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Chen Yongjing (libraire à Shanghai) : "Il arrive que des livres nous restent sur les bras."

Par Yohan Radomski le 3 avril 2013                      Lien  
Rencontre avec Chen Yongjing, qui tient à Shanghai une librairie spécialisée dans le lianhuanhua (littéralement « dessins enchaînés »), le standard chinois de la bande dessinée. Où l'on s'aperçoit qu'en Chine, les problèmes des libraires sont parfois les mêmes qu'ici...

Chen Yongjing, vous avez ouvert la librairie en 1999, qu’est-ce qui vous a poussé à le faire ?

Mon mari, Wang Yang ! Il est depuis toujours passionné de lianhuanhua et collectionneur. Auparavant, il était dessinateur. Aujourd’hui, il travaille dans une maison d’édition.

On s’est mariés en 1991 et, à l’époque, je n’avais pas d’intérêt pour le lianhuanhua. Mais mon mari pensait qu’il y avait un marché.

Pourquoi avoir choisi cet emplacement, rue Duolun ?

En 1999, la librairie était aussi rue Duolun, mais pas dans ce local. La rue Duolun est aujourd’hui une rue piétonne, culturelle et touristique, pas loin du parc Lu Xun.

C’est un vestige du passé. Dans les années 1920, c’est là que se réunissait Lu Xun, et ses amis fondateurs de la revue Nouvelle Jeunesse.

Puis, il y a un musée d’art contemporain à côté, cela attire du public.

Chen Yongjing (libraire à Shanghai) : "Il arrive que des livres nous restent sur les bras."
Huit mètres carré de livres, et, en cherchant bien, quelques pépites dans le lot.

Votre premier local faisait la même surface ?

Non, il faisait seulement 4 mètres carré ! Et il y avait déjà beaucoup de livres. On a doublé la surface maintenant : 8 mètres carré environ.

Mais ça ne suffit pas pour tout stocker, je stocke aussi des livres chez moi, que je rapporte si les clients les demandent.

Vos clients connaissent mieux les livres que vous, non ?

Pas maintenant. Mais au début, oui. Ce sont pour la plupart des collectionneurs acharnés.

Au début, je ne connaissais rien, je n’avais pas idée des prix. Des acheteurs venaient et échangeaient discrètement les étiquettes, et je ne m’apercevais de rien.

Quand mon mari a compris cela, il a pensé que c’était une bonne chose, car ces clients reviendraient certainement, dans l’espoir de me filouter encore.

Les habitués passent régulièrement jeter un œil aux dernières nouveautés.

Qui sont vos clients ?

Une clientèle masculine, de 40-50 ans. Ils ont un certain pouvoir d’achat. Les lianhuanhuas aujourd’hui sont souvent des rééditions, et ils coûtent plus cher qu’il y a dix ans.

Ce coffret de livres imprimés sur du papier traditionnel, par exemple, coûte 1000 yuans [soit 125 euros... sachant qu’un petit salaire à Shanghai est environ de 2000 yuans]. Et il y a des clients qui dépensent cette somme tous les mois.

Il y a aussi quelques amateurs d’art, plus intéressés par le graphisme que par les histoires.

Des coffrets de rééditions de lianhuanhuas

Vous passez des commandes directement aux maisons d’édition ? Ou bien à des diffuseurs ?

Les maisons d’édition ne vendent pas en petite quantité. Le marché du lianhuanhua est surtout un marché de collectionneurs. Il y a des sites spécialisés où on parle des sorties.

Des diffuseurs nous contactent par l’intermédiaire de ces sites pour savoir combien de livres on voudrait de tel ou tel titre. Ils comptabilisent tout cela puis achètent en gros aux éditeurs, et nous revendent les livres.

Vous achetez donc aux diffuseurs. Vous prenez un risque sur certains titres ?

Oui, cela arrive que des livres nous restent sur les bras.

Des lianhuanhuas bien rangés... à plat.

Vous participez à des festivals ?

Il y a à Shanghai des salons de collectionneurs. On y tient un stand où on vend quelques livres d’occasion, des nouveautés et aussi des dessins originaux.

Mon mari en est un grand collectionneur. Ces dessins peuvent aujourd’hui atteindre des sommes folles dans les ventes aux enchères.

J’imagine que vous ne gagnez pas beaucoup d’argent avec la librairie. Pourquoi continuer ?

C’est vrai que mon salaire est petit. Je touche environ 10% du prix du livre. Mais je suis maintenant familière avec ce métier.

Et puis cela m’a permis de rencontrer beaucoup de gens et beaucoup de clients sont des habitués.

La timide Chen Yongjing et un habitué.

Les jeunes Chinois lisent surtout des mangas. Bien que de nouveaux lianhuanhuas paraissent aujourd’hui, je n’ai pas l’impression que cela les touche.

Les jeunes qui étudient le dessin, le stylisme, la décoration ont de l’intérêt pour le lianhuanhua.

Pour les autres, ils lisent du manga, qui est plus accessible. Mais je pense qu’en vieillissant, ils vont sûrement changer.

S’ils veulent connaître l’histoire de la Chine, ils vont se tourner vers le lianhuanhua, qui est souvent mieux dessiné, de meilleure qualité que les mangas.

Quand la librairie est-elle ouverte ?

Tous les jours, sauf les lundis et jours fériés.

La façade de la librairie Haishang

(par Yohan Radomski)

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