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Blueberry : 40 ans d’apothéose

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 4 octobre 2003                      Lien  
Le cap des 40 ans est pour tout un chacun un moment décisif. « {L'âge où tout homme devient une canaille} » disait Jose Luis Borges dans l'avant-propos de {Fictions}. Il voulait dire que c'est l'âge où l'on réalise que l'on a plus rien à perdre. La proximité du trépas pousse tout créateur à se dépasser, tout artiste à commettre le chef-d'œuvre quel qu'en soit le prix.

Jean Giraud, alias Gir, alias Moebius, a bien plus de quarante ans. Sa carrière est la plus brillante qui soit, comparable dans le domaine de la peinture à celle d’un Picasso. Mais la partie, à mon sens, qui résistera le mieux au vent de l’histoire est sans conteste la série des Blueberry. C’est à l’origine un duo formé par le Belge Jean-Michel Charlier, scénariste polymorphe et roué avec un jeune dessinateur français débutant, sorti de l’atelier du graphiste le plus libre de l’école belge : Joseph Gillain, alias Jijé. Le Wallon a d’ailleurs réalisé presque complètement les premières pages du premier volume de la saga : Fort Navajo laissant le soin au jeune tendron de continuer l’œuvre. C’était il y a quarante ans. Depuis, 26 albums ont complété la fresque aventureuse du lieutenant Blueberry, les derniers signés seuls par Giraud après la disparition de son complice. Plusieurs surgeons ont poussé, impulsés par les créateurs d’origine, mais repris par d’autres talents graphiques et scénaristiques : La Jeunesse de Blueberry, Marshall Blueberry…. Ils forment l’une des plus exemplaires réussites de la bande dessinée contemporaine.

On pourrait croire le vieux créateur fatigué, prolongeant le mythe par habitude. Il n’en est rien : cet épisode, le deuxième d’un nouveau cycle, revitalise complètement la saga. Loin de s’auto-plagier, Giraud se met tout le temps en danger. Le rythme du scénario en particulier est époustouflant, ménageant un coup de théâtre toutes les deux pages. Les personnages sont virilement campés et la trame du récit, mêlant évènements parallèles et personnages hauts en couleur, serial killer façon western et justiciers de légende, s’attache à prendre le lecteur en permanence à contre-pied, le menant de surprise en surprise. Quant au dessin, il est en pleine maturité, virtuose en diable. Cet album est un sommet, une fête pour l’esprit. Du grand art.

Blueberry - O.K. Corral - par Giraud - Editions Dargaud

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(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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