouvel album par Corbeyran et Béjà. En octobre 2018, ce duo publiera Bécassine baby-sitter. Si ce n’est pas par la bande dessinée, les plus jeunes la connaissent au moins par l’air de Chantal Goya. Et pour les autres, ce film est l’occasion de la découvrir.
Elle prend vie dans le premier numéro de La Semaine de Suzette, le 2 février 1905. Dans ce quatre pages en couleurs, une page demeurait blanche le jour du bouclage, car un auteur s’était défaussé au dernier moment. Il faut improviser, et c’est ce que font la rédactrice en chef de l’époque et un dessinateur de passage pour une autre affaire. Le duo Jacqueline Rivière et Joseph Porphyre Pinchon signe une planche dont le succès ne se fait pas attendre.
Si Bécassine plaît, c’est que le trait de Pinchon est novateur, précurseur de la fameuse Ligne claire. La figure ronde et pouponne de la jeune bonne est simplifiée : elle n’a pas de bouche. Cette simplification, loin de la faire perdre en expressivité, lui donne au contraire la possibilité de porter toute la gamme des émotions possibles. Elle rit, elle pleure, se met en colère.
Vous avez dit bretonne ?
Prise par l’urgence, Jacqueline Rivière s’inspire de son quotidien pour créer Bécassine. Elle a elle-même une domestique bretonne, ce qui était courant à l’époque. D’ailleurs, la bévue racontée par cette première planche a réellement été commise par la servante de Mme Rivière. Pinchon, lui, est natif de Picardie. C’est pourquoi son héroïne porte un costume picard et non breton : dès l’origine, elle n’est pas tout à fait bretonne...
Chez Podalydès, c’est encore pire : l’histoire est centrée sur Paris et non sur la Bretagne. D’ailleurs, les scènes dans le village natal de Bécassine ont été tournées... en Normandie. Le réalisateur explique ne pas avoir voulu insister sur la provenance de la petite bonne, préférant une héroïne plus universelle.
D’ailleurs, Bécassine, c’est finalement un peu comme notre cousine à tous. Elle ne parle pas qu’aux Bretons et les enfants de toutes régions ont grandi avec elle. Elle incarne davantage l’imbécile pas dupe que la bonne bretonne. Sa naïveté est celle de tous les enfants, et ses mésaventures parlent aux jeunes en plein apprentissage des conventions.
Certes, on retrouve en elle les traits caractéristiques et un peu moqueurs de la provinciale qui arrive à la capitale : elle s’émerveille devant un interrupteur, un téléphone ou même un robinet. Mais c’est plus pour souligner sa capacité d’admiration et son envie d’avancer, qui la pousse à l’inventivité. Le film reprend son invention à base de poulies et de poids qui permet de nourrir Lolotte à l’heure prévue, sans avoir à se lever. Pas si bécasse !
Ce n’est pas la première fois que Bécassine apparaît à l’écran. Un film français réalisé par Pierre Caron, était déjà sorti en 1940, sous l’Occupation, également assorti de protestations de la part des Bretons. Un dessin animé de Philippe Vidal, Bécassine et le trésor viking, lui avait rendu hommage en 2001, remportant davantage qu’un succès d’estime.
La Bécassine de Podalydès
« Je tiens à dire que le film est juste un portrait personnel de Bécassine, une interprétation parmi d’autres. » dit Bruno Podalydès dans le communiqué de presse. Il n’a pas prétention à représenter la Bécassine et revendique les changements qu’il lui a apportés. Il a tenu à la rendre plus burlesque, par exemple en faisant porter à Emeline Bayart de fausses fesses et en lui demandant une démarche balancée, penchée en avant. Aposte em esportes em uma empresa confivel https://22bet-br.org/
La marquise aussi détonne par rapport à la bande dessinée. Karin Viard joue une aristocrate jeune, dépensière, pas à cheval sur l’étiquette. « Dans les albums, la marquise est effectivement une grosse dame assez imposante qui fige l’ordre immuable des choses. Karin la rend plus vive, plus fantaisiste, plus extravagante, plus gentiment fêlée. J’aime l’idée que la marquise accepte l’érosion de l’argent. »
Des personnages modernisés et ingénieux, donc. Ce n’est pas un regard moqueur que Podalydès pose sur Bécassine, mais plutôt attendri et poétique. De quoi changer l’avis de ceux qui pensaient encore que Bécassine n’est qu’une sotte !
(par Céline Bertiaux)
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En salle à partir du 20 juin 2018.
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