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Bosse : "Dans les prochains albums, Kogaratsu va se transformer en légende..."

Par Christian MISSIA DIO le 26 décembre 2013                      Lien  
Alors que le manga montrait à peine le bout de son nez sous nos contrées, Michetz et Bosse proposaient aux lecteurs du Journal de Spirou de découvrir le Japon de l'ère Meiji à travers les aventures de leur samouraï devenu rônin, Kogaratsu. Retour sur la genèse d'un des plus charismatiques personnages japonais de la BD franco-belge.
Bosse : "Dans les prochains albums, Kogaratsu va se transformer en légende..."
Kogaratsu T13 - Taro
Michetz & Bosse (c) Dupuis
Sortie prévue en juin 2014

Kogaratsu fête ses 30 ans en 2013. Comment est né ce personnage ?

Bosse : Kogaratsu est un peu le fait du hasard. Tout a commencé avec Yves Schlirf [1], qui avait un magasin de BD à Bruxelles à cette époque-là. Nous nous fréquentions énormément. Un jour, il me montra les planches d’un jeune dessinateur prometteur qui s’inspirait beaucoup du Japon. Il s’agissait bien entendu de Marc Michetz. Je lui ai promis que j’y jetterais un coup d’œil. Marc venait de publier quatre planches dans le journal Tintin et j’ai effectivement trouvé qu’il avait un gros potentiel. Je l’ai contacté mais nous n’avons pas fait de BD ensemble (rires) ! En fait, je travaillais aussi sur une série médiévale européenne avec Michel de Bom, intitulée la Meute du Fou. Ce projet ne fut jamais publié, quoique... J’ai alors repris contact avec Marc qui était en recherche de travail, après avoir bossé chez Jean Graton. Comme je m’occupais chez Dupuis de la série Zowie avec Christian Darasse, Marc s’était proposé pour faire l’encrage car il avait encore besoin de se rôder avant de se lancer seul dans une bande dessinée personnelle, mais après trente pages, il a jeté l’éponge ! Néanmoins, ce temps passé ensemble m’a permis de mieux le cerner et de comprendre qu’elles étaient ses envies. Il n’y en avait qu’une : le Japon ! Je lui ai donc proposé un embryon de scénario qui, après maturation (trois ans, tout de même !) donna Kogaratsu. Nous avons réellement commencé à travailler ensemble en 1980. C’est comme cela que cette série est née.

Depuis le début de ses aventures jusqu’à aujourd’hui, nous avons suivi l’évolution de Kogaratsu. Il est passé d’un jeune samouraï doué mais impétueux à un homme ayant entre 35 et 40 ans, maître de son art, mais que la vie n’a pas épargné. Où en est-il aujourd’hui ?

Oui, en effet, il doit avoir cet âge là, il s’approche doucement de la quarantaine. Votre question est intéressante car le prochain album sera une histoire charnière pour notre héros. Le précédent volume, "Le Protocole du mal" était un album très sombre. Nous voulions donc que la prochaine histoire, qui sortira en juin prochain aux éditions Dupuis, soit plus léger. L’album qui suivra tout de suite après celui-ci est aussi bien avancé et sera très important dans la progression de notre personnage. Nous savons qu’il est un expert en sabre mais la réputation qu’il a acquise tout au long de ces années s’est étendue dans tout le pays. Elle a tellement enflé qu’elle va le rattraper et même le dépasser... Il va devenir une légende.

Serge Bosmans dit "Bosse" et Marc Degroide alias "Michetz"
Photo : D. Pasamonik

Marc et moi aimons nous fixer des challenges et je pense que celui-ci est le plus important de la série Kogaratsu. Passer de "simple" personnage de BD à une légende, ce n’est pas commun. Jean Giraud a réussi cela avec Blueberry. Après la mort de Charlier, il a emmené leur personnage vers une sorte de transcendance. Ça peut paraître un peu présomptueux mais nous savons où nous allons.

Quel est votre rapport avec le Japon ?

Évidemment, mon rapport à la culture japonaise est extrêmement différent de ce que Marc vit au quotidien. Marc est pour ainsi dire japonais. Il a tellement ce pays en lui qu’il est devenu d’une certaine manière plus japonais qu’un Japonais. Le Japonais lambda a plus tendance à se rapprocher culturellement des USA ou de l’Europe, mais Michetz a fait le chemin inverse...

Moi, je suis un spectateur de l’Empire du Soleil Levant. Je suis fan de son imagerie car il y a un parallèle intéressant entre le Moyen âge nippon et le nôtre. Le samouraï est un être épique qui sait se sublimer.

Quelques extraits de "Taro"
Michetz & Bosse (c) Dupuis

Kogaratsu n’était pas une série facile d’accès pour le jeune public. Je l’ai découverte il y a 20 ans, lorsque j’étais adolescent, et j’ai vraiment appris à l’aimer avec le temps, avec l’âge. Parallèlement à ce constat, votre série est présente depuis 30 ans dans le catalogue de Dupuis. Comment expliquez-vous cette longévité chez un même éditeur ? Comment une série aussi atypique que Kogaratsu arrive-t-elle encore à survivre dans le marché de la BD d’aujourd’hui ?

