Il va bien falloir écrire un jour une histoire du graphisme, de ces lignes subtiles qui plongent leurs racines chez Roubille et chez Bofa, que l’on retrouve chez Chas-Laborde et chez Jean Bruller, et puis qui ressortent chez Tardi, Dupuy et Berberian, François Avril ou Blutch… Qui a jamais fait le lien entre Willem et Galantara ? Entre Trondheim et Alfred Jarry ? Entre Philippe Geluck et Chaval ? Ce ne serait pourtant que justice.
L’Anthologie Bizarre 1953-1968 (Ed. Berg International), établie et commentée par Jean-Marie Lhôte qui en fut l’un des collaborateurs, fait partie de ces sauvetages salutaires. En la feuilletant, on comprend bien combien cette revue consacrée aux cultures « vulgaires » : roman policier, fantastique, dessin d’humour, cinéma d’horreur, littérature de Fantasy… a joué un rôle dans la diffusion de cette « sous-culture » qui deviendra la « contre-culture ».
Sept ans avant Hara Kiri, elle s’affirme par son ton libertaire, anti-militariste, « anti-intellectualiste » comme dirait le très intellectuel (?) Harry Morgan, et surtout comment, en précurseur, elle publie les premiers dessins de Wolinski, Copi, Cabu, Siné, Reiser… aux côtés de Chaval, Mose, Bellus, oui Bellus…
Elle a Jean-Paul Sartre et le culte hypocrite de la Résistance en horreur. On y retrouve les dynamiteurs d’hier (Philippe Soupault, Magritte…) comme ceux de demain (Raymond Queneau, Topor, Cavanna…) aux côtés de véritables intellectuels (ceux-là…) comme Francis Lacassin qui y livre son premier texte sur Tarzan ou François Caradec déjà en train de défendre La Famille Fenouillard et Christophe. Quand on apprend que le gérant de la revue n’est autre qu’Éric Losfeld, le futur éditeur de Barbarella et de Jodelle, on comprend mieux à qui on a affaire.
La filiation du Dadaïsme et du Surréalisme à la Pataphysique y est évidente. La culture de la subversion est la norme. Elle a toujours été le vrai ferment des avant-gardes.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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