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Christophe Bec : « Le film de Ridley Scott "Prometheus" n’a pas été une influence pour "Eternum" : j’avais déjà débuté ce projet auparavant ! »

Par Charles-Louis Detournay le 13 août 2015                      Lien  
Retour sur deux nouvelles séries de Christophe Bec qui viennent de sortir : "Eternum" & "Sanctuaire Genesis". L'auteur en profite pour nous parler de ses futurs projets, mais donne également son point de vue, sans mâcher ses mots, sur le milieu de la bande dessinée...

Christophe Bec : « Le film de Ridley Scott "Prometheus" n'a pas été une influence pour "Eternum" : j'avais déjà débuté ce projet auparavant ! »Vous venez également de signer le premier tome d’un triptyque avec Jaouen : Eternum. Vous semblez avoir sauté à pieds joints dans son envie de s’inspirer des films de référence en matière de science-fiction.

Ça n’a pas été aussi simple. Jaouen m’a parlé de son envie de revenir à la bande dessinée, mais seulement si c’était de la science-fiction. Même si j’étais enthousiaste vu que j’adore son dessin et que je ne comptais pas laisser passer l’opportunité, ça a été un long processus : j’ai bloqué sur ce scénario pendant 9 ou 10 mois avant d’avoir le déclic. Pour ma part, même s’il y a l’influence d’Alien, c’est vers d’autres films des années 1980 que je lorgnais, comme Outland ou Life Force. Prometheus n’a pas été une influence, j’avais commencé le scénario d’Eternum auparavant. Finalement, Scott n’a fait que moderniser un peu une imagerie SF années 1980, ce que nous voulions également réaliser. Du coup, il y a inévitablement certains rapprochements, surtout sur le plan visuel. Mais Eternum ne vas pas en rester au simple hommage, je vous garantis que c’est un récit plus ambitieux que cela, et qui finalement va tirer vers des films ou romans plus récents, tels que Sunshine de Danny Boyle ou Alastair Reynolds côté littérature.

Eternum T1 : Le Sarcophage – Par Christophe Bec & Jaouen - Casterman

Il semble que le suspense est une fois de plus votre fil rouge pour attraper le lecteur. Est-ce le défi des scénaristes d’aujourd’hui ?

D’aujourd’hui et de toujours non ? Je ne vois guère d’autre manière d’écrire, c’est toujours un jeu avec le lecteur. Scénariser, c’est s’amuser, c’est jouer comme on le faisait avec des Playmobils quand on était gamins. On structure mieux les choses, mais ça reste un jeu. Après on peut s’imposer certaines règles et y mettre sa propre histoire, son vécu pour étoffer et améliorer les aspects narratifs. Personnellement, je ne supporte pas quand une BD me tombe des mains au bout de 10 ou 15 pages, ça ne m’arrive pas très souvent mais ça arrive, j’estime que le scénariste n’a pas fait le job, alors j’essaie de mettre un point d’honneur à capter rapidement le lecteur, et à lui en donner pour son argent, en temps de lecture notamment.

J’ai eu une discussion récemment avec un jeune auteur qui contestait cela, prétendant que ce n’est pas ça qui comptait, qu’une BD lue en 10 minutes pouvait marquer à vie, et c’est dans cette direction qu’il fallait chercher. « Très bien ! », lui ai-je répondu, « Si c’est ta quête : parfait ! Mais alors t’as pas intérêt à te planter au premier coup, parce que tu feras un album mais pas deux ! » Et surtout, qui peut prétendre qu’il marquera à vie les lecteurs ? Et ça n’a rien avoir avec un manque d’ambition, je crois plutôt qu’il s’agit de connaître ses capacités réelles et ses limites, et surtout son talent. Moi je sais que j’en ai peu, alors j’optimise au maximum. Et avec ce petit capital « talent » que j’avais, je ne fais pas une trop mauvaise carrière pour l’instant je pense… 2 millions d’albums vendus, je me serais contenté de beaucoup moins quand j’étais gamin et que je rêvais déjà d’être auteur de BD, je ne pensais certainement pas pouvoir faire et réaliser autant de choses diverses. J’ai raté quelques séries ou albums, comme Le Temps des Loups ou Le Fils de la Perdition (sans parler de la plupart de ceux que j’ai dessinés que je renie totalement), mais je reste fier de certaines séries que j’assume totalement, comme Pandémonium ou Royal Aubrac par exemple, et maintenant Prométhée. Pourtant pour ceux qui me connaissent, je peux être très dur avec mes propres séries, mais celles-ci, je sais qu’il y a un truc dans l’écriture, et pas seulement de la sincérité, il y a aussi du boulot, de la sueur, de la technique et une implication totale dans l’histoire et le sujet traité.

