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Bob de Groot : "Accepter la reprise de Léonard par d’autres auteurs ? Je verrai cela quand je serai vieux !"

Par Christian MISSIA DIO le 28 juin 2013                      Lien  
Léonard est un génie. Ça, nous le savions déjà. Mais saviez vous que cet extraordinaire inventeur était à l'origine du Tour de France ? Non, bien sûr. Turk & De Groot ont décidé de corriger cette lacune en vous proposant ce 44e album des gags de l'homme qui a rendu célèbre la ville de Vinci. Retour sur cette série, en compagnie de Bob de Groot, l'un des grands scénaristes humoristiques de la BD franco-belge.
Bob de Groot : "Accepter la reprise de Léonard par d'autres auteurs ? Je verrai cela quand je serai vieux !"
Léonard T.44 - Tour de Génie
Par Turk & De Groot (c) Le Lomabrd

Pourquoi avez choisi le Tour de France comme cadre de ce nouvel album de Léonard ?

Bob de Groot : Parce que c’est dans l’air du temps. Vu qu’il y a des Belges qui ont fait un film sur la Grande Boucle, je me suis alors dit que j’allais faire le mien et que je le baptiserais "la Petite Frise". (Rires)

Cet album, intitulé "Tour de Génie" est émaillé de toutes les affaires de dopage et de scandales qui ont entaché le Tour de France depuis 15 ans. Finalement, c’est le quotidien qui vous inspire les histoires de Léonard.

Oui, c’est bien cela. J’observe beaucoup le monde qui m’entoure et j’en tire l’inspiration pour mes histoires. Dans cet album-ci, le thème du Tour de France est repris dans une histoire de trente pages. Avec mon compère Turk, nous avions envie de parler de ça et nous l’avons fait. Le reste de l’album est par contre composé de gags en une ou deux pages et de petites histoires classiques.

Pourriez-vous nous rappeler la genèse de Léonard, SVP ?

À l’époque, Greg était mon rédacteur en chef. Il validait tous les scénarios de Robin Dubois, mon autre série avec Turk. J’avais créé Léonard dans un gag de Robin, car Greg nous avait demandé d’inventer un nouveau personnage pour le magazine Achille Talon. Lorsqu’il a vu notre nouvelle création, il en a senti tous le potentiel humoristique et il nous a alors demandé d’extraire Léonard des pages de Robin pour lui faire vivre ses propres aventures. C’est ce que nous avons fait mais comme nous avions quand même besoin d’un génie pour ce gag de Robin, nous avons changé le nom de cet avatar de Léonard pour le baptiser Mathusalem. Quant à Léonard, le vrai, nous avons publié son premier album en 1975.

Quelques planches de Léonard T.44
Turk & Bob De Groot (c) Le Lombard

Ce qui est intéressant, c’est que votre héros est un inventeur mais grâce à ses fréquents voyages dans le temps : il pique pas mal d’idées et inventions de notre époque. En revanche, son apprenti Basile a non seulement une très grande famille dont les membres vivent partout dans le monde, mais en plus il figure dans son arbre généalogique des grands noms de l’histoire scientifique mondiale, comme si c’était l’apprenti le véritable héritier de tout le génie scientifique de l’humanité.

J’ai fait cette distinction parce que j’estime que nous avons tous une part de Basile en nous, mais par contre, de temps en temps, il a ses revanches sur toutes les humiliations que lui fait subir Léonard. Par exemple, j’ai fait inventer le vélo à Léonard dans un ancien gag. Il est venu s’en vanter auprès de Basile et il trouve celui-ci en train d’inventer le short. Basile a eu sur ce coup là, un coup d’avance sur son maître. Je pense que Léonard et Basile sont les pères du sadomasochisme.

Le personnage de Léonard rappelle souvent la caricature que faisait Louis de Funès des hommes puissants : petits de taille mais autoritaires, et de mauvaise foi par dessus le marché.

Bien vu ! J’adorais Louis de Funès ! J’ai d’ailleurs écrit un album de Lucky Luke dans lequel j’avais demandé à Morris de caricaturer De Funès et où j’ai fait des gags dans le style de ce grand comédien.

Pourriez-vous nous parler de votre collaboration avec Turk, qui dure depuis plus de quarante ans maintenant ? Jamais eu d’orages dans votre longue amitié.

Non, c’est un ami très proche et puis même si j’ai eu d’autres collaborations comme avec Godi ou Bercovici, cela n’était pas pareil, car ça n’impliquait aucune "chaîne" dans nos travaux respectifs. Je veux dire que Berco a une longue relation solide avec Cauvin grâce aux Femmes en Blanc, Godi avec Zidrou pour Ducobu et moi, c’est avec Turk. Et puis, tous ces formidables auteurs sont aussi devenus des amis avec le temps et mes collaborations avec eux relèvent plus du plaisir que du travail !

