Ce film du réalisateur Ryan Coogler (Creed : L’héritage de Rocky Balboa) s’inspirant de l’univers d’un personnage de l’éditeur Marvel créé en 1966 par Stan Lee et Jack Kirby au détour d’une aventure des Quatre Fantastiques, il nous est difficile de ne pas soulever très rapidement cette question : qu’en est-il de l’adaptation des aventures de la Panthère noire en bande dessinée ce ce film ?
Eh bien, comme d’ordinaire avec Marvel Studios, on ressent plutôt une forte inspiration de l’œuvre d’origine plutôt que son adaptation littérale au grand écran. En effet, l’intrigue de ce film et les personnages ne correspondent pas trait pour trait à une aventure vécue par la Panthère noire lors de ces précédentes décennies. Elle propose même parfois de nouvelles interprétations différentes de ce que l’on a eu l’habitude de lire.
Toutefois, et c’est un bon point à nos yeux, l’approche de ce film nous a semblé similaire à celle dégagée par le scénariste Ta-Nehisi Coates dans les derniers Comics de la Panthère noire, à savoir une approche politique de l’intrigue ainsi qu’un respect manifeste des spécificités culturelles qui définissent le héros et son royaume.
Retour au Wakanda
Après avoir perdu son père lors d’un attentat durant le film Captain America : Civil War, T’Challa rentre en Afrique pour prendre la succession de ce dernier. Aucun accroc n’intervient lors des cérémonies du sacre, si ce n’est qu’arrivé au pouvoir, la Panthère noire va découvrir que le trône du Wakanda recèle peut-être des lourds secrets qui vont ébranler ses convictions.
Si Chadwick Boseman continue d’interpréter une Panthère noire que l’on prend plaisir à voir évoluer, tant dans l’action que dans ses interactions avec les personnages qui l’entourent, on constate qu’il se fait un peu voler la vedette par l’un des principaux antagonistes du film, à savoir le personnage d’Erik Killmonger interprété par Michael B. Jordan. Ancien soldat des forces spéciales américaines, Killmonger parcourt le monde en compagnie d’Ulysse Klaue (Andy Serkis) pour voler à des collections issues des anciens empires coloniaux des objets qui n’avaient pas été identifiés comme venant du Wakanda les siècles précédents... Des objets qui contiennent du vibranium, le précieux métal d’origine extraterrestre dans l’univers Marvel qui est capable d’absorber l’énergie cinétique.
Faisant preuve d’un intérêt nébuleux pour le Wakanda, Erik Killmonger y débarque pour mettre à l’épreuve le nouveau souverain : selon lui, comment se fait-il que le pays le plus riche et le plus développé du monde, le Wakanda, n’ait rien fait les siècles précédents pour venir en aide aux Africains oppressés à travers le monde ? Le film développe cette question comme étant centrale pour son intrigue, ce qui est assez surprenant dans un récit s’inscrivant dans un univers très grand public qui creuse rarement l’aspect politique de ses histoires.
Black Panther, c’est aussi (et surtout ?) une question de casting féminin : les actrices rayonnent littéralement à l’écran ! La Panthère noire est entourée de femmes costaudes qui constituent bien souvent sa garde personnelle, les Dora Milaje Il aurait été inconcevable de ne pas en profiter pour développer des personnages féminins intéressants.
Le pari est réussi grâce à l’écriture de ces différents personnages (peut-être à l’exception de la reine-mère, moins emblématique que les autres dans le film comme dans les bandes dessinées) et au talent des actrices, Lupita Nyong’o (12 Years a Slave, Star Wars) et Danai Gurira (Michonne dans la série TV The Walking Dead) en tête. Quoique, il y a une actrice et un personnage qui tire encore plus que les autres son épingle du jeu...
Le personnage de Shuri, interprétée par Letitia Wright : la petite sœur de T’Challa est l’un des personnages que les amateurs de Comics reconnaîtront le moins, tant elle s’éloigne du canon d’origine. Mais pour quel résultat ! Si l’intrigue et les thèmes développés dans ce film sont plus pesants qu’à l’accoutumée pour Marvel Studios, le personnage de Shuri amène une énergie positive folle à l’écran. Très jeune et pourtant déjà à la tête du département de recherches scientifique et technologique du Wakanda, le personnage apporte un grain de folie bienvenu à son héros de grand frère et une touche de fantaisie à son équipement futuriste. Un peu comme si Q dans les films avec James Bond venait tout juste de sortir du lycée [1] et apportait son énergie juvénile pour booster l’agent secret avant de partir en mission. Une réinterprétation inattendue du personnage qui a de l’intérêt.
Le film était aussi attendu pour une bande originale où l’on retrouverait des chansons composées par le célèbre rappeur californien Kendrick Lamar : peut-être que ses nombreuses compositions seront plus appréciables lors de l’écoute en album, mais le charme opère peu dans le feu de l’action, les couleurs musicales de Kendrick Lamar étant très vite reconnaissables mais bénéficiant que de très peu de temps pour être développées à l’écran (c’est très subjectif, mais le générique de fin nous a semblé être le premier titre à pouvoir être véritablement écouté sur la durée de tout le film).
Au final, Black Panther est-il un film réussi ? Eh bien, contre toute attente, l’impression finale est mitigée. Le film est très honnête, respectueux dans sa démarche par rapport au matériau d’origine, mais il est aussi sans réelle surprise. Aucune information majeure ne manque avant de voir le prochain Avengers car les lignes de l’univers cinématographique Marvel ne bougent ici qu’en périphérie.
Néanmoins, le film est pétri d’efforts louables : « En temps de crise, le fou construit des murs et le sage des ponts » affirme ainsi la Panthère noire dans un film qui devrait connaître une suite. Une sentence qui fait écho à un président peroxydé qui préfère parler de folie plutôt que de contrôle des armes...
(par Romuald LEFEBVRE)
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Black Panther. Réalisé par Ryan Coogler. Sorti le 14 février 2018. 134 minutes.
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[1] Oui, depuis 2012 et Skyfall, l’acteur Ben Whishaw interprète un personnage de Q qui tendrait en ce sens... sauf qu’avec Shuri, il n’y a pas forcément le cynisme de l’écart d’âge qui existe entre le quartier-maître et l’agent.
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