Eternum T1 : Le Sarcophage – Par Christophe Bec & Jaouen - Casterman

Deux millions d’albums vendus… et beaucoup de scénarios réalisés ! Pas de crainte de tourner en rond ? Vous intitulez par exemple votre premier tome d’Eternum : Le Sarcophage, comme le tome 5 de Prométhée...

Ah oui, tiens, je n’avais même pas remarqué. Ça y est, le début de la sénilité, je commence à radoter ! (rires) Je n’ai pas analysé le pourquoi de ce titre, mais oui, un sarcophage est quelque chose d’évocateur je pense, de fascinant chez beaucoup de monde, ça colle avec certaines de mes thématiques. Et plus sérieusement, c’est forcément quelque chose qui me fait peur, le fait de ne pas arriver à se renouveler. Pour être honnête, j’ai eu cette impression il y a 3 ou 4 ans, une panne d’inspiration, l’impression que je n’arriverais plus à écrire de nouveaux scénarios. D’ailleurs, ça a donné des séries qui n’ont pas très bien marché. Après une période de doute, je me suis donné un grand coup de pied au cul, et je suis beaucoup plus content des derniers scénarios que j’ai écrits, et qui ne sont pas encore sortis.

Le graphisme de Jaouen donne beaucoup de force à votre récit.

Je m’adapte souvent au dessinateur. Mais dans tous les cas, je livre tout d’un bloc, car je n’aime pas jongler entre plusieurs séries. C’est difficile sinon de retrouver le ton propre à chacune, je ne vois pas comment on peut travailler comme cela, j’aurais fait un très mauvais Charlier ! (rires)

Eternum T1 : Le Sarcophage – Par Christophe Bec & Jaouen - Casterman

Comme dans Prométhée, vous utilisez un découpage en quatre bandes muettes afin de montrer ce qui se passe simultanément dans différents endroits. Est-ce une référence assumée au cinémascope, qui permet de donner de la profondeur et de l’écho à votre scénario ?

Oui, mais c’est aussi une référence à la bande dessinée classique. Après le fait de réaliser une image entière par strip permet en effet de créer de grands panoramiques, et en cela de se rapprocher du cinémascope. Mais la grande force de la BD est de pouvoir jouer avec le cadre, contrairement au cinéma ! Alors je ne m’en prive pas et j’essaie de varier les choses à ce niveau. Je suis issu de la bande dessinée classique franco-belge, c’est celle que je lisais gamin et qui m’avait fasciné : Hergé, Martin… c’était du quatre bandes. Bon, par la suite, plein d’autres influences sont évidemment venues se mêler, ce qui explique que j’essaie d’avoir une écriture assez moderne, mais qui reste dans une forme de classicisme franco-belge. D’ailleurs, si j’ai tenu absolument à ce qu’il y ait les vignettes des couvertures des tomes de Prométhée en quatrième de couverture, c’est en référence directe à Tintin et à Yoko Tsuno. Je me souviens gamin avoir passé des heures à scruter ces quatrièmes de couvertures, je trouvais ça fascinant, sans doute parce que sur quelques centimètres carrés tenaient toute une œuvre et toute une vie de travail.

Eternum T1 : Le Sarcophage – Par Christophe Bec & Jaouen - Casterman

En 2001, vous aviez créé la série Sanctuaire avec Xavier Dorison. Qu’est-ce qui vous avait poussé à laisser d’autres auteurs la décliner dans une version manga dans Sanctuaire reminded ? Comment analyse-t-on son histoire et ses personnages revisités par d’autres ?

Avant cette proposition je m’étais fait la remarque que contrairement au cinéma, il n’y avait pas de remake en bande dessinée. Quand les Humanos m’ont donc proposé Sanctuaire reminded, j’ai trouvé ça amusant, d’autant que le concept était d’en faire une version feuilleton. C’est moi qui ai insisté pour que ce soit Stéphane Betbeder qui l’écrive : on avait déjà travaillé ensemble et j’étais persuadé qu’il apprendrait énormément en faisant cela, ça lui permettrait de perfectionner sa technique, d’éprouver tout un tas de choses… et il m’a confirmé que ça a été bénéfique pour lui ! Après, je ne suis pas plus attaché que cela à Sanctuaire. Je sais bien que ça a été mon plus gros succès, mais je ne suis pas du tout content de mon travail dessus, je trouve énormément de défauts à cette série… et pas qu’au niveau du dessin. Dorison a aussi beaucoup progressé depuis. C’est bizarre que ce soit devenu un truc un peu culte, en tout cas il n’y a pas assez de qualités à mon sens, et par ma faute essentiellement, pour que ça ait des chances de devenir un jour un véritable classique de la BD, même si les ventes s’en rapprocheraient.

