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Christophe Chabouté : " Le personnage principal du livre, ce ne sont pas les gens qui défilent, c’est le banc."

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 26 septembre 2012                      Lien  
Avec son album "Un peu de bois et d'acier" (Vents d'Ouest), Chabouté nous livre un singulier regard sur le temps qui passe. Une histoire de banc public où se nouent et se dénouent des parcours anonymes, un conte du commun ordinaire. Exceptionnel.
Christophe Chabouté : " Le personnage principal du livre, ce ne sont pas les gens qui défilent, c'est le banc."
Un peu de bois et d’acier par Chabouté
Éditions Vents d’Ouest

Comment vous est venue l’idée du banc ?

J’avais envie d’un héros particulier, de trouver un prétexte pour m’arrêter, prendre le temps de regarder, à me poser. J’avais envie de parler de choses futiles, simples, pas importantes. Le défi était de rendre important le pas important, le futile, de donner un côté extraordinaire au quotidien, un autre angle de vue à ce que l’on voit tous les jours, voir autrement ce que l’on ne voit plus. pour cela, il faut s’arrêter. Et dans une ville, cela se fait sur un banc, souvent, car on ne peut pas s’arrêter au coin d’une rue. Sur un banc, on ne gêne personne. Le personnage principal du livre, ce ne sont pas les gens qui défilent, c’est le banc.

Il n’y a pas un dialogue dans votre BD. Pourquoi ce silence ?

La caméra, ce sont les yeux du lecteur, c’est le point de vue de chacun qui fait l’histoire. Je ne surenchéris pas avec du texte pour ne pas donner d’importance aux personnages, dont on se fout, à la limite. L’image parle d’elle-même et cela permet au lecteur d’imaginer ce qu’il veut. Je lui laisse constamment des portes ouvertes pour qu’il se fasse son propre dialogue, sa propre histoire, son propre passé et le propre futur des gens. Je travaille sur un axe central où chaque lecteur peut prendre un chemin de traverse et s’approprier l’histoire. Je n’impose rien, je propose. En littérature, le lecteur "imagine" l’image. Là, les images sont faites et le lecteur imagine le texte qu’il peut y avoir.

Christophe Chabouté
Photo : D. pasamonik (L’Agence BD)

C’est un livre conceptuel ?

C’est un mot qui me fait peur. J’essaie de faire des choses simples. je n’ai pas réfléchi à cela. J’essaie de mettre sur papier des choses qui me font vibrer, des émotions simples, de travailler avec sincérité et de parler de choses quotidiennes. "Conceptuel", je ne sais pas ce que cela veut dire : cela fausse un peu la donne de l’instinct de départ, du cœur qui parle, du sentiment simple. C’est juste de l’humour touchant à la Tati, des sourires à la Chaplin, des regards du mime Marceau, c’est tout cela.

On est à hauteur d’homme...

À hauteur de banc plutôt, même à hauteur de chien, car il y en a un qui passe... J’espère qu’on est à la hauteur de ce que l’on veut bien se donner. On est à la hauteur où l’on a envie d’être.

C’est un récit de 330 pages, qu’est-ce qui a décidé de la longueur ?

Je savais que ce serait de la grosse pagination car comme il n’y a pas de texte, il me fallait du temps. Mais cela aurait pu être un bouquin de 600 pages, il y avait la matière. Tout seul aussi avait de la matière pour 600 ou 800 pages. Il ne faut pas non plus saouler les gens. Les pages qui manquent, c’est le lecteur qui les imaginera.

Nous sommes toujours chez vous avec des êtres humains confrontés à des choses qui les dépassent...

C’est juste du quotidien décalé, qui devient fantastique mais qui ne l’est pas du tout, c’est simplement qu’on le voit autrement. C’est l’aventure au coin de la rue. C’est un truc tout à fait anodin qui devient dingue et qui peut arriver sur le banc d’à côté...

Un peu de bois et d’acier par Chabouté
(C) Vents d’Ouest

Commet écrit-on un tel livre, en restant sur un banc pensant des heures ?

Non, j’ai observé mais ce sont plutôt des notes que j’ai prises pendant des années sur les bancs, dans des arrêts de bus, sur des quais de gare, dans des salles d’attente... Dans ces endroits où l’on s’arrête sans n’avoir rien à faire d’autre que de regarder. Il n’y a que quand on s’arrête que l’on regarde vraiment.

L’instantané décale dans un monde qui va trop vite ?

Oui, j’étais plutôt pour une scène de théâtre au le personnage entre à gauche et part vers la droite. Mais à un moment, je me suis mis à imaginer ce qu’il y avait à gauche du banc, puis à droite. Est-il dans un parc, ce banc, dans une rue ? On ne sait pas. L’histoire comporte paradoxalement de sacrés rebondissements, il lui arrive des aventures...

C’est de la poésie ?

Il faudrait définir la poésie. Peut-être, c’est au lecteur d’en décider. J’ai juste mis des petits bouts de choses qui me font vibrer.

Propos recueillis par Didier Pasamonik

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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