De la contrainte naît la créativité. Les petits éditeurs de bande dessinée éprouvent tous les jours cet adage cher à l’Oulipo. En effet, que faire lorsqu’on ne possède pas de catalogue préexistant, d’importants moyens financiers ou d’auteurs stars ? On s’engouffre dans les brèches laissées par les grosses structures. Pas le droit d’être frileux ou attentiste quand on est un nouvel entrant. Ainsi la maison d’édition Caramba ! Publishing, dirigée par Bernard Cladères, qui vient de dévoiler son offre de BD numériques.
Son credo, la création. Il n’est pas question ici de tronçonnage d’albums papier, principe la plupart du temps artistiquement contestable, mais de la réalisation d’œuvres originales, des premières éditions en quelque sorte. « Que des éditeurs traditionnels développent une version numérique des albums de BD papier ne peut qu’amener confusion et déception du lecteur : aurait-on l’idée de découper ce même album pour en faire une version fixe sur DVD ?, précise Bernard Cladères sur le blog de Caramba ! Publishing. L’ebook BD est une nouvelle voie de recherche et de création qui s’ouvre aux auteurs et une nouvelle expérience pour les lecteurs. »
Le catalogue, peu étoffé pour l’instant (mais l’éditeur annonce la sortie d’un ebook par semaine), est divisé en cinq collections : Comics, 100, Nouvelles, Roman, Artbook. Les deux premières, classiques, proposent la consultation d’histoires longues ou de 100 gags d’une case. Le tout a quand même l’originalité d’être agrémenté de bonus tels que des crayonnés, le portrait de l’auteur ou des travaux annexes. La troisième ne publie que des textes. Les deux dernières sont beaucoup plus originales. La collection Roman présente en effet des nouvelles régulièrement entrecoupées de dessins astucieusement intégrées par des effets cinématiques. Quant à la collection Artbook, elle a l’ambitieux projet de publier, comme son nom l’indique, des séries d’illustrations, un sacré pari sur un écran de 3,5 pouces.
Ces BD exclusivement diffusées sur iPhone et iPod sont disponibles en trois langues (français, anglais, espagnol). A noter enfin la possibilité de commander une version papier, à la demande et à l’unité, de l’exemplaire numérique. Reste le problème épineux et récurrent de la rentabilité, pour l’auteur comme pour l’éditeur. Les BD sont vendues entre 0,79 et 1,59 euros, prix difficilement comparable avec celui des offres déjà existantes sur le marché puisque celles-ci ont souvent déjà connu une première vie en version papier. On pourrait plutôt rapprocher les titres Caramba ! du Bludzee de Lewis Trondheim, vendu 0,79 euros pour un mois et une trentaine (suivant le nombre de jours du mois) de gags de 6 cases. Pour le contenu comme pour les prix, le marché de la BD numérique tâtonne encore. Mais les initiatives comme celles de Caramba ! Publishing ont au moins l’intérêt de vouloir le faire évoluer.
(par Thierry Lemaire)
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