Suffisamment culte pour qu’un nouveau spin-off vienne de paraître : Sanctuaire Genesis, dont vous avez écrit l’histoire. Mais chose étrange, le scénario final est signé Philippe Thirault, alors que c’est votre fidèle ami Stefano Raffaele qui est au dessin. Pourquoi ne pas avoir réalisé vous-même ce scénario ? Par manque de temps ou parce que vous préfériez qu’un autre scénariste développe le mélodrame entre les personnages ?

Soyons clair, parce que j’ai entendu beaucoup de conneries à ce propos : je n’ai pas tout-à-fait écrit l’histoire. J’ai écrit un premier script, très largement remanié par l’éditeur lui-même, visiblement pas assez satisfait de mon travail. Rien ne s’est fait dans mon dos, j’ai suivi toutes les étapes, c’est d’ailleurs même moi qui ait suggéré Stefano Raffaele pour le dessin après que le premier dessinateur s’y soit cassé les dents pendant plus de deux ans. Mais ce n’est plus MON histoire. C’est une autre histoire réécrite par l’éditeur. Je n’ai eu aucun lien réel avec Philippe Thirault, là non plus rien ne s’est fait dans mon dos, de toute façon les Humanos avaient besoin de mon aval et de celui de Xavier Dorison. Philippe est un grand professionnel, avec beaucoup de talent, donc j’ai aussitôt dit oui. Je pense qu’il a pris cela comme une commande, mais il a travaillé très consciencieusement, tout comme Stefano pour la partie dessin. Il s’est uniquement chargé des découpages de l’album et des dialogues, il n’est pas intervenu sur la trame de l’histoire. Après voilà, si maintenant je trouve mon dessin horrible sur Sanctuaire, à l’époque j’y avais mis toute mon énergie, et un peu plus que ça même… là on est peut-être dans un travail d’équipe plus stéréotypé, qui a donné un résultat un peu plus conventionnel.

C’est tout-de-même votre nom qui apparaît en premier sur la couverture !?!

Au final, je ne voulais pas signer l’album, car je ne le considère pas réellement comme un des miens. Mais Fabrice Giger, le patron des Humanos, m’a fait comprendre que c’était un risque, commercialement parlant, pour eux. Comme je ne suis pas là pour créer des ennuis aux Humanos qui m’ont entre autres permis d’être là où j’en suis aujourd’hui, qui m’ont aussi soutenu (et Fabrice le premier) dans une épreuve très difficile il y a quelques temps, j’ai accepté de cosigner. Ce n’est d’ailleurs pas une contre-vérité non plus, puisque je suis à l’origine de l’histoire malgré tout. Puisque je parle de cela, je dois dire que cinq personnes ont joué un rôle déterminant dans ma carrière, tout d’abord Mourad Boudjellal qui m’a fait démarrer, puis ensuite Philippe Hauri qui était mon directeur de collection aux Humanos avant qu’il ne parte chez Glénat (je travaille toujours avec lui sur plusieurs séries), Jean Wacquet qui m’a fait revenir chez Soleil et grâce à qui Prométhée a pu prendre cette ampleur, et enfin Fabrice Giger, que je n’ai pourtant vu qu’une fois, en pleine crise des Humanos à l’époque, ça ne s’était pas très bien passé d’ailleurs, et qui je dois dire est très persévérant me concernant.

Pour revenir à votre histoire de Sanctuaire Genesis, vous brossez plusieurs périodes historiques afin de donner plus de détails sur des personnages (et des situations) qui se déroulent dans Sanctuaire. Cela vous semblait-il important de pouvoir répondre à quelques questions laissées en suspens dans la série-mère ?

