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Bertrand Morisset (directeur du Salon du Livre) : "Je préfère combattre le trafic de dédicaces que me battre contre les selfies."

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 16 mars 2015                      Lien  
Annonçant 1200 exposants, 30 000 professionnels et 400 rencontres, avec une ouverture nette à l’international, le Salon du Livre s'ouvre cette semaine. [La BD, comme chaque année, y est à l'honneur->art17685]. Rencontre avec son délégué général, Bertrand Morisset, qui sait donner de sa personne pour en faire la promotion.

Le Salon du Livre accueille-t-il plus ou moins d’éditeurs de bande dessinée que les années précédentes ?

L’étiage reste le même. On a des éditeurs de bande dessinée franco-belge, on a beaucoup d’éditeurs de mangas, les comics seront présents, on ne peut pas dire qu’il y aura de grands absents. Ils sont tous là, à périmètre égal.

Ont-ils le même profil qu’avant ?

Beaucoup d’éditeurs de petite taille sont fédérés par les régions et d’autres viennent par leur propre initiative. Je suis ravi d’avoir des éditeurs exigeants qui font du roman graphique. Nous avons l’honneur d’inviter Scott McCloud qui est quand même un des génies du roman graphique aux États-Unis et nous aurons bien évidemment notre ami Rosinski, puisque les villes polonaises sont invitées. Nous avons un panel prévu avec Enki Bilal et toujours un grand nombre d’auteurs de bande dessinée. Nous ferons moins de débats, mais mieux ; moins diversifiés, mais plus forts. Quand Scott McCloud va converser avec Boulet, nous préférons que l’on ait 1500 personnes qui viennent écouter plutôt que de faire dix conférences avec 50 personnes.

Bertrand Morisset (directeur du Salon du Livre) : "Je préfère combattre le trafic de dédicaces que me battre contre les selfies."
Bertrand Morisset avec Vincent Montagne, président du Syndicat National de l’Edition et de Media-Participations.

Les stands ont un certain prix, que ce soit au Salon du Livre ou à Angoulême. Quels sont les bons arguments que vous apportez aux petits éditeurs ?

À partir de 1000 euros tout compris, les petits éditeurs peuvent être présents sur un 9m² dans un espace collectif. Après, évidemment, il faut se transporter, se loger et se nourrir. Il y a forcément des frais. C’est très important d’équilibrer ses coûts et ses frais d’exploitation. J’ai été un petit éditeur, j’ai exposé pendant des années au Salon du Livre, je sais de quoi je parle. Néanmoins, il faut aussi ne pas négliger les retombées commerciales indirectes comme ces bibliothécaires qui viennent nous voir. Ils sont 3500. On n’arrête pas de leur dire : "allez voir les petites maisons d’édition." Comme petit éditeur, il m’arrivait de sortir du salon en vendant plus à des bibliothécaires, avec des bons de commande, qu’à des libraires.

Idem pour les droits étrangers : un éditeur brésilien de comics peut passer sur le stand et acheter toute une collection de romans graphiques. Comme éditeur de littérature, j’avais vécu cela avec un éditeur portugais. C’est ça le Salon ! Si l’on est en comptage d’épicerie, en se disant "je dépense 1, il faut que rentre 1", on est mort, il vaut mieux ne pas venir. C’est très rare de couvrir les frais au Salon du Livre. La prise de parole, la visibilité ou, ne serait-ce que la connivence entre éditeurs, c’est très important.

On n’a pas la chance d’avoir, comme à Saint-Malo, à Brive ou à Angoulême des spots de rencontre, parce que Paris, c’est une des plus grandes villes du monde : on a toujours mieux à faire que de se retrouver au Mercure ou Chez Francis à Brive. C’est peut-être moins convivial, mais au niveau du business, c’est incomparable. C’est un business multiple : ventes de livres, ventes de droits, notamment sur le marché des droits audiovisuels de la SCELF. Aux petites maisons, nous avons vendu 1300 m² l’année dernière et 3300 m² cette année, ce n’est pas un hasard !

