Vous souvenez-vous de la genèse de Naja ?
Jean David Morvan était sur la route lorsqu’il a eu l’idée de la thématique. Une simple phrase, celle qui est reprise sur la quatrième couverture de nos livres : « Quand le numéro 1 d’une organisation de tueur veut éliminer le numéro 3, comment réagit le numéro 2 ? ». Cette phrase d’accroche m’a interpellé, remué même. Il m’a envoyé un SMS pour partager avec moi cette idée. Je lui ai répondu directement. En deux heures de temps, nous avons dû échanger une trentaine de texto. Quand il est arrivé chez lui, deux heures après, la colonne vertébrale du récit était quasiment construite. Nous savions que Naja serait une héroïne froide, Nous voulions réutiliser un dessin représentant une fille que j’avais déjà fait pour une illustration. Nous trouvions que ce personnage était intéressant. Le lendemain, on s’est téléphoné pour remettre les choses à plat. Jean-David a écrit un dossier pour le présenter aux éditeurs. Et le jour d’après, il m’apprenait que Dargaud l’avait accepté. C’est, je pense, le projet le plus vite pensé et le plus vite signé du monde (Rires).
La narration est particulière : Nombreux flash-backs, textes narratifs où vous partagez les pensées des personnages, etc.
Oui. Lorsque nous nous sommes eu au téléphone, nous avons parlé de la narration et de la forme que le récit pourrait avoir. Nous désirions publier ce récit en trois tomes, avec une pagination conséquente. Mais les éditeurs ne trouvaient pas cela pratique. Nous avons donc décidé de traiter ce projet en cinq albums. Concernant la voix off, nous nous sommes bien gardés de choisir qui pourrait être derrière l’organisation criminelle. Nous avions une idée, mais nous désirions tenir compte du rythme du récit et de nos envies du moment. Il y a eu de nombreuses modifications entre l’idée de départ et la révélation finale, à la fin de la série…
Vous ne saviez donc pas qui était derrière l’organisation criminelle ?
Non. Nous avions une idée, mais nous avons décidé de choisir une autre option en cours de route. Certains personnages ont évolué de manière différente, comme par exemple « IL ». Celui-ci devait avoir un petit rôle. Mais nous le trouvions intéressant, et donc nous avons souhaité lui donner plus d’importance. Nous avons opéré de nombreux réajustements et modifications pour suivre nos envies du moment.
Après avoir terminé la lecture du cinquième tome, le lecteur aura envie de rouvrir les précédents afin d’être certain que l’histoire tienne la route.
C’est possible. Jean-David a beaucoup réfléchi à la fin de l’histoire, et nous en avons parlé. Nous nous demandions si elle n’était pas « too much ». Nous avons relu les précédents albums pour être certain que cela pouvait passer. On a eu l’idée quant à l’identité du chef de l’organisation en travaillant sur le troisième tome. Le dernier album est particulièrement dense. Nous étions obligés de ne pas diluer les informations qui y sont incluses dans les précédents tomes, sous peine de donner trop d’indices quant à l’identité du chef de l’organisation de tueur.
On sent que vous accordez une grande importance au mouvement et au dynamisme des scènes. Etes-vous plus influencé par le manga que par la bande dessinée franco-belge ?
Mes influences sont métissées, mélangées. J’ai été imprégné par le manga et la bande dessinée quand j’étais enfant ! J’étais un lecteur boulimique et fanatique de manga ! Mais durant mon enfance, j’ai lu les grands classiques de la BD. Je les piquais dans la bibliothèque de mon père. Je songe à Martin Milan, Jérémiah, Les Tuniques Bleues, etc. Par contre, je n’ai jamais été attiré par les comics.
J’ai donc naturellement mélangé ces deux genres. Mon découpage est proche du manga. Le sens du mouvement, aussi. Et mon coup de crayon est « à l’arrache ». Mais mon style est différent du manga. Je suis à mi-chemin entre les deux genres.
Quand je suis confronté à une scène d’action, je dessine inconsciemment très vite. De ce fait-là, mon trait devient vif ! Mais je ne fais pas des speed line en front de case comme le font les assistants des mangakas. J’ai trouvé mon équilibre, tout en tenant compte des codes de la BD franco-belge.
D’où viennent la froideur et l’insensibilité de Naja ?
Nous en avions parlé dès le début. Jean David a eu cette idée en voyant l’illustration qui a servi de base pour le physique de Naja. Et puis, l’écriture de Jean David m’influence énormément. J’imagine directement la scène lorsque je lis ses descriptions. Il me la décrivait comme froide, et pas souriante. Peu à peu, j’ai réussi à inclure des esquisses d’émotion à Naja, suite aux bouleversements qui ont lieu dans sa vie. C’est pour cette raison que je lui ai changé sa coupe de cheveux. Ce sont des petits éléments qui ne paient pas de mine, mais qui participent à donner une teneur au personnage.
Elle est facilement reconnaissable grâce à sa coupe de cheveux, d’ailleurs.
Oui, c’est venu tout seul. La fille que j’avais dessinée sur l’illustration avait les cheveux bleus violacés.
Ce récit se déroule dans de nombreux pays. Cela a dû vous obliger à une recherche documentaire conséquente
Dans son découpage, Jean David incorpore souvent des liens vers de la documentation, des photographies, sur Internet. Je pense que cela l’inspire également, et qu’il a besoin d’en rechercher pour son propre travail d’écriture. Cela permet aussi de s’accorder, et d’être certain que je comprenne ce qu’il veut. Parfois, je réalise mes propres recherches quand la photographie ne correspond pas au cadrage que je désire. C’est la première fois qu’une série m’impose un tel suivi documentaire.
Quels sont vos projets ?
Je travaille sur un album pour Ankama, où je signerai le dessin et le scénario. Cela mêlera fantaisie et fantastique. L’album sera découpé en 72 planches. C’est un format qui me convient parfaitement, et qui me permet d’opter pour une trame narrative proche des mangas. Je me sens parfois un peu trop serré dans le 46 pages. J’ai presque terminé le premier tome de cette série.
Nous travaillons aussi, Jean David et moi, sur un projet commun. Une histoire contemporaine fantastique d’anges et démons. Ce sera encore plus violent, mais dessiné avec un style plus élégant. Nous présentons actuellement ce projet à différents éditeurs.
(par Nicolas Anspach)
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Illustrations : (c) Bengal, Morvan & Dargaud - Sauf mention contraire.
Photos (c) Nicolas Anspach
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