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Chiisakobé T2 - Par Minetarô Mochizuki - Le Lézard Noir

Par Aurélien Pigeat le 31 mars 2016                      Lien  
Shigeji a tout perdu. L'entreprise familiale qu'il devait reprendre, et ses parents, disparus dans l'incendie. Il s'agit à présent de reconstruire, au sens propre comme au sens figuré. Des maisons et des destins brisés. Fable poétique d'une rare justesse, {Chiisakobe}, lancé en 2015, s'impose comme l'une des grandes séries du moment, à destination d'un public mature et sensible.

Il y a, chez Minetarô Mochizuki, dans la peinture des sentiments, dans l’expression des émotions, quelque chose d’une indicible précision qui saisit le lecteur et le laisse ému, et interdit.

Interdits, les personnages suivis le sont aussi, à tous les sens du terme. Shigeji bien sûr, que l’effondrement de repères, qu’il pensait fuir pourtant, contraint à penser, véritablement, le sens qu’il veut, et peut, donner au deuil, à l’idée d’héritage. Mais Ritsu également, venue loger chez notre héros, pour s’occuper d’enfants fracassés dont personne ne sait que faire, et qui se retrouve à son tour comme abandonnée par eux lors de leur fugue.

C’est un quotidien impossible, comme impensable, que le mangaka parvient à rendre presque palpable. De petites attentions, des gestes, des silences, tel objet posé là, tel moment fugacement saisi. Tout un ensemble de détails qui émergent d’un drame passé qu’il faut à présent dépasser, et reconstruisent, proprement, la vie de tous ces personnages. Tout un ensemble merveilleusement agencé par le découpage des planches et la finesse du dessin.

Chiisakobé T2 - Par Minetarô Mochizuki - Le Lézard Noir
Ritsu, au matin...
Chiisakobe T2 © 2013 Minetaro MOCHIZUKI, Shugoro YAMAMOTO All rights reserved.

Mais sans manquer d’humour pour autant. Car Minetarô Mochizuki se livre là à une adaptation moderne et vivante du classique roman de Shûgorô Yamamoto, et transpose dans le Japon contemporain une action initialement située à l’ère Edo.

Il suffit, pour s’en rendre compte, de considérer la construction du personnage de Shigeji, fils de charpentier passionné par de grandes figures contemporaines de l’architecture, telles Frank Gehry ou Zaha Hadid (et les mangas citant de telles références ne doivent pas être légion).

Son design semble tout droit sorti de La Famille Tenenbaum de Wes Anderson : entre la barbe, les lunettes de soleil et le bandeau, on colle au plus près du Richie incarné par Luke Wilson dans le film, et on attend le grand moment où on devrait enfin découvrir le visage du héros. Ce choix, et l’emprunt lui-même, créent immédiatement un décalage burlesque savoureux qui permet d’en partie désamorcer des situations délicates et de tempérer le pathos par une forme de légèreté savamment dosée.

Tout ceci permet de déployer des trésors d’intelligence et de tendresse, comme on en découvre peu dans le manga. Avec un tel titre, le Lézard Noir propose indéniablement l’une des références de l’année à destination d’un public adulte.

...avant d’aller chercher les enfants, après la fugue
Chiisakobe T2 © 2013 Minetaro MOCHIZUKI, Shugoro YAMAMOTO All rights reserved.

(par Aurélien Pigeat)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Chiisakobé T2. Par Minetarô Mochizuki. Traduction Miyako Slocombe. Le Lézard Noir. Sortie le 04 février 2016. 222 pages. 15 euros.

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