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Christian Mattiucci (Association des Auteurs de BD) : « Notre vocation, c’est de faire des livres, pas des dédicaces ! ».

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 5 février 2007                      Lien  
Graphiste et illustrateur, Christian Mattiucci est le porte-parole de l’Association des auteurs de bande dessinée (adaBD), un organe créé en 2000 et qui a pour objet de réunir les auteurs et les praticiens de bande dessinée. Il réagit au bilan de la dernière édition du FIBD et explique comment les événements qui ont affectés le FIBD en 2006 ont rendu difficile le dialogue entre les organisateurs et les auteurs qu’il représente.

Quel bilan tirez-vous de ce Festival ?

Nous savions que ce serait un « festival de transition » : nouvelle équipe, nouveaux lieux, nouvelles formules de remise de prix... Il est donc difficile de faire un bilan définitif. Nous notons les efforts qui ont été faits notamment pour faciliter la circulation dans un espace éclaté. Mais nous restons préoccupés par les conditions d’accueil des auteurs et les orientations que semble prendre le festival (tarifs d’entrée, délocalisation, « privatisation » annoncée, etc.)

Comment expliquez-vous que le dialogue avec les auteurs n’a pas pu se faire ?

C¹est ce que nous allons demander à l’équipe dirigeante du festival que nous devrions rencontrer très prochainement. Dès la mise en place de la nouvelle équipe, nous avons proposé plusieurs fois de les rencontrer. L’association ayant son siège à Angoulême, il était pourtant facile de nous recevoir… Nous avons finalement obtenu un rendez-vous fin septembre. (peut-être suite à l’insistance d’un de nos adhérents, Lewis Trondheim) Mais il a principalement consisté à une présentation par l’équipe du FIBD de leur situation difficile puisque nous n¹avions pu la suivre que par la presse et que nous voulions connaître leur version de l¹histoire. Nous espérions ensuite les revoir pour concrétiser les projets de collaboration que nous avions envisagés. Il est vrai que pour cela, il eut été préférable de nous recevoir plus tôt qu’à quatre mois de l’échéance. Il était prévisible que l’accélération de l’approche du festival ne le permettrait guère.

Quelles sont vos revendications ?

Nous nous inquiétons principalement des conditions d’accueil. Dédicacer plusieurs heures sur plusieurs jours d’affilée est particulièrement pénible. Le bruit est fatiguant, les chaises et les tables sont inconfortables. Cela peut paraître des points de détail, mais notre dos et nos yeux sont autant notre outil de travail que notre main. Et passer des heures courbé, assis sur des chaises qui ne sont pas faites pour ça, a forcément des conséquences alors que les troubles musculo-squelettiques sont sans nul doute une des premières maladies professionnelles qui frappent les auteurs. Certes, il y a, sur les stands des principaux éditeurs, des lieux de repos. Mais ils sont souvent assez étroits. Nous souhaitons donc la mise en place d¹un vrai lieu de détente ou chaque auteur pourrait se reposer, boire un café, loin du bruit. Surtout maintenant que la bulle du côté « éditeurs » est éloignée de la ville. Et puis avoir une salle commune à tous les auteurs permet des rencontres qui créent une ambiance agréable dans un festival.
Nous regrettons que la nouvelle situation géographique du salon nous coupe de la vie commerçante du coeur de ville qui permettait également des rencontres improvisées et des échanges informels.
Nous nous inquiétons aussi de la forte augmentation des prix d¹entrée. Nous avions déjà manifesté notre désaccord et relayé celui de nombreux auteurs à ce sujet en 2000. Pour une famille avec deux enfants, cela devient difficile et nous sommes attachés à l’idée que la Bande Dessinée reste un bien culturel accessible au plus grand nombre. Nous craignons qu¹en déboursant une telle somme, les visiteurs deviennent de plus en plus exigeants pour les dédicaces. Rappelons que les auteurs ne sont pas payés pour ces heures de travail. Nous craignons aussi qu’un tel prix d’entrée soit préjudiciable aux petites structures d’éditions.
Mais aussi, avec les concerts de dessins et autres manifestations de ce genre, le FIBD (suite à l’initiative de certains auteurs) a bien montré qu’il y avait une alternative à la domination de la séance de dédicace. Nous pourrions engager une réflexion commune sur d¹autres moyens d’échanges entre les auteurs et les lecteurs. C’était d’ailleurs notre volonté en organisant des rencontres avec les auteurs sur le quotidien de leur métier dans le cadre du Pavillon des jeunes talents. Ces trois rencontres que nous avons proposées nous montrent que nous pouvons travailler en commun avec le FIBD lorsqu’on arrive à se parler.

Certains auteurs ont l’air d’être rebutés par l’exercice de la dédicace. On n’a pourtant pas l’impression que les éditeurs obligent les auteurs à venir ?

Les auteurs ont bien conscience que la diffusion de leurs livres demande qu¹ils s¹investissent dans sa promotion et les signatures en festival et chez libraires restent les formes essentielles de cette promotion. Pour autant, ce n’est pas pour ça que cette promotion doit se faire dans n’importe quelles conditions. Cependant, l’impact direct sur les ventes est dans l’ensemble peu significatif. Angoulême permet surtout de rencontrer, en plus de nos lecteurs, de nombreux journalistes présents et focalise un peu l’attention des médias sur notre métier.

Christian Mattiucci (Association des Auteurs de BD) : « Notre vocation, c'est de faire des livres, pas des dédicaces ! ».
Dessin (c)AdABD - DR

Le rituel de la dédicace ne semble pas susciter de la résistance de la part de tous les auteurs...

Nous sommes des professionnels et nous savons qu’il faut faire des efforts pour faire connaître nos livres aux lecteurs. Mais ce n’est la vocation d’aucun auteur. Notre vocation, c¹est de faire des livres pas de faire des dédicaces. Et surtout, nous sommes toujours intéressés par les réactions des lecteurs sur notre travail et les dédicaces peuvent être une bonne occasion pour ça. Ce doit être avant tout cela, les dédicaces : l’occasion d’une rencontre entre l’auteur et le public. C’est en cela que c’est aussi un plaisir. Pour peu que cet échange puisse vraiment se faire, ce qui suppose que les dédicaces ne soient pas faites dans des conditions stakhanovistes.

Pourquoi n’établissez-vous pas une charte que vous proposeriez aux auteurs et aux organisateurs de festivals ?

Nous avons établi une charte des dédicaces, il y a déjà quelques années qui s’adresse aux visiteurs mais aussi aux organisateurs. Elle nous permet d’indiquer les conditions simples et minimales qui permettent que les dédicaces restent un bon moyen de rencontrer le lecteur. Elle a aussi pour but d’aider les organisateurs à préparer leur manifestation au mieux. Nous avions d’ailleurs demandé au FIBD de nous aider à la diffuser. Faute de réponse, certains de nos adhérents ont commencé à la faire connaître.

Propos recueillis par Didier Pasamonik, le 3 février 2007.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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