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Bob De Groot : "Je ne me priverai pas d’un bon gag !"

Par Nicolas Anspach le 13 avril 2005                      Lien  
{Léonard} a trente ans, et cela se fête ! {{Turk}} & {{De Groot}} ont signé ensemble trente-cinq album narrant les inventions et autres (mé)faits burlesques de ce génial personnage. Nous avons rencontré Bob De Groot, le scénariste afin d'en savoir plus sur {Léonard}, mais aussi sur ses nombreuses autres séries. L'homme a signé treize aventures de {Clifton} entre 1973 et 1990 avec Turk et {{Bédu}}. Avant de reprendre la destinée du flegmatique colonel britannique avec {{Michel Rodrigue}} en 2003. Il fut l'un des pères de la bande dessinée réalisée grâce à l'outil informatique, et a même signé le scénario de trois {Lucky Luke} pour {{Morris}}... Il fut également le premier scénariste de {{Philippe Francq}} ({Largo Winch}), et ont animé ensemble {Des Villes et des Femmes}. Rencontre avec un génial scénariste...

Votre carrière professionnelle est indissociablement liée à Léonard. Comment est-il né ?

Greg m’avait demandé de lui inventer un personnage pour Achille Talon Magazine. Je ne trouvais pas d’idée qui correspondrait à son attente. A cette époque, Turk et moi-même réalisions Robin Dubois. J’avais inventé un gag où le shérif présentait Léonard à Robin. Le génie venait d’inventer le parcmètre, à la grande joie de Robin qui en a profité pour le détrousser immédiatement !
Greg, en voyant ce gag, m’a encouragé à sortir ce personnage de ce contexte, et de le faire évoluer dans son propre univers. J’ai quand même gardé le gag en question, en remplaçant le personnage de Léonard par Mathusalem. Je n’allais pas me priver d’un bon gag pour autant !

Bob De Groot : "Je ne me priverai pas d'un bon gag !"
Extrait de Léonard T35
(c) Turk & De Groot / Lombard.

Quel souvenir gardez-vous de Greg ?

Il a été à la bande dessinée ce que les Beatles ont été à la musique ! Il a découvert beaucoup d’auteurs : Dupa, Hermann, Vance, Turk et moi-même. Greg avait le génie de déceler le potentiel d’un artiste dans un travail malhabile. Et puis c’était un auteur prolifique qui écrivait avec facilité. Il était capable de passer du tac au tac d’un scénario d’Olivier Rameau à un autre pour Bernard Prince. Et son travail restait malgré tout d’une très grande qualité !

Vous avez également travaillé avec Maurice Tillieux, sur Félix.

Ce personnage était la vedette de Héroïc-Albums. Des épisodes ont ensuite été réédités dans d’autres revues, et Maurice Tillieux avait besoin d’assistants pour remanier le graphisme de ceux-ci. Le format de parution était différent. Maurice m’avait demandé de rajouter deux centimètres de dessin de chaque côté des cases. Je devais donc continuer les décors, en restant fidèle à son trait. Il reste, avec René Goscinny, l’un de mes maîtres à penser. Nous avons eu de ces fous rires, ensemble !

Vous avez également fait quelques tentatives dans le scénario réaliste.

Avec Des Villes et des Femmes, effectivement. Mais ce n’est sûrement pas la dernière ! Je ne peux hélas pas me consacrer à d’autres séries pour le moment. J’ai vu Philippe Francq dernièrement, et nous envisageons de réaliser une intégrale ou un coffret reprenant les deux albums, ainsi qu’une histoire inédite. Mais, hélas, il aurait du mal à y consacrer du temps car Largo Winch l’occupe beaucoup. Ensuite, si l’éditeur décidait de relancer la série, je la continuerai volontiers avec un autre dessinateur.

Extrait de Léonard T35
(c) Turk & De Groot / Lombard

Revenons à Léonard, quel est le personnage qui vous ressemble le plus dans cette série ?

Le chat ! Tous mes amis sont d’accord à ce sujet. Je suis « très second degré ». Je me sens fort proche de lui.

Et votre dessinateur, Turk ?

Léonard, sans nul doute ! Turk a toujours aimé les machines. Il démontait tout ce qu’il avait sous la main lorsqu’il était jeune...

Vous avez repris le scénario de Clifton en 2003. Pourquoi avez-vous eu envie de reprendre le destin de ce personnage ?

Tout simplement pour me faire plaisir. Et puis, Michel Rodrigue avait réalisé d’excellents essais et était très motivé. Nous travaillons actuellement sur notre troisième Clifton en commun. Après nous relancerons sans doute Doggyguard.