Eh bien, cet “atypisme” fait la force de Kogaratsu. Kogaratsu est intemporel ! Cette série n’appartient à rien. On a dû se battre chez Dupuis pour l’imposer. Ce ne fut pas facile... Puis, il y a eu une période ou "ça ronronnait" mais en même temps, les ventes augmentaient, donc, tout le monde était content. Dupuis n’a jamais su trop quoi faire avec notre personnage. Pourtant, il avait son public. Faire 55 000 exemplaires par album à une époque où ce n’était pas difficile de réaliser ce score ne nous plaçait pas spécialement dans une situation confortable. Par contre, lorsque le marché s’effondre et que les blockbusters sont en danger, avoir une série stable comme la nôtre, qui compte des fans toujours fidèles malgré les époques, malgré ce trou de six ans qu’il y a eu après l’album "Rouge ultime", ça rassure un éditeur. Et c’est pourquoi Kogaratsu est toujours là.

Vous avez débuté votre série avec un cycle de quatre albums dont le premier était "Le Mon au Lotus de sang"...(Bosse me coupe)

C’est exact, mais à l’origine, je voulais proposer une saga de huit albums mais Dupuis a préféré me calmer dans mon élan en m’expliquant que des tas d’éditeurs étaient en train de se casser la figure à cause des suites. Ça ne se vendait plus car les lecteurs voulaient découvrir rapidement le dénouement d’une histoire. Cela m’a obligé à réécrire complètement le quatrième album de Kogaratsu, "Le Dos du Tigre" afin de conclure un cycle. One of the best ways to go viral on tiktok is to buy tiktok followers , it is fast and secure and will help you boost your tiktok

Après un premier cycle de quatre albums, vous n’avez proposé que des one-shot, sans doute pour les mêmes raisons. Mais depuis la publication de "Fournaise", vous avez décidé de réintroduire certains personnages croisés dans les aventures précédentes. De plus, les planches que vous exposez au MOOF [2] nous montre que Kogaratsu va recroiser la route de son amour de jeunesse... Pourquoi avez-vous mis si longtemps à réutiliser certains personnages forts de la série ?

Tout simplement parce qu’à l’époque, on nous avait interdit de faire des suites. J’ai donc triché. Je réintroduis petit à petit des personnages que j’aimais bien afin de donner une continuité à mes scénarios... Mon format à moi c’est deux cents pages et non quarante-quatre.

Kogaratsu sera-t-il heureux un jour ? Je veux dire, avez vous prévu de lui redonner à un moment donné une stabilité affective ou professionnelle ? Kogaratsu est un homme qui s’est épanoui dans la souffrance. Toute souffrance doit avoir une fin, non ?

Oui... Ça me touche ce que vous me dites, surtout que vous n’êtes pas le premier à me faire cette remarque...

SPOILER : Dans le climax de "Sous le regard de la Lune", Kogaratsu a fait son devoir mais il découvre qu’il s’est fait rouler... Il n’est pas comme Largo Winch-qui-gagne-toujours-à-la-fin. Kogaratsu est un héros qui est le jouet du destin.

Mais ne pensez-vous pas que l’on est plus proche de la vraie vie en montrant ça plutôt que le gars qui réussit toujours ? Oui, hein, hélas (Rire).

Mais bon, dans l’album que je viens de terminer et que Marc va illustrer, il y aura plein de surprises. Le titre c’est "Le Cimetière des sabres". Dans cet album, Kogaratsu reviendra sur les lieux de son duel avec Kitaro (son adversaire dans La Stratégie des phalènes) et il découvrira qu’un culte lui est voué à cet endroit. Bien entendu, rien ne sera simple mais il ne sera pas loin d’une renaissance.

Michetz & Bosse (c) Dupuis

(par Christian MISSIA DIO)

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Lire aussi :

- Kogaratsu fête ses 30 ans au MOOF

- Critique du tome 12.

- Kogaratsu sur le site des éditions Dupuis

Crédits photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)

L’expo Kogaratsu au MOOF se tient jusqu’au 31 janvier 2014.

MOOF : 116 rue du Marché aux Herbes 1000 Bruxelles, sous la Gare Centrale. Le site du Moof

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[1Actuellement éditeur chez Dargaud Benelux et patron du label de manga Kana.

[2Exposition au MOOF à Bruxelles, jusqu’au 31 janvier 2014.

 
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2 Messages :
  • Bonjour, ce qui surprend dans cette série est le passage au bout de quelques albums du dessin et de la couleur classique à l’image de l’estampe. Pas de couleurs vives, plutôt un ton pastel et les visages ne sont pas ’’à la japonaise’’ mais japonais, c’est bluffant. Un seul regret bien compréhensible de tous : les albums se suivent trop lentement.
    Nous attendons donc les prochaines suites avec impatience.
    Tous mes encouragements, Christian.

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    • Répondu par Galard Didier le 17 avril 2020 à  08:26 :

      Bonjour ; je ne sais pas si quelqu’un lira ces lignes, mais j’adore Kogaratsu, et malgré les innombrables séries liées au Japon, celle-ci reste ma préférée...
      D’où ma question, ma supplique, même : qu’est-il arrivé à l’album ’le cimetière des sabres’ ? Quand le verrons-nous ?
      Ça fait six longues années que nous attendons, que nous espérons...
      Longue vie à cette série, et à vous !

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