New York, 1977, les contrats pleuvent pour Big K dans cette « Big Apple » où les familles de mafiosi règnent en maîtres et distribuent bons points et punitions définitives. Big K est un tueur à gages, exécuteur des contrats d’une des principales associations de malfrats de la ville. Ce grand escogriffe efficace et froid est le meilleur dans son domaine : le meurtre commandité. Il est craint par tous et même des truands pour son manque d’affect qui ne semble affecté par aucune faille. C’est un tueur sombre, impassible et violent.
Dans une atmosphère de roman noir et de classique du cinéma des années soixante-dix, le dessin réaliste et frigorifique de cette BD crée de purs moments de violence graphique, associant des lignes qui se frictionnent et s’entrecroisent et des couleurs au ton pastel reproduisant avec vivacité l’univers sale et morbide des bars obscurs et des clubs obscènes. Rien de clinquant ici, le crime, même le plus répugnant, se déroule dans un environnement feutré. En dépit de ces qualités, le dessin peine par moments à stabiliser les traits des personnages qui sont parfois à peine reconnaissables. La posture statique et les cadrages graphiques très classiques donnent l’impression d’être confronté à un « story-board » de film de genre. Heureusement, la narration en voix off aide à cerner le personnage. La couverture peu attrayante, c’est le moins que l’on puisse dire, n’est pas un atout pour cet album.
Le scénario ne s’arrête pas à décrire la noirceur d’un monde voué au crime mais donne à voir la lente fabrication d’un monstre. Big K est un produit de la violence de la société d’après-guerre. Les flash-backs bien montés mettent en avant le point de rupture qui va forger la vie future de l’enfant. C’est, en quelque sorte, un « self-made man américain » à sa façon. Il incarne la réussite dans son domaine de compétence : la mort. Il se ballade d’ailleurs avec une sorte de double : conscience morbide et mortifère. Tous les protagonistes sont d’ores et déjà des cadavres ambulants : « la violence (est) un moyen d’expression, peut-être le plus puissant du monde. » La seule chose sûre dans la vie est qu’on va mourir.
Nous sommes confrontés à une vision extrêmement noire de l’existence en suivant ce personnage à l’esprit torturé et vengeur. Ce mercenaire s’abreuve à la source de la mort en abrogeant la vie de ceux qui lui sont nommés ou qui, selon ses propres critères, méritent de disparaître.
Ce portrait d’un criminel sans pitié devrait séduire les amateurs de polars à l’américaine mais, en installant le lecteur dans une lecture plus psychologique de ses actes, ce récit peut également satisfaire les curieux voulant comprendre les mécanismes qui fabriquent un assassin glacial sans regret ni remord.
(par Vincent GAUTHIER)
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