Pendant quelques jours, la plus grande librairie de France.

Des auteurs se sont, paraît-il, insurgés contre la multiplication des selfies...

Certains éditeurs nous disent ça. Le Salon n’y est pour rien. Je trouve logique qu’un lecteur ait envie de se faire photographier avec son idole. Le poids des mots, le choc des photos, je trouve ça bon. Être pris en photo et mettre sur Instagram le selfie que l’on a fait avec un auteur, cela ne me dérange pas. Après, s’il n’y a que ça, je peux comprendre qu’un auteur en aie marre, au même titre qu’un auteur de bande dessinée se retrouve assailli par une horde de pirates qui piquent les dédicaces pour les mettre sur Ebay ensuite à 300 euros, c’est dégueulasse. Je préfère combattre cela, et je m’y emploie au Salon du Livre, que de me battre contre les selfies. C’est un débat de cornegidouille.

On ne vous entend plus trop parler d’Angoulême ces derniers temps... Tout est réglé ?

Non ! Mais la vérité est faite sur la fréquentation. Le préfet a annoncé 28 000 visiteurs, je crois, ce que je crois être en dessous de la vérité : il y a à Angoulême, je pense, entre 80 à 100 000 visiteurs, ce qui est génial. Cette année, je constate qu’ils n’ont pas sorti de chiffres de fréquentation, bien leur en a pris. J’ai l’impression que l’affaire se moralise un peu : on parle d’appels d’offre, de remise à plat, sans forcément changer d’acteur, ce que je ne désire pas forcément. Cela fait cinq ans que je dis qu’il y a une distorsion de concurrence avec de l’argent public par rapport à leur activité, je ne change pas de débat ! Dès lors qu’il y a une transparence, que les chiffres annoncés sont les bons, moi ça me va. Je suis encore allé à Angoulême cette année, j’ai eu un plaisir fou, j’ai visité de belles expos, rencontré plein de potes éditeurs, j’ai assisté aux États généraux de la BD, ça bouge !

Quel est le moment BD à ne pas rater au Salon cette année ?

La rencontre avec Scott McCloud, le dimanche 22 mars sur la Scène des auteurs, pour un dialogue avec Boulet, c’est très fort. Bilal va parler de l’art et du football. Rosinski parlera aussi. Et puis nous avons deux mangakas invités cette année, Tetsuya Tsutsui et Shin’ichi Sakamoto, qui vont attirer les foules, j’y crois !

Propos recueillis par Didier Pasamonik

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Salon du Livre de Paris, du 20 au 23 mars 2015
Porte de Versailles - Pavillon 1
Jeudi 19 mars : soirée d’inauguration (uniquement sur invitation)
Vendredi 20 mars et samedi 21 mars : 10h-20h
Dimanche 22 mars : 10h-19h
Lundi 23 mars : 9h-13h : matinée réservée aux professionnels pré-accrédités - 13h-19h : réouverture au public

- Rencontre entre Scott McCloud et Boulet
Dimanche 22 mars de 12h30 à 13h30
Scène des auteurs

- Conversation avec Enki Bilal (Casterman), animée par Laurent Boscq.
Dimanche 22 mars de 12h30 à 13h30
Art Square (F51)

- Riad Sattouf (Allary) interrogé par Laurent Goumarre
L’Arabe du futur Tome II en avant-première
Dimanche 22 mars / 10h30-11h30
Scène des auteurs

- Droit d’auteur et liberté d’expression : pour que vive la création, débat animé par Olivier Weber avec notamment Plantu et la dessinatrice tunisienne Nadia Khiari
Vendredi 20 mars/ 18h30-20h
Scène des auteurs

- La fabrique des personnages avec notamment Catel Muller
En partenariat avec la SGDL
Samedi 21 mars / 10h30-11h30
Scène des auteurs

Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)

 
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