Les personnages n’ont plus rien à voir avec ceux que j’avais dépeints dans mon script original. Par contre, la trame globale, les différentes époques, ont été conservées. Mon envie n’était pas de répondre à certaines questions laissées en suspens, mais venait d’un attachement au personnage de Kämper que j’aimais bien. Et par lui, je trouvais qu’il y avait un moyen d’approfondir quelques aspects, notamment les Ougarits. Le piège est qu’avec un archéologue, on peut tomber dans un aspect Indiana Jones, en plus avec les nazis (mais qui étaient-là déjà dans la série-mère)… Dans le script original, mon Kämper n’avait rien à voir avec celui de Sanctuaire Genesis, le mien était un vrai héros, bien plus monolithique, tout en étant torturé. Mon récit était plus brut, violent et sombre.

Sanctuaire Redux – Par Stéphane Betbeder, Riccardo Crosa & Andrea Rossetto – Les Humanoïdes Associés

Que vouliez-vous apporter avec Sanctaire Genesis ? Un complément à Sanctuaire dans la même veine ? Ou vouliez-vous justement que ce diptyque se distingue par quelques particularités ?

Apporter quelque chose non, je n’ai pas cette prétention, Xavier avait fait ce qu’il fallait avec un univers assez cohérent, juste creuser un peu l’univers. Dorison avait écrit un script abandonné dans le genre, qui racontait l’histoire du Youbrenin, le sous-marin russe échoué dans la grotte sous-marine devant l’entrée du sanctuaire. Ça m’avait décomplexé sinon je n’aurais jamais osé. Comme il ne s’y est jamais remis, je me suis dit que j’allais tenter quelque chose de mon côté puisque j’avais largement opéré ma transition vers l’écriture plutôt que le dessin…

Avec Sanctuaire Genesis, vous repartez des données tirées de Sanctuaire T3, mais également des infos complémentaires (bien que parfois divergentes) de Sanctuaire Redux. Pourquoi vous être basé sur Sanctuaire Redux alors que vous auriez pu vous limiter à votre récit originel ? Est-ce la quadrature de votre cercle Sanctuaire ?

J’avais donné des idées à Betbeder avant qu’il ne s’y mette ! Je n’étais pas parti de Sanctuaire Redux, car de toute façon ce projet de Sanctuaire Genesis le précède. J’avais justement commencé à l’écrire avec Betbeder, c’est pour cela que ce dernier me semblait légitime sur Redux, car il connaissait forcément bien Sanctuaire dans les détails. Il a finalement pris certaines libertés par rapport à cet univers, ce qui peut amener des contradictions avec la préquelle. Mais il y a également quelques contradictions entre Sanctuaire Genesis et la série-mère, les choses ont été réécrites et certains éléments un peu trahis… Dans ma version, j’avais fait gaffe à rester totalement cohérent avec les 3 premières pages de Sanctuaire tome 3 où l’on voyait Otto Kämper.

Sanctuaire Redux – Par Stéphane Betbeder, Riccardo Crosa & Andrea Rossetto – Les Humanoïdes Associés

Plus globalement, allez-vous continuer à travailler certaines de vos univers, comme Sanctuaire ou Carthago ?

Sanctuaire, non. J’avais reparlé avec Xavier de ce scénario sur le Youbrenin qu’il avait abandonné, ça remonte à quelques années, mais il est très occupé et avait d’autres chats à fouetter à l’époque. Ensuite, je dois avouer qu’il n’y a jamais eu de réelle alchimie artistique entre nous deux, comme il peut y en avoir avec Matthieu Lauffray le concernant et avec qui il a fait une vraie grande série. Je crois qu’il a raison de penser que ce serait une erreur d’en refaire un. Puis humainement, ça ne passe pas trop entre nous. Pour Carthago, après une période de gros doutes, je suis finalement parvenu à écrire le tome 6, qui devrait être très surprenant. Je n’arrivais plus à écrire la suite directe, j’ai commencé cette série il y a trop longtemps et elle a connu bien trop de déboires pour que je reste à la barre, il fallait un changement radical. J’ai failli vendre mes droits et la laisser tomber, avant d’avoir une idée très originale, mais que j’estimais dangereuse commercialement, les Humanos étaient convaincus par cette proposition et m’ont dit de foncer… ça va être un sacré changement ! Par contre côté dessinateur, enfin de la stabilité avec Milan Jovanovic, qui libéré de ses obligations parallèles, devrait assurer un album par an maintenant. Par contre du coup, les 8 tomes prévus originellement vont exploser, il y aura plus de tomes que cela, car ça a ouvert des perspectives totalement nouvelles.

