Cette anthologie réunissant des dessins de Bernar, Cabu, Catherine, Charb, Gébé, Honoré, Jul, Luz, Mougey, Riss, Tignous, Willem et Wolinski, accompagnés de textes de Charb [1], aborde quelque 27 ans de l’actualité du pape polonais sous plusieurs angles : l’église, la politique, la santé du pape, le sexe, les femmes, les jeunes, la papamobile, les voyages du pontife, et un chapitre de clôture : « ras le bol du pape ». N’attendez pas de ces dessins qu’ils soient complaisants, au contraire : la férocité se dispute à la cruauté quand il s’agit de faire rire. Nous avons demandé à Charb de nous raconter comment s’est fait ce livre.
Votre ouvrage collectif « Les Années Jean-Paul II », reprend l’essentiel des dessins concernant le pape polonais parus dans Charlie Hebdo durant son pontificat. Il semble que vous soyez les seuls à tenir encore, par la caricature, un discours ouvertement anticlérical alors qu’il a été fondateur pour la République [2] ?
Le discours anticlérical n’est plus à la mode dans la mesure où l’église catholique ne représente plus aujourd’hui, pour la plupart des gens, un danger pour les libertés individuelles. Nous pensons au contraire que l’église n’a pas renoncé à influencer la vie civile et politique. On va le voir bientôt avec le débat qui semble s’ouvrir sur l’homoparentalité.
L’un de ces dessins vous a valu un procès, que les plaignants ont perdu d’ailleurs. Pouvez-vous nous en raconter les circonstances ?
Nous avons eu plusieurs procès avec, non pas l’église catholique directement, mais avec une association religieuse liée au Front National. Elle n’a jamais gagné en justice, mais ce n’était pas forcément son but. Elle voulait surtout, à force de harcèlement, nous ruiner en frais de justice. Cette tactique s’est retournée contre elle. Lorsque Mégret a quitté le FN, l’association a semble-t-il bénéficié de moins d’argent pour mener ses luttes.
Un hommage particulier est rendu à Jean-Paul II à travers cet album. Ce personnage a été pendant 25 ans, si j’ose dire... du pain bénit ?
C’est vrai que le pape nous a bien aidés. Il a été tellement caricatural dans ses discours et dans son action que nous n’avions pas un grand travail d’exagération à faire. Mais nous aurions préféré qu’il n’y ait pas de pape du tout ou bien qu’il soit suffisamment insignifiant pour que nous puissions l’ignorer.
Pas mal de ces caricatures, comme de juste, frappent en dessous de la soutane... Quel est le trait d’humour anticlérical que vous vous interdiriez ?
Aucun. Si nous frappons aussi souvent en dessous de la soutane, c’est que ce qui se passe en dessous de la ceinture des gens intéresse passionnément l’église. C’est une véritable obsession. La capote, l’avortement, la fidélité, l’homosexualité...
Comment se passe la publication de vos dessins dans Charlie Hebdo ? Vous avez un comité de rédaction qui décide ?
Pas vraiment. En général tous les dessins passent. Si on estime que certains seront difficilement défendables devant un tribunal, on en discute. Mais si le dessin n’attaque pas la vie privée de telle ou telle personnalité, on le passe. Si le dessin est une prise de position politique, il n’y a aucune raison de ne pas le publier. En ce qui concerne les religions et l’extrême droite, c’est feu à volonté.
Propos recueillis par Didier Pasamonik, le 28 octobre 2005.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
En médaillon : Charb. Photo : DR
[1] Charb, de son vrai nom Stéphane Charbonnier, est l’un des chroniqueurs les plus incisifs de Charlie Hebdo. Né en 1967, il commence sa carrière dans J’Accuse, dans Révolution puis dans L’Idiot international, La Grosse Bertha, Psikopat, L’Insoumis, Zoo... On trouve également sa signature dans Mon Quotidien, Télérama ou dans L’Étudiant... Il a réalisé plusieurs albums de la série Maurice et Patapon (Ed. Hoëbeke)ou encore Police Partout (Ed. Bichro).
[2] Lire la chronique « La République et l’Église, images d’une querelle ».
Participez à la discussion