La Une est dessinée par Riss, le nouveau timonier du journal laissé pour mort lors du massacre du 7 janvier 2015. Elle représente Angela Merkel en train de lire l’hebdomadaire du mercredi assise sur des chiottes.
Pourquoi l’Allemagne ? Parce qu’il y a là-bas une vraie curiosité pour Charlie, pour cet humour si « typiquement français » que nos voisins d’outre-Rhin sollicitent déjà avec Astérix. Sans doute l’éditeur avait-il eu un retour plus positif en Allemagne des ventes du « Charlie Hebdo des survivants » publié en 16 langues.
Le sommaire est quasiment le même qu’en France, mais il va se créer des contenus spécifiques et la rédaction espère que des dessinateurs allemands se joindront à l’équipe d’un journal tiré à 200.000 exemplaires.
Est-ce là une incongruité ? Pas vraiment. L’Allemagne a été longtemps une terre fertile pour les journaux satiriques. On se souvient des sublimes Kladderadatsch, Simplicissimus, Der Whare Jacob, Die Pleite, creusets des avant-gardes graphiques, mais aussi de Der Stürmer, l’organe satirique des nazis de triste mémoire. C’est précisément en raison de cette dernière publication que l’outrance parut longtemps suspecte aux Allemands dans l’après-guerre. Cependant, dans une période récente, des publications comme Pardon ou Titanic entretinrent la veine satirique.
Cela faisait longtemps aussi que le dessin satirique n’avait pas autant traversé les frontières. Jadis, les dessins du Whare Jacob étaient publiés en France, en République tchèque, en Espagne ou en Italie. L’Assiette au beurre a vu ses dessins publiés dans toute l’Europe, sans doute parce que son propriétaire Samuel-Sigismond Schwarz était un Autrichien-Hongrois immigré en France, comme son brillant successeur Paul Winkler, créateur d’Opera Mundi.
Les malheurs de Charlie Hebdo, avait-on pu lire, étaient dûs à la mondialisation et aux réseaux sociaux qui mettaient leurs caricatures à la disposition d’un public non averti et sorties de leur contexte.
Cette nouvelle donne positive ce reproche : Charlie Hebdo est plus que jamais l’avant-garde de la défense d’un humour corrosif, transgressif et politique dans le sens qu’il s’attaque aux puissants, aux religions notamment.
Saluons en tout cas cette initiative révolutionnaire. Espérons que quelques exemplaires soient diffusés en France car ce numéro est historique.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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