Sanctuaire Genesis T1 – Par Christophe Bec, Philippe Thirault, Stefano Raffaele - Les Humanoïdes Associés

Bob Morane repart au Lombard : vous n’avez pas de regret en pensant au scénario que vous aviez écrit, et [finalement utilisé pour Lancaster->art16757 ?

Lancaster était en effet au départ un scénario prévu pour Bob Morane, mais le projet de base aurait été très différent, sans doute plus pertinent. Lancaster fait partie des séries que j’ai un peu ratées, même s’il y a dedans plein de trucs que j’aime. J’étais le cul entre deux chaises… A posteriori, je pense que j’aurais dû oser la parodie à bloc ! Du coup, cela a été mal perçu et ça a été un échec commercial. Je reviens là-dessus, mais au niveau scénario, même si je suis conscient d’avoir écrit des choses plus faibles que d’autres, je ne renie aucun album, car il y a toujours au moins une scène que j’aime dedans. Et je n’ai également bâclé aucun album, j’étais parfois moins investi parce que je sentais que la sauce prenait moins ou qu’il n’y avait pas d’alchimie avec le dessinateur, mais j’ai toujours essayé de donner le maximum de moi, ce qui n’était pas le cas quand je dessinais où je truquais souvent.

Pour revenir à Bob Morane, j’avais ensuite envisagé d’en dessiner un sur un scénario de Philippe Tome. Ce projet m’aurait bien branché, et m’aurait permis de me confronter à Vance, qui est sans doute l’auteur qui m’a donné envie de faire ce métier, mais ça n’a pas abouti. Maintenant il y a ce projet de reboot qui s’est concrétisé après, pour moi ce n’est pas une bonne idée de faire ça, mais je souhaite tout de même bonne chance aux auteurs et à l’éditeur, en espérant qu’un jour quelqu’un refera un « vrai » Bob Morane.

Outre Carthago, Eternum et Prométhée, quels sont vos projets pour les mois à venir ?

Mon nouvel album au dessin sortira en janvier normalement, un one-shot intitulé Les Tourbières Noires. J’ai quasiment tout fait dessus, je me suis juste fait aider pour une partie de la couleur. Les éditions Soleil m’ont commandé une nouvelle série pour remplacer Prométhée : un feuilleton d’anticipation, toujours avec Raffaele au dessin, qui s’intitulera Olympus. J’ai écrit une nouvelle série de SF pour Fabrice Neaud : Labyrinthus. Et j’ai pu concrétiser un projet de western grâce à Michel Rouge, Gunfighter. Je signe moins de choses, car la série Prométhée m’assure une certaine stabilité financière et je suis moins dans l’urgence de devoir toujours fournir des scénarios. De toute façon, je suis plus exigeant avec moi-même et ça me prend plus de temps d’écrire aujourd’hui. J’ai le sentiment d’avoir passé un cap récemment, mes prochains titres vont être plus « adultes », dans le sens plus assumés, avec plus de risques dans les choix narratifs, une caractérisation beaucoup plus poussée et travaillée sur les personnages, un travail sur les enchaînements plus fort et subtil, comme sur Eternum. J’ai pas lu beaucoup de remarques en ce sens… Il faut dire qu’en bande dessinée, la critique ne va pas souvent en profondeur par manque de temps et de place, et pourtant sur cet album, si pour l’instant on peut reprocher un sujet somme toute classique, les enchaînements ne le sont pas eux, j’ai particulièrement travaillé cet aspect pour rythmer le récit et surtout faire passer la pilule de la répétition des situations, pourtant variées à chaque fois si l’on y prête attention avec un minimum d’objectivité. Mes prochaines histoires continueront dans cette lignée d’une écriture plus franche et décomplexée, même si j’ai encore beaucoup de chemin à faire en ce sens. Et puis, la suite ou la fin de certaines séries en cours et quelques one-shots.

Sanctuaire Genesis T1 – Par Christophe Bec, Philippe Thirault, Stefano Raffaele - Les Humanoïdes Associés

Fort de vos récentes réussites, dans quelle(s) direction(s) voulez-vous vous diriger dans les années à venir ?