Aura-t-il le temps de mener trois séries de front ? Ce n’est plus un secret : il va reprendre le graphisme de Cubitus.

Nous allons essayer, mais il dessinera Doggyguard avec plus de facilité. Il a créé cet univers.

L’humoriste Pierre Aucaigne écrira les nouveaux gags de Cubitus. N’avez-vous pas été tenté de le faire ? Vous étiez fort proche de Dupa.

J’ai scénarisé plusieurs gags de cette série du vivant de Dupa. De même que ce dernier m’a donné quelques idées pour mes séries. Mais il avait un sens du gag différent du mien.
Le Lombard ne m’a pas demandé de reprendre ce personnage. Je n’ai jamais couru derrière ce genre de chose. C’est peut-être un tort...
Par exemple, Morris m’a appelé pour retravailler ensemble. J’avais signé le scénario du Bandit Manchot, en 1981. J’étais soumis à un imposant cahier des charges pour Lucky Luke. Mais ce fut un bonheur d’avoir écrit deux autres histoires plus récemment : Marcel Dalton (1998) et l’Artiste Peintre (2001).

Etait-il dirigiste ?

Pas du tout. Je lui transmettais mon scénario dessiné, et il en faisait ce qu’il voulait. Il avait du talent, et changeait des éléments du scénario pour l’améliorer, ou pas ! Il me téléphonait à chaque fois pour me demander mon avis. Mais c’est vrai : c’est lui qui avait le dernier mot !

Vous comptez reprendre Robin Dubois ?

Il en est question, mais c’est un peu trop tôt pour vous en parler avec précision. Turk souhaiterait ne se consacrer qu’à Léonard. Des dessinateurs ont fait des essais intéressants, mais nous devons encore sélectionner l’heureux élu ! J’ai toujours un -ou plusieurs- album(s) d’avance pour chacune de mes séries. Ce serait triste de ne pas publier ce matériel inédit !

Un gag issu du dernier album de Léonard
(planche 1/2) ... et dessiné par Bob De Groot.

Vous dessinez vos scénarii de manière assez poussée. Vos dessinateurs ont-ils encore une part créative ?

J’ai commencé ma carrière en dessinant plus de quatre cent pages. J’ai une vision graphique de la planche, et je ne sais pas travailler autrement. Turk et moi-même avons la même conception de notre travail, et surtout de la représentation graphique d’une case. Il m’est arrivé de lui dicter un gag par téléphone, case après case ! Lorsque j’ai reçu sa planche, j’étais surpris de découvrir qu’il avait disposé les décors et personnages de la même manière que je l’aurais pensé ! Etonnant !
Illustrer mes scénarios est un réel plaisir, et me permet, mine de rien, de continuer à dessiner.

Vous travaillez également pour le secteur de la publicité de temps à autre.

Pour le moment, je suis plongé dans des histoires courtes pour le parc d’attractions belge Walibi. J’écris des histoires en douze planches, ainsi que des jeux. Nous avons eu des directives très précises afin de monter des histoires sur le personnage fétiche du parc (un kangourou). C’est assez amusant, d’autant plus que je collabore à nouveau avec Bertrand Dupont. Dans les années 70, nous avions réalisé quelques gags de la série Modeste & Pompon.

(planche 1/2)

Vous êtes l’un des pères de la BD réalisée grâce à l’outil informatique.

Oui. Landrain et moi-même avions publié Digitaline en 1989. Les américains étaient confrontés à des problèmes de moirages de couleur, et avaient donc du retard dans ce domaine. Un deuxième album était en préparation. Mais finalement, nous avons dû abandonner l’aventure car la qualité graphique n’équivalait pas encore à la mise à l’encre traditionnelle.
Ceci dit, j’ai eu la surprise d’apprendre que nous étions repris dans le livre des inventions. Une belle récompense pour l’un des pères de Léonard (rires).

Digitaline était d’une beauté déconcertante...

Oui. Aujourd’hui encore, je reste fier de cet album et du slogan trouvé pour Digitaline : « 52 kilos d’héroïne pure ! ».

Digitaline
52 kilos d’héroïne pure !

Le mot de la fin ?

J’espère un jour que Léonard sera remboursé par la sécurité sociale. Il n’a pas d’effet secondaire. Quoique un peu d’accoutumance, mais il n’en demeure pas moins un excellent médicament anti-déprime.

(par Nicolas Anspach)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Photo (c) Pasamonik.

 
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