New York, 1977. Rorschach mène sa carrière de justicier masqué avec, dans son collimateur, un cartel mené par le terrifiant Crâne Cru. Dans le même temps, un serial killer surnommé "Le Barde" dissémine des cadavres de jeunes femmes marquées au scalpel. Et nous sommes quelques temps à peine avant le fameux black out qui avait semé le chaos dans la Grosse Pomme.
Tous les ingrédients sont donc réunis pour créer un fameux récit, à la hauteur du personnage imaginé par Alan Moore et dessiné par Dave Gibbons. Et l’on éprouve d’abord un évident plaisir à retrouver ce "héros" battant le pavé et le voyou, donnant et recevant nombre de coups.
Grâce au trait de Lee Bermejo l’ambiance de la ville se trouve comme rendue à travers le spectre des perceptions et des ressentis de Rorschach : lumière alternativement criarde et blafarde, lieux poisseux, atmosphère glauque à souhait. L’immersion opère...
Tout semble donc y être et l’on sort pourtant de la lecture avec le sentiment que le compte n’y est pas, pourquoi ? Sans doute manque-t-il une réelle perspective à l’ensemble, de quoi lui donner une véritable profondeur. À s’en tenir à la simple chronique, habile certes, on a en effet l’impression de passer à côté du sujet.
Au final, malgré deux pirouettes intelligentes pour boucler l’histoire, on reste sur notre faim. Le black out promis et l’enquête autour du serial killer, qui ouvre pourtant le volume, demeurent à l’arrière-plan d’une intrigue essentiellement focalisée sur un médiocre gang, enjeu somme toute assez anecdotique.
Il y a clairement une intention scénaristique de la part Brian Azzarello dans ce caractère déceptif du récit, mais le résultat est là : une forme de désenchantement, accrue par le souvenir de l’œuvre d’origine. C’était la difficulté de ce projet de préquelle(s) Before Watchmen, Rorschach s’y heurte en dépit de ses atouts prometteurs.
(par Aurélien Pigeat)
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