On peut me reprocher beaucoup de choses, mais pas le fait de douter perpétuellement, mais là aussi, faut me connaître un minimum. Actuellement, j’ai finalement du temps, Prométhée m’a libéré du temps et je ne sais pas du tout comment orienter ma carrière aujourd’hui, et avec du temps, on gamberge (rires). J’ai refait un album au dessin, le premier dont je vais pouvoir être à peu près fier, j’ai mis 4 ans à le faire, j’ai retrouvé le plaisir de dessiner mais dans mon style réaliste, c’est un boulot de dingue, je ne suis pas sûr de vouloir rempiler avant un bon moment. Je vais continuer à écrire des bandes dessinées, mais en écartant tout ce qui me paraît trop juste qualitativement, je laisse bien plus de projets dans mes tiroirs qu’à une époque, et pas seulement parce qu’ils seraient refusés par les éditeurs. Après, sur un plan commercial, je joue en deuxième division, les ventes de Prométhée, Carthago ou Eternum (qui a démarré très fort) sont correctes, mais loin des vrais best-sellers. Alors peut-être le cinéma ? Il y a différents projets, je parlais de la série TV Prométhée, mais il y aussi Le Meilleur Job du Monde, sur lequel le réalisateur Abel Ferry et l’écrivain Henri Loevenbruck planchent, mais je n’ai qu’un rôle de consultant officieux. Par contre, j’ai écrit un scénario de long-métrage en phase de financement, un survival que je devrais aussi réaliser si une bonne âme veut bien nous offrir 10 ou 15 millions de dollars ! (rires)

Vous aviez déjà réalisé des courts-métrages : est-ce que vous comptez toujours abandonner la bande dessinée pour vous consacrez au cinéma ?

Non, la BD reste mon métier et je n’en suis pas lassé. Je suis par contre un peu blasé par tout ce qui gravite autour : la situation globale, les conditions financières qui baissent, les charges sociales monumentales qu’on veut nous imposer injustement alors qu’elles étaient déjà lourdes et qu’on fait un métier sans aucune garantie de durabilité, les chasseurs de dédicace, beaucoup de festivals qui ne se contentent que de la dédicace, tout le marché parallèle que génère la BD sur lequel on ne voit pas un seul centime, le snobisme de certains prix et d’une certaine critique, le snobisme de certains éditeurs plus intéressés à avoir un article dans Télérama ou Libé sur un de leurs albums que de le vendre, les abrutis sur les forums, les sites de BD qui mettent des étoiles aux livres comme si on était à l’école, les journaux nationaux qui ne parlent que d’un seul type de BD, quelques confrères jaloux dès qu’on a un a peu de succès, rares heureusement… Malgré tout ça, je ne suis certainement pas aigri, car j’aime fondamentalement la BD, et je ne parle pas des miennes, je continue à en lire beaucoup et le talent de certains confrères me ravit encore. Voir des jeunes auteurs comme Aurélien Rosset ou Ronan Toulhoat par exemple, avoir envie de casser la baraque sur de la BD de genre, je trouve ça super chouette !

Propos recueillis par Charles-Louis Detournay

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Lire la première partie de cette interview : « La fidélité des lecteurs m’a permis de réaliser cette série fleuve, Prométhée, même si je n’y croyais pas trop, vu le climat ambiant de l’édition »

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Concernant Prométhée, lire nos chroniques des tomes 1, 2 et 3 ainsi que notre dossier : Les abysses de Christophe Bec

Lire nos autres interviews de Christophe Bec :
- « Aujourd’hui, il faut savoir s’adapter au marché » (Août 2014)
- « Pour moi, il est capital de terminer les séries ! » (Août 2013)
- « Prométhée est un récit ambitieux. J’ai pris le pli de révéler des choses, quitte à décevoir. » (Août 2013)
- « Vingt ans après notre album commun, je reprends du service avec Corbeyran sur "Doppelgänger" » (Janv 2011)
- « Je ne me serais jamais lancé dans "Ténèbres" sans un grand dessinateur ! » (Janv 2011)
- "Pour éviter de m’ennuyer, je change souvent d’univers " (Décembre 2008)

Lire quelques-unes des chroniques des autres albums de Christophe Bec :
- Death Mountains, tomes 1&2
- Carthago tomes 1 et 2, ainsi que Carthago Adventures tomes 2 et 3
- Wadlow
- Rédemption
- Fontainebleau avec Alessandro Bocci
- Ténèbres tomes 1 et 4 ainsi que notre dossier Entre Ange et Ténèbres, Soleil continue de privilégier l’Héroïc-Fantasy
- Under tome 1
- Bunker tomes 1, 2 et 3
- Sara tomes 1 et 2 avec Raffaele
- Pandémonium tome 1, 2 et 3

Photo en médaillon : © Christophe Bec

 
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