Il y a juste un siècle se déroulait le premier camp de boy-scouts dirigé par Baden-Powell. Ce mouvement de jeunesse fera rapidement des émules à travers le monde entier, touchant progressivement les différentes couches de la société, directement ou via des courants dérivés. De ces premières générations de scouts, naîtront entre autres de grands auteurs qui contribuèrent à véhiculer la fraternité, la bonne action (ou B.A.), la promulgation de la paix et de l’écologie avant l’heure.
L’esprit scout
Ainsi, les débuts d’Hergé, totemisé Renard Curieux, se firent dans une revue scoute. Il avouait volontiers que Tintin, épris d’aventure et de justice, était l’incarnation des valeurs de ce mouvement.
Il en va de même pour Quick et Flupke qui, dans un esprit plus trublion, vécurent de nombreux gags en uniforme, évoquant les mille et un petits moments de la vie de camp.
Dans un registre plus catholiquement engagé, Jijé rappelait d’autres modèles à la jeunesse, tels Don Bosco, Christophe Colomb, puis bien entendu Baden-Powell, et Charles de Foucauld. Une des premières bandes dessinées qui cadra la vie en petits groupes de scouts fut la Patrouille des Aigles, parue dans Spirou en 1954.
L’âge d’or
La Patrouille des Castors, orchestrée par un duo de scouts, Jean-Michel Charlier, et Mitacq, symbolisèrent dès 1957 les mythiques épopées des garçons en culotte courte. Le scénariste renommé continuait à faire vivre des aventures confraternelles à ses autres héros de papier : Jacques le Gall, Marc Dacier, et de nombreuses Histoires de l’Oncle Paul, où l’on percent visiblement les valeurs du mouvement de Baden-Powell. C’est d’ailleurs la grande époque des héros durs, mais justes et honnêtes, qui fit vibrer toute une génération.
A l’instar de Roba, de Tibet et Walthéry, Franquin ne passa pas par cette ‘école de la vie’ mais, dès 1946, la revue scoute Plein-Jeu publia une partie de ses premières illustrations, ce qui contribua à le faire connaître du grand public. 20 ans plus tard, une autre revue, Plein Feu, fit découvrir un futur grand maître du 9ème art, le dessinateur Hermann.
Si le mouvement fut un phénomène international, la BD francophone est sans doute le plus grand fournisseur d’histoires scoutes. On y verra Mittéï donner un caractère presque policier à ses scouts dans les Aventures des 3 A, tandis que les guides, pendant féminin, furent activement soutenues par Walthéry et Leloup, grâce à leurs héroïnes de papier, Natacha et Yoko Tsuno.
Critiques et parodies
Le scoutisme est bâti sur la bonne volonté de bénévoles. Mais comme dans toute activité humaine, des travers existent, cassant ici le mythe du bon scout : axe militariste, excès d’autorité, conduite irresponsable ou abus sexuels. Libérée peu à peu de l’emprise catholique bien pensante, la BD se fait bientôt le reflet de ces déviances. Gotlib sera un des premiers à tourner en dérision cette icône de la jeunesse en dessinant en 1974 le décalé et lubrique Hamster Jovial et ses louveteaux. Plus sarcastique et sans concession, Yann s’en moquera, dans les années 80, avec la Patrouille des Libellules, assisté de Marc Hardy au dessin, tandis que Turk et De Groot se laisseront tenter par le burlesque dans Clifton, puis avec Léonard et son disciple.
BD et para-BD
La réunion de ces deux mondes se réalise également dans divers calendriers (papier et tissus) pour lesquels de grands noms du 9ème art fournirent des multitudes d’inédits. En plus des auteurs précités, on peut y retrouver Peyo, Morris, Will, Juillard, Frank, Follet, Macherot, Craenhaels, Hausman, Comès, Tillieux, Greg, Derib, Bob de Moor, Dany, Andréas, Michetz, Makyo, Rosinski, Servais, etc. Enfin, Si Pierre Joubert n’a donné que peu d’albums au monde de la BD, il reste l’un des plus grands illustrateurs du milieu scout (avec Follet).
Ces dernières années ont vu l’adaptation des renommés romans pour la jeunesse parus sous le label du Signe de Piste au Lombard (toute deux propriétés du groupe Média-Participations, ceci expliquant cela). Espérons que les auteurs n’abandonneront ce sujet qui peut encore fournir bien des idées nouvelles. En effet, les Scouts ont prouvé ces derniers mois [1] qu’ils sont toujours présents pour relever les défis d’un nouveau siècle.
(par Charles-Louis Detournay)
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Visiter l’exposition du centenaire à la maison de la BD.
En médaillon, Tintin par Hergé. (C) Moulinsart.
[1] Pour fêter le centenaire du premier camp, divers évènements ont jalonné l’année en cours, dont le plus grand rassemblement de scouts et guides qui a réuni 100.000 membres en Belgique en avril dernier lors du Jamboree jubilaire JamBE . Un gigantesque camp de 40.00 scouts venus de 150 pays qui se termine ce 8 août.
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