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Bitchy Bitch en vacances - Roberta Gregory - Vertige Graphic

Par Patrick Albray le 31 octobre 2001                      Lien  
 Bitchy Bitch est un personnage de bande dessinée désarçonnant car il ne correspond à aucun des clichés de l'Américaine moyenne, qu'il soit véhiculé par les medias, par les "comics" ou par le cinéma. Elle n'a rien d'une yuppie, rien d'une super-héroïne, rien d'une névrotique shootée au divan d'un psychothérapeute et rien d'une imbibée de hamburgers/cocalaït/Prozac. Mais tout d'une pile de nerfs prête à faire payer le monde entier pour ses nombreuses frustrations.

"Bitchy Bitch est certainement la femme la plus en colère d’Amérique", écrivait Jean-Paul Jennequin en 4e de couverture du premier volume paru en français aux éditions Bethy. C’est vrai, au bureau comme à la maison, Bitchy Bitch n’arrête pas de pester contre tout ce qui lui vient à l’esprit : la bêtise de ses voisins , de ses collègues, de la société, le sort médiocre qui est le sien.

Figure paroxystique de l’américaine moyenne, "executive" "middle class", frustrée aussi bien sexuellement que socialement, Midge McCracken est une des figures majeures de la nouvelle BD underground américaine, une trouvaille qui incarne une figure sociale aussi justement que le Don Quichotte de Cervantès ou l’Avare de Molière.

Fauchée, frustrée, indécise, Bitchy est incapable en temps normal de prendre des vacances. Mais voilà : elle qui n’a jamais de chance, elle se les voit OFFRIR, ces vacances, GRATUITEMENT. Son malheur ? C’est que ce sont des vacances POUR DEUX PERSONNES. On imagine la torture que cela constitue pour notre célibataire endurcie.
Dans la seconde partie de l’ouvrage, Midge est de retour au bureau. Son petit univers n’a rien de celui de Gaston Lagaffe. On y retrouve la galerie habituelle de portraits cinglants de la société américaine : Marcie, l’activiste ultra-religieuse affublée dans la version américaine d’un accent digne de Georges W. Bush et qui s’avère aussi peu libérale que lui, Sylvia, le petite yuppie branchée "new age", la chef de bureau politique et faux-cul qui temporise à tout va et s’englue dans le politiquement correct. Et voilà que dans ce petit monde débarque un copine d’enfance de Midge McCracken à un poste de responsabilité qui laisse penser à Bitchy que le destin lui est décidément clément ces derniers temps.

Mais notre intégriste de service pose tout de suite la question qui tue : "c’est quoi le triangle rose que la nouvelle a sur sa voiture ?". Elle trouvera la réponse et fera bientôt une pétition vitupérant cette compagnie "qui engage décidément n’importe qui". La perspective que la copine d’enfance de Midge soit lesbienne agit comme un séisme dans la vie du bureau. Une occasion unique pour Roberta Gregory de dénoncer de façon définitive un racisme homophobe qui n’est pas le seul apanage des Etats-Unis.
Le père de la dessinatrice américaine Roberta Gregory dessinait les aventures de Donald pour Disney. Sa fille a longtemps été maquettiste pour les éditions Fantagraphics où elle a mis en page les oeuvres complètes de Crumb. Sans doute en réaction au goût sirupeux de l’un et aux propos excessivement machistes de l’autre, elle a développé une oeuvre indépendante dont Jean-noel et nathalie Lafargue disent qu’elle est "féministe, mordante et aux thèmes réalistes, dont un des morceaux de choix, [est] la série ’Naughty bits’ (parties honteuses)" publiée en recueil sous le nom de Bitchy Bitch.

Née en 1953 en Californie, elle a longtemps été sa propre éditrice avant de trouver le succès international qu’on lui connaît aujourd’hui.
Pour en savoir plus :
La page de Jean-noel et Nathalie Lafargue (la bédéthèque idéale) et le site de Roberta Gregory (en Anglais).

(par Patrick Albray)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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