C’est en mars 1941 que paraît le premier numéro de Captain America Comics chez Timely, l’ancêtre de la Marvel. Il a été créé en pleine Seconde Guerre mondiale par Joe Simon et Jack Kirby pour combattre le nazisme et donner de l’espoir au peuple américain qui faisait face à cet ennemi de plus en plus inquiétant.
Jugé trop chétif par l’armée américaine, le jeune Steve Rogers participe à une expérience scientifique visant à en faire un super-soldat, avec tout ce qui va avec : force, agilité, rapidité, costume étoilé, et tout le tremblement. Fin prêt à casser du nazi, il s’en donne à cœur joie avant de disparaître quand sa série est arrêtée quelques années après la fin de la guerre. Fort heureusement, il sera retrouvé dans les années 60 par les Vengeurs, congelé dans un bloc de glace après un accident d’avion, pour devenir le membre le plus important de ce groupe de super-héros.
Affrontant entre autres le nazi Crâne Rouge (son ennemi de toujours) et de nombreuses menaces interplanétaires, il s’est forgé dans l’univers Marvel l’image du mec réglo sur qui on peut toujours compter.
Après avoir servi de commentaire politique sur l’Amérique à de nombreuses reprises, comme par exemple dans les années 70 quand il abandonne momentanément son identité en protestation contre les agissements du gouverment (sans être nommé, Nixon apparaissait comme le chef d’une organisation terroriste), il voit sa vie tranquille de super-héros basculer à nouveau avec la série Civil War, encore inédite en français et qui vient de se terminer aux USA.
Scénarisé par Mark Millar et dessiné par Steve McNiven, ce gigantesque crossover qui implique les plus grands noms de l’univers Marvel relate l’émergence d’un mouvement populaire anti-super-héros suite à un accident survenu entre les New Warriors, un groupe de jeunes héros, et des super-vilains, qui cause la mort de 600 personnes (le tout étant filmé).
Le gouvernement décide alors de mettre en place le "Super Human Regitration Act", visant à obliger chaque super-héros à dévoiler son identité secrète et travailler pour le gouvernement (ce qui n’est pas sans rappeler le Keene Act du Watchmen de Moore et Gibbons).
En profonde opposition avec cette loi, Captain America se dresse une nouvelle fois contre le gouvernement américain et devient un criminel recherché par le S.H.I.E.L.D. Deux groupes se forment alors : la nouvelle équipe des Avengers derrière Iron Man et comptant Spider-Man, et les Secrets Avengers derrière Captain America.
Lors de son dernier affrontement avec Iron Man, Rogers se rend compte des dégâts causés aux civils et décide de se rendre [1].
C’est dans le numéro 25 de sa propre série, qui vient de paraître, qu’il est abattu alors qu’il entrait dans un tribunal fédéral pour y être jugé.
Les auteurs Steve Epting, au dessin, et Ed Brubaker, au scénario, frappent ici un grand coup, puisque l’évènement fait drôlement parler de lui Outre-Atlantique. De nombreux journaux télé, dont CNN, ont commenté la nouvelle et des études sur les ventes exceptionnelles de ce numéro 25 sont en cours. Afin de bien insister sur la disparition de cet héros emblématique, le numéro 26, dit-on, détaillera l’autopsie du super-héros assassiné.
Retenez vos larmes, néanmoins. Un espoir subsiste toujours, puisque ce n’est pas la première fois qu’un personnage décède pour mieux revenir ensuite, encore plus fort et plus beau. Souvenez-vous de Superman, mort au champ d’honneur pour sauver la Terre. Il avait lui aussi fini par ressusciter. Captain America lui-même avait disparu un court moment dans un comic des années 60, quand le génial JIm Steranko était aux commandes.
Dans le cas présent, on ouvre les paris, toutes les pirouettes scénaristiques sont bonnes à prendre : une cryogénisation accidentelle, un monde parallèle où qu’en fait celui qui est mort, eh ben, c’était pas le vrai, une habile mise en scène pour mieux tromper l’ennemi, un frère jumeau caché ou encore mieux, un clone, ou encore tout simplement un mauvais rêve. Que ce soit chez DC ou Marvel, les morts de personnages sont depuis longtemps devenues un bon moyen de faire monter les ventes - et les résurrections encore plus (que l’on se rappelle les multiples disparitions/réapparitions de Jean Grey/Phoenix chez Marvel).
Cela dit, il faut reconnaître à Marvel un certain flair : si Civil War se présente comme une énorme (dans tous les sens du terme) métaphore de l’état actuel de la société américaine, celle où s’affronte les pro- et les anti-Bush (la liberté, à quel prix ?), la mort de Captain America est une jolie façon de signifier dans quel état est tombé la « plus grande démocratie du monde ».
Quoiqu’il en soit, et sur un plan plus mercantile, toute cette histoire ne pouvait pas tomber au meilleur moment pour le Capitaine, qui vient de voir ses chances d’apparaître au cinéma se multiplier de manière exponentielle. De là à y voir un coup monté... Non ? Si ?
(par Mathieu Drouot)
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[1] Que les lecteurs qui se souviennent des dégâts causés par toutes les bastons entre les héros Marvel et leurs ennemis lèvent la main... Civil War n’est pas reconnue pour sa subtilité.
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