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Carmen Cru ne fera plus grincer des dents

Par Patrick Albray le 26 février 2004                      Lien  
Avec la disparition de Jean-Marc Lelong, c'est l'un de ses piliers que perd le magazine "Fluide Glacial". Car si, contrairement à des Binet ou Edika, le dessinateur de Carmen Cru n'était pas d'une grande régularité dans les pages du journal d'Umour et Bandessinées, son personnage de mémère acariâtre en avait écrit certaines des pages les plus drôles.


Une personnalité. Forte. Carmen Cru, indéniablement, avait cela. Carmen Cru ne fera plus grincer des dentsAcariâtre, insupportable emmerdeuse, véritable Tatie Danièle exposant 100, vieille peau desséchée par une vie sans cesse exposée à la connerie humaine, elle vivait seule dans un mignon pavillon que les promoteurs entourèrent progressivement d’immeubles en béton. De quoi, déjà, lui donner la haine. Le degré ultime de bêtise du voisinage acheva de la renfermer dans sa solitude renfrognée.

Toujours vêtue de loques d’avant la guerre (celle de 14, bien sûr), se soignant avec une boîte de quinine "à consommer avant 1905", circulant sur un vieux vélo datant de le même époque, elle était la terreur de tous ceux qu’elle croisait, qu’elle déroutait d’abord, avant de les assommer par sa méchanceté, son cynisme et sa mauvaise foi crasse.


Un personnage antipathique, mais pour lequel on ne pouvait qu’éprouver finalement de la tendresse, tant la misère de cette vie d’exclusion semblait crédible. C’est le miracle qu’avait réussi Jean-Marc Lelong avec son personnage de mémé infernale : réussir à émouvoir tout en faisant grincer des dents.

Avec un graphisme très personnel, aux allures rétro qui collaient bien à l’univers, avec des personnages hauts en couleurs - des voisins alcoolos au neveu impatient de toucher l’héritage en passant par un hilarant Don Camillo des temps modernes - et des dialogues d’une férocité rare, il avait fait de Carmen Cru l’une des stars des années 80 avant de s’arrêter en 1987, victime d’une dépression nerveuse qui allait l’éloigner de la bande dessinée durant plus de dix ans.


Il était revenu à l’aube des années 2000, au grand bonheur de ses très nombreux fans, trop heureux de pouvoir à nouveau retrouver l’insupportable emmerdeuse. Mais, hélas, la maladie terrible qui l’avait frappé semble l’avoir rattrapé. "A 55 ans, il a choisi de s’éclipser sur la pointe des pieds et de rejoindre les paradis africains où il arrêtera de broyer des idées noires", nous écrit Hervé Cannet après avoir appris, de "La Nouvelle République du Centre Ouest", la disparition de Jean-Marc Lelong ce 25 février.

Né le 1er février 1949, il avait vécu en Afrique avant de revenir en France pour se lancer dans l’illustration. Après quelques planches des "Pilote", il avait lancé, dès 1982 dans "Fluide Glacial", cette comédie humaine au vitriol qui allait connaître un succès phénoménal. Au point qu’elle est une des rares bandes dessinées, avec les Bidochon, Gros Dégueulasse ou ... Tintin, à avoir connu une adaptation théâtrale.

Fluide Glacial en réédite l’intégrale. Qui sera, malheureusement, très brève.

(par Patrick Albray)

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