Dans la Chine du tout début du vingtième siècle, un mouvement de révolte face aux occidentaux de plus en plus actifs regroupe des combattants nostalgiques d’un passé révolu. Pour se défendre, ils utilisent des armes et des techniques puristes : la boxe chinoise en fait partie. Parmi eux, Bao passe d’une vie à la campagne assez paisible à un destin de justicier et de chef de guerre. Mais la mission suprême qu’il se destine croise aussi le sentiment amoureux, et la lutte contre les envahisseurs étrangers se double d’une autre menace : l’avancée de la foi chrétienne en terre asiatique...
Derrière une trame belliciste d’apparence simpliste, Gene Luen Yang propose rien moins qu’un mélange de traité philosophique, de drame amoureux et de saga guerrière. Son idée de présenter le récit en deux albums distincts qui se complètent et se répondent rend l’expérience de lecture saisissante. Après le solide pavé Boxeurs, parcourir Saints apporte une toute autre sensibilité, aussi subtile que surprenante, tellement le point de vue du héros de départ semble soutenu par l’auteur, à savoir le rejet total de la pensée chrétienne et d’une foi venue de l’extérieur. On pourrait même élargir sa vision à une forme romancée de réflexion sur les guerres de religion. Vous l’avez compris, lire l’un des ouvrages du coffret sans l’autre relève de la pure hérésie !
Stylistiquement, Yang s’inscrit dans une veine où la précision des attitudes voisine avec une forme de naïveté dans les traits des personnages, rendant son récit très universel tout en apportant d’impressionnants détails à ses costumes dès lors que les divinités invoquées par les jeunes guerriers et guerrières entrent en scène. Finalement, on retient de Boxeurs et Saints une vision assez dramatique des chocs culturels -la fin de chaque tome est assez bouleversante- mais aussi un regard admiratif des engagements radicaux, dès qu’ils se parent de visions romantiques des luttes d’émancipation. Quand on sait que la révolte des "boxers" a constitué un épisode marquant de l’histoire de la Chine, on mesure l’ambition de Gene Luen Yang : la question de l’identité se décline à hauteur de vie humaine tout en bousculant le destin d’un pays.
(par David TAUGIS)
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