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Bernard Swysen : "Je ne suis encore qu’un débutant dans le style réaliste"

Par Nicolas Anspach le 27 septembre 2008                      Lien  
Triple actualité pour {{Bernard Swysen}} en cette rentrée. Il publie "{Si Dieu Le Veut}" avec {{Claude Lelouch}}, "{L’heure de la sortie}" avec {{Adeline Blondieau}} et une galerie bruxelloise expose ses planches à l’occasion de ses 25 ans de carrière. Rencontre…

Bernard Swysen : "Je ne suis encore qu'un débutant dans le style réaliste"Après Claude Lelouch, vous travaillez avec une autre célébrité : Adeline Blondieau. Comment est née cette collaboration ?

Par une rencontre à Angoulême, tout simplement. Lors d’un festival de la bande dessinée, nous avons dîné à la même table. À l’époque, nous étions tous les deux édités par Soleil. Nous avons sympathisé assez rapidement, et nous avions tous les deux envie de réaliser une BD sur les rapports hommes/femmes ! Pour être honnête, je ne savais pas du tout qui elle était ! Je savais qu’elle avait co-scénarisé Angeline aux éditions Soleil. C’est tout…
En rentrant en Belgique, j’ai parlé de mes rencontres à mes filles, qui étaient toutes à l’âge de l’enfance et de l’adolescence. Elles m’ont regardé avec des grands yeux quand j’ai cité au fil de la conversation le nom de famille d’Adeline Blondieau. Je me suis aperçu à travers leurs regards qu’Adeline était très connue. Elles ne loupaient quasiment pas un épisode de Sous Le Soleil. Pour ma part, je ne l’avais jamais vue à l’écran… Quelques mois après, nous avons commencé à mettre notre projet en place, mais la maturation fut longue…

Pourquoi avoir opté pour des gags pour « L’Heure de La Sortie » ?

Mais il n’y a pas de gags ! Nous réalisons aussi des récits humoristiques un peu plus longs, ce qui nous permet de raconter de petites tranches de vie mettant en scènes différentes personnages. Finalement, ils vivent tous leur vie. Il y a en a tellement que nous avons dû créer un tableau pour nous y retrouver. On y note leurs particularités, leur style de vie, les caractéristiques des enfants, etc. Et selon les besoins, nous prenons l’un ou l’autre personnage. Ils ont tous leurs spécificités, leurs histoires respectives.

Extrait de "L’heure de la Sortie" T1
(c) B. Swysen, A. Blondieau et Bamboo

Intervenez-vous dans le scénario ?

Adeline m’envoie une idée. Si cela me plait, elle la développe ! Je réalise ensuite le découpage d’après un scénario très précis de sa part. Je le lui envoie et nous le modifions selon ses remarques. J’interviens dans son scénario, comme elle intervient dans mon dessin. Elle me fait souvent changer les vêtements de mes personnages pour qu’ils correspondent mieux à leur identité. J’ai pris des cours de stylisme avec elle (Rires). Il y a une interaction constante entre elle et moi, du début à la fin de la planche !

Pourquoi avoir proposé ce projet à Bamboo ?

J’y avais déjà publié le premier tome d’Interim Agency. Olivier Sulpice est mon éditeur et je lui ai parlé de ce projet. Il était assez sceptique quant à la réussite commerciale de cette série, compte tenu de l’aspect « People » d’Adeline. Je lui ai envoyé quelques pages. Il m’a téléphoné dans la journée pour me dire qu’il prenait la série parce qu’elle était, je le cite : « vraiment drôle ».

Vous utilisez un style plus simplifié pour illustrer « Interim Agency » et « L’Heure de la Sortie » …

Oui. J’accorde beaucoup d’importance à la simplification et la stylisation de mon graphisme. Cela m’amuse beaucoup. J’ai l’impression de n’être qu’au début de ce style-là. J’accorde également plus d’importance aux couleurs, aux tissus des vêtements, aux ombres des personnages, etc.

Cela diffère des albums que vous signez avec Claude Lelouch, où votre dessin est plus réaliste.

Oui. Je peux travailler la même journée sur une planche de L’Heure de La Sortie et sur une histoire plus réaliste. L’un me repose de l’autre, et nourrit l’autre. Et vice versa … J’évite ainsi d’être lassé. Au début des années 2000, j’avais dessiné les trois albums d’Albert Lombaire dans la foulée, et cela commençait sérieusement à me peser !

Vous avez accordé plus d’importance aux mouvements de vos personnages dans « Si Dieu le Veut »…

Oui. Les deux tomes de Toute Une Vie étaient mes premiers albums réalisés d’une manière réaliste. Il m’a fallu apprivoiser, apprendre et me perfectionner dans ce style graphique. J’espère que cette évolution va continuer. Au fil des planches, je sentais que j’étais moins coincé et que je pouvais aller plus loin dans les attitudes des personnages. Mais je suis encore débutant dans ce style… Claude Lelouch trouvait qu’il y avait une belle l’évolution dans la manière de faire bouger les personnages.

... avec le synopsis original de "L’aventure c’est l’aventure"
(c) Nicolas Anspach

Lelouch vous a confié le synopsis de ce film, qu’il va tourner aux USA...

Le film est reporté. Claude a deux mille idées à la minute. Il va réaliser une suite à L’Aventure c’est l’Aventure. Il m’a demandé de réaliser une adaptation en BD de ce film qu’il a réalisé au début des années ‘70.

C’est l’un des films cultes de Lelouch. Est-ce que cela vous intimide ?

