Profondément enfoui dans les geôles de Deep-End, le Bouncer va-t-il revenir de l’Enfer ? Sa course folle l’a mené dans les entrailles d’un pénitencier pas vraiment comme les autres.
Au bout d’une voie ferrée qui ne mène nulle part, à part dans ce repaire où se réfugient les desperados de tous les horizons, véritable cour des miracles pour truands de tout acabit. Pour amener le bossu sadique et meurtrier, Pretty John, devant ses juges, il faudra se libérer de ses gardiens et briser les tabous qui entourent ce fils dont les parents sont aussi difformes qu’incontrôlables. Seul chien parmi une bande de crotales, il devra échapper à tout ses poursuivants.
Notre manchot erre toujours dans les limbes de la mort, que celle-ci se situent dans les ombres d’un dépôt d’âmes sinistres ou dans la lumière des grands espaces désertiques. C’est encore par le feu que le Bouncer s’en sortira. Rien ne lui sera épargné et il se confrontera à ces cavaliers de l’Apocalypse que personnalisent les Skulls, des Indiens élevés dans l’apprentissage du meurtre par le tyran de Deep-End.
Dans ce schéma narratif volontairement cinématographique, les personnages sont des formes qui s’entrechoquent les unes, les autres et donnent du relief à l’ensemble.
Les difformités de chacun des protagonistes vont de pair avec la puissance et l’écho de leur présence. Malgré tout, cet opus opère plus dans le manichéisme, et offre une réelle séparation entre bien et mal. Une vision principalement mise en avant dans les seconds rôles tenus par les Indiens, gentils bras-droits du Bouncer ou machine à tuer sur ordre du gardien du pénitencier.
Ce marquage strict est cependant à nuancer par l’importance croissante de l’environnement dans lequel évoluent les personnages, et d’où les Indiens tirent leur force, comme dans une sorte de Yin et de Yang du désert, entre communion avec la nature et régression vers le néant : deux faces angélique/maléfique d’une même pièce.
Après un premier volet, To Hell, construit autour d’une course-poursuite infernale et implacable, on ressent, et c’est le seul point négatif d’un album toujours de haute-volée, un vague sentiment de retenue dans la résolution d’un conflit où le jugement du Bouncer passe derrière les circonstances, à distance de l’éruption de violence. Comme si les auteurs n’étaient pas allés jusqu’au bout de ce qu’ils avaient déclenché dans cette ruée homérique et vengeresse.
Néanmoins, on ne pourra que se délecter du dynamisme et de la fluidité de la narration et être réjoui par le trait toujours exceptionnel de Boucq dont le réalisme "giraudien" se marie superbement avec la violence et l’aridité de cet univers, au sujet duquel la critique a usé de tous les adjectifs superlatifs.
Pour faire lien avec ce nouvelle opus formant ce quatrième cycle To Hell and Back, Boucq et Jodorowsky ont publié sur le Net, un épisode 8.5 appelé Ghost Story.
Ces deux auteurs, qu’on ne présente plus, ont une grosse actualité en cette fin d’année. Jodorowsky étant notamment présent dans nos cinémas avec l’excellent Danza de la Realidad.
Le Grand Prix d’Angoulême 1998 et démiurge de Jérôme Moucherot, quand à lui, exposait des planches originales et inédites du 20 au 30 novembre à la galerie Glénat.
(par Vincent GAUTHIER)
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Lire l’interview de François Boucq en juin 2008 : « Avec Bouncer, Jodorowsky voulait faire un western shakespearien » et celle de décembre 2009 : « Bouncer est né de mon envie de faire un Blueberry »
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