Le Lyon BD festival s’achève aujourd’hui, et c’est bien dommage. Tous les amoureux du neuvième art ont pu se régaler depuis vendredi dernier entre Rhône et Saône.
Qui dit festival dit dédicace, et le Lyon BD a réussi à aligner une brochette de stars à faire pâlir d’envie plus d’un festival du monde entier : de légendes encore vivantes (Dionnet...) en légendes en devenir (Wilfrid Lupano), de jeunes plus que prometteurs (Chloé Cruchaudet, Emmanuel Lepage) en moins jeunes (Lewis Trondheim, Davodeau) ou encore moins jeunes (Fournier) qui continuent à tenir la promesse de qualité album après album, les fanatiques de la dédicace ne savaient où donner de la tête : courir après un dessin de Boulet, ou attendre pour voir Loisel ?
Mais loin de se limiter à inviter le gratin confirmé du monde des bulles, Mathieu Diez et le festival continuent à inviter des auteurs lyonnais en grande quantité (des frères Jouvray à J-C. Deveney en passant par Marie Avril), ainsi que des jeunes pousses plus que prometteuses (Obion, Hervé Bourhis) et une ribambelle de primo-publiants en devenir.
Mais, et c’est là la grande force du Lyon BD, ces dédicaces ne sont que la partie émergée d’un iceberg bien plus intéressant, subtil, intelligent et profond.
Ce festival s’est inscrit sous le signe de la diversité. Diversité des lieux investis (six principaux et une ribambelle de lieux secondaires), du Musée des Beaux-Arts à la FNAC Bellecour, des librairies aux bibliothèques, de la Comédie Odéon à l’Opéra, du Musée d’Art Contemporain au Goethe Institut, du Musée gallo-romain au Palais du Commerce.
Diversité de l’origine géographique des auteurs présents, avec une place très importante accordée à l’International. L’Hôtel de Ville a ainsi été placé tout le weekend sous le signe des comics, accueillant auteurs venus d’Outre-Atlantique et expositions US en tout genre.
Des délégations chinoises, québécoises, algériennes et catalanes étaient également présentes tout au long de ces trois jours. Cela a donné lieu à des expériences cocasses, comme la saison 3 de Webtrip, « Récits et recettes », qui consistait à faire découvrir les gastronomies catalanes et lyonnaises par la bande dessinée. Cet après-midi eut lieu une séance de dessins live, durant laquelle le public donna trois ingrédients à chaque dessinateur. Javi Rey, Jaime Martin, Jordi Sempere, Oriol, Guillaume Long et B-gnet durent imaginer des recettes à partir de ces éléments improbables, donnant lieu à de joyeux quiproquos linguistico-gastronomiques.
Diversité des activités, surtout ! Le vendredi fut consacré à la journée pro, dont nous avons déjà abondamment parlé tout le weekend, qui permit, entre autres, d’entendre JC Deveney, Lewis Trondheim et Jérôme Jouvray évoquer les nouveaux modèles éditoriaux face à la crise ou de voir Jean-Louis Tripp et Régis Loisel exposer en direct leur technique de travail à quatre mains dans le cadre d’une belle Master Class.
Tout le weekend, les conférences, tables-rondes et Master Class furent nombreuses. Des ateliers furent ainsi consacrés à Hub, à Baru, à Davodeau ou encore à Emmanuel Lepage, permettant de pénétrer dans l’univers créatif de ces auteurs en leur compagnie.
De très nombreuses expositions furent également organisées un peu partout dans Lyon et sa banlieue. Nous avons déjà chroniqué l’inauguration de l’exposition de Boulet au Musée des Confluences, mais il faudrait également évoquer l’hommage à Sanjulian, à l’Hôtel de Ville, une exposition de la Marine Nationale, qui a accueilli en son sein plusieurs auteurs lyonnais, à qui fut offert l’occasion de séjourner sur des frégates ou des sous-marins nucléaires, ou encore une exposition de la délégation de Shanghai.
De nombreux évènements ont émaillé le festival. On pense bien évidemment à la remise des prix, samedi soir. Le tome 3 d’Alice au pays des singes, de Kéramidas, Tebo et Florence Torta, chez Glénat, a remporté prix Jeunesse, Ce n’est pas toi que j’attendais, de Fabien Toulmé chez Delcourt le prix du Truc d’or, Soucoupes, de Obion et Le Gouëfflec, chez Glénat, le prix spécial du Jury, et le Grand Prix revenant à Un Océan d’amour, de Wilfrid Lupano et Grégory Panaccione, chez Delcourt.
Mais d’autres évènements furent également à noter. Un atelier, animé par le président Bricard et par Thierry Mery, initia ainsi les enfants à la bande dessinée, dans les styles franco-belges, comics et manga.
Différents auteurs furent également invités au Musée des Beaux-Arts pour croquer les grandes œuvres qui y sont conservées. Le résultat fut parfois étonnant, comme avec l’interprétation toute personnelle de l’œuvre de Van Miereveld par Tripp.
Surtout, les spectacles rendirent ce festival extrêmement vivant. Nous n’en retiendrons que deux : La Grande Dégustation et Revoir Paris. Au Musée Gadagne, Schuiten et Peeters ont offert au public venu nombreux une « conférence-spectacle », l’histoire de Kârinh, voyageuse du futur dans le Paris de ses rêves, nourrie par les représentations de Perret, Le Corbusier, Jules Verne ou Robida, le tout sur une musique inquiétante et fascinante de Bruno Letort.
Plus léger, mais tout aussi intéressant, Étienne Davodeau, Guillaume Long, Boris Guilloteau et Hervé Richez montèrent sur les planches de la Comédie Odéon dans le cadre de leur Grande Dégustation. Tous ces auteurs, connus pour leur hédonisme et leur amour du vin, furent justement invités à déguster de bons (ou moins bons…) nectars sur scène, tout en dessinant en direct ce qu’il leur inspirait.
Puisqu’il faut conclure, disons le haut et fort : la capitale de la gastronomie française a bien été, le temps d’un weekend, la capitale de la bande dessinée mondiale, le tout dans un esprit familial qui ne règne malheureusement plus depuis longtemps dans d’autres festivals. Il n’y a qu’une chose à dire : vivement l’an prochain !
(par Tristan MARTINE)
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