Oui. Dès que nous avons décidé de faire des bandes dessinées ensemble, Claude m’a parlé de son envie d’adapter L’Aventure c’est L’Aventure en BD. Pour lui, cette histoire était une bande dessinée ! A l’époque, je n’étais pas prêt à me lancer dans un défi pareil ! C’est un film culte et les gens n’aiment pas que l’ont touche au mythe. Même quand c’est le créateur qui s’en charge. Quand le réalisateur Henri Verneuil a souhaité coloriser ses anciens films, les exégètes ont crié au scandale, alors que Verneuil lui-même supervisait les couleurs. Ici, ce sera Claude Lelouch qui sera aux commandes.

Extrait de "Si Dieu Le Veut’
(c) B. Swysen, C. Lelouch & E. Proust.

Qu’est-ce qui vous plaisait dans « Si Dieu Le Veut » ?

La manipulation ! Et puis les surprises que contenait ce scénario à tiroirs. Il prend ses spectateurs – ici, les lecteurs – par la main, et ils ne s’attendent pas à aller là où il les a emmenés. Sa manière de raconter des histoires est unique. Il a aussi une façon de construire ses dialogues qui est exceptionnelle et synthétique. Lorsqu’il met en place un nouveau personnage, on sait souvent à travers trois ou quatre phrases dialoguées qui il est ! Les personnages, dans l’évolution de l’histoire, restent toujours cohérents. Et puis, il parle admirablement bien des relations humaines.
Nous avons travaillé de la même manière que Toute Une Vie. Je lui montrais mon travail, quatre planches par quatre planches, ensuite nous parlions du découpage de la scène suivante !

Comment se comporte-t-il sur un plateau ?

Claude est d’un enthousiasme communicatif. Je l’ai vu diriger une équipe très importante pour Les Parisiens devant l’escalier du Sacré-Cœur à Montmartre. Il y avait beaucoup de figurants. Il était d’une gentillesse folle pour le moindre d’entre eux. On sent que quand Claude Lelouch est en tournage, ce sont les plus beaux moments de sa vie. Ce jour-là, il a commencé à pleuvoir. On est tous rentré dans le Sacré-Cœur pour s’abriter. Des trombes d’eaux tombaient. Quand la pluie s’est arrêtée, la luminosité extérieure était très belle. Il est alors sorti et a commencé à filmer la ville pendant dix minutes sous prétexte que l’on n’avait jamais vu Paris avec une lumière pareille ! Heureusement qu’il tourne en digital aujourd’hui…

Projet de couverture pour "Si Dieu Le Veut"
(c) Swysen, Lelouch & E. Proust.

La couverture de l’album est assez efficace…

Oui. Elle a été difficile à trouver ; J’ai fait énormément de projets pour arriver à un résultat qui a été jugé trop peu commercial. Finalement, ce fut le projet le plus simple qui a été retenu. Elle est le reflet de l’histoire : une croix qui tombe, comme un rayon de lumière, sur la maison blanche…

Pourquoi avoir publié l’album chez Emmanuel Proust ?

À la sortie du premier Toute Une Vie, il nous a demandé de signer nos suivants chez lui. Emmanuel Proust avait une collection adaptée pour nous accueillir, orientée vers le cinéma. Il nous a séduits ! Comme Soleil ne voulait plus rééditer les Rouletabille qui étaient épuisés, Proust a décidé d’en faire des intégrales ! Le premier volume vient de sortir, et regroupe Le Mystère de la Chambre Jaune et Le Parfum de la Dame en Noir. Il contient évidement un dossier supplémentaire.

Comment expliquez-vous qu’ils suscitent toujours de l’intérêt ?

Ce sont des classiques de la littérature repris dans les programmes scolaires. Au Canada par exemple un livre scolaire reprend notre adaptation du Fantôme de l’Opéra. Et le manuel de français de CM2, en France, reprend des planches de notre adaptation du Mystère de la Chambre Jaune.

La première intégrale...

Et le nouveau Rouletabille que vous nous promettez depuis des années ?

C’est en suspens. Soleil n’a pas répondu positivement à notre demande. Nous avons dû attendre quelques années pour récupérer nos droits. Il y a un délai officiel quant à l’épuisement des stocks à respecter. Emmanuel Proust attend de voir les ventes des rééditions. Nous réaliserons, André-Paul Duchâteau, et moi-même une suite du Mystère de la Chambre Jaune. André-Paul a déjà écrit un synopsis très détaillé. La série aura un nouveau graphisme, proche de celle de la couverture des intégrales…

Comment décrirez-vous André-Paul Duchâteau ?

C’est un grand Monsieur, une personne charismatique et d’une gentillesse extraordinaire. En vingt ans, je ne l’ai jamais entendu dire du mal de quelqu’un. Même quand des gens lui font des coups bas, il leur trouve une excuse. André-Paul est au dessus de la mêlée. Il a un humour extraordinaire. J’ai une profonde amitié pour lui. On a beaucoup travaillé ensemble. En plus de nos Rouletabille, nous avons fait une centaine d’énigmes policières pour des journaux. Il m’a vraiment donné confiance dans mon travail…

(par Nicolas Anspach)

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Et les chroniques de : Interim Agency et L’heure de la Sortie

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Lien vers le site de Bernard Swysen
Lien vers le site officiel de Claude Lelouch
Lien vers le site officiel d’Adeline Blondieau

Une rétrospective du travail de Bernard Swysen est visible à l’Héroïne Gallery du 17 septembre au 16 octobre 2008

Héroïnes Gallery
18 place du Châtelain
1050 Ixelles

Heure et date d’ouverture :
Le mercredi de 15h à 22h et
du jeudi au samedi de 15h à 19h
entrée libre

Photographies (c) Nicolas Anspach - Reproduction interdite sans autorisation préalable.

 
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