Léonard, comme les Femmes en Blancont été créés à l’origine pour être prépubliées dans des journaux et revues comme Spirou, Tintin, etc. Cela impliquait un rythme de travail particulier. Aujourd’hui, la plupart de ces revues ont disparu mais beaucoup de leurs séries continuent, bon an mal an, d’exister. Je voulais savoir si le fait de créer vos histoires directement pour la publication en albums avait modifié votre manière de travailler, de créer ?

Je fais des historiettes. Cela m’est venu sur un constat : certaines blagues sont bonnes parce qu’elles sont courtes, tandis que d’autres doivent être développées sur plusieurs pages afin de libérer tout leur potentiel humoristique. C’est mon critère central d’écriture.

Concernant votre question sur le rythme de production, j’ai totalement "digéré" un enseignement de Greg : j’ai rayé de tous mes dictionnaires le mot "retard". De mon expérience chez ce grand maître de l’humour, je me souviens que nous devions l’assister lui et Vicq et il n’était pas rare que nous fassions des nuits blanches afin de livrer notre travail à temps. Quand vous bossez non stop 48 heures d’affilée et que vous faites cela plusieurs fois par semaine, vous mesurez vraiment ce que veut dire le verbe "travailler".

Aujourd’hui, Léonard n’est plus uniquement un personnage de BD, il existe sous forme de dessins animés et il y a d’autres créations inspirées de son univers. Quel regard portez-vous sur votre personnage ?

Je regarde tous cela comme des produits purement commerciaux, car cela plaît aux gamins. Ils aiment bien, donc je ne vois pas pourquoi j’essaierais de changer quelque chose. Le dessin animé est un univers différent de celui de la BD, qui est le mien. Ils ont pris quelques libertés par rapport au matériau de base, mais c’est la règle du jeu quand on adapte un univers d’un médium à un autre .

Accepteriez-vous une reprise de Léonard par une nouvelle génération d’auteurs ?

Accepter la reprise de Léonard par d’autres auteurs ? Je verrai cela quand je serai vieux ! (Rires)

En parlant de reprise, que devient celle de Robin Dubois, que vous aviez initiée avec Diaz & Borecki ?

Aujourd’hui, il n’y a pas d’actu sur Robin mais si j’en récupère les droits, j’irai voir d’autres éditeurs pour relancer la série, avec Ludo Borecki au dessin. J’ai d’ailleurs cinq gags inédits déjà écrits et qui ne demandent qu’à être dessinés.

Que pensez-vous de la BD humoristique d’aujourd’hui ?

J’essaie de voir la nouvelle production de BD humoristique avec des yeux intemporels, car l’humour d’aujourd’hui n’est pas celui de années 1970 ou 1980 mais, il y a de très bonnes choses aujourd’hui. J’adore Bertschy, par exemple, et il me le rend bien, car il a fait un clin d’œil à Léonard dans un de ses gags.

Avez-vous une anecdote, un souvenir de l’époque des grandes revues tels que Tintin, Pilote et Spirou, à partager avec nous ?

C’est à l’époque où Greg nous avait confié la reprise de Clifton. Je savais que pour Turk, il n’y aurait pas de problème au niveau du dessin mais j’avais un doute sur ma capacité à produire de bons scénarios pour cette mythique série. J’ai alors demandé à Greg s’il était sûr de son choix. Il m’a simplement répondu "oui !", et je n’ai plus hésité. J’ai écrit une vingtaine d’albums pour Clifton, car j’avais une totale confiance en Greg. C’est le souvenir le plus précieux que je garde de cette période avec lui.

Quand est prévu le tome 45 de Léonard ?

Normalement pour mars 2014, car nous avons pris de l’avance avec cet album-ci et nous avons avons récupéré des gags qui étaient prévus initialement pour le 44 mais que nous n’avons pas pu caser par manque de place. Ce sera un recueil classique de gags en une ou plusieurs pages.

Propos recueillis par Christian Missia Dio

(par Christian MISSIA DIO)

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4 Messages :
  • Une petite question de "spécialiste" chiant : de Groot parle de Greg, mais Léonard n’est-il pas né dans "Achille Talon magazine" ? Ou ai-je manqué une intersection ?

    Répondre à ce message

    • Répondu le 29 juin 2013 à  01:32 :

      C’est dit au début de l’interview :"car Greg nous avait demandé d’inventer un nouveau personnage pour le magazine Achille Talon. Lorsqu’il a vu notre nouvelle création, il en a senti tous le potentiel humoristique et il nous a alors demandé d’extraire Léonard des pages de Robin pour lui faire vivre ses propres aventures."

      Répondre à ce message

    • Répondu par Geraud le 29 juin 2013 à  06:58 :

      Salut,

      Oui, il est "né" dans Achille Talon Magazine" , ainsi que le rappelle De Groot en réponse à la 3ème question ci dessus...

      Répondre à ce message

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