Comme nous le rapportions récemment, l’industrie des syndicates (principaux diffuseurs de strips dans les quotidiens aux États-Unis), tout comme celle de la presse imprimée dont elle est corollaire, est en pleine restructuration.
Grâce à des portails comme GoComics, Internet joue désormais un rôle de premier plan dans la diffusion des strips. Ainsi, s’il faut toujours passer par la presse « papier » pour lire les traductions françaises de certaines séries publiées dans les journaux canadiens, la plupart des strips en VO anglaise sont désormais disponibles gratuitement sur le web.
Tandis que les strips d’aventure (Flash Gordon, Little Orphan Annie, Dick Tracy, etc.) ont fait les beaux jours des quotidiens nord-américains pendant presque un siècle, les journaux semblent aujourd’hui préférer les strips humoristiques. Si les « classiques » (Blondie, Peanuts, Family Circus, Hagar the Horrible) ont toujours la cote, beaucoup de créations plus récentes méritent qu’on s’y attarde. Découvrez-les en quelques clics de souris.
Humour familial
C’est peut-être la catégorie de strips humoristiques la mieux connue. La vie de conjugale de Dagwood et Blondie Bumstead, par exemple, fait l’objet de gags quotidiens depuis plus de quatre-vingts ans. Comme bien d’autres strips familiaux, la série de Chic Young se caractérise par son humour bon enfant. Pourtant, il est possible de renouveler le genre en y ajoutant un peu de mordant. C’est d’ailleurs ce qu’ont fait nombre de cartoonists :
Big Nate (Lincoln Peirce, Newspaper Enterprise Association) : Big Nate met en vedette Nate Wright, un garçon turbulent, ses copains d’écoles, ses enseignants, son père célibataire et sa grande sœur. Si le strip traite de sujets bien connus (ses mauvais coups à l’école, sa malchance avec les filles, la difficulté de vivre avec un père gentil mais ringard, etc.), il est difficile de ne pas tomber sous le charme de Nate. L’humour y est original et actuel. Andrews McMeel Publishing a fait paraître deux recueils du strip : Big Nate From the Top (2010) et Big Nate Out Loud (2011).
Betty (Gary Delainey et Gerry Rassmussen, United Feature Syndicate) : Ce strip canadien met en vedette Betty, une mère de famille et femme de carrière, son mari Bub et leur fils Junior. Betty peut toujours compter sur l’aide et les conseils d’Alex, sa meilleure copine et confidente. Betty est un strip familial beaucoup plus moderne que ne le sont Blondie ou encore Hi and Lois (Mort Walker et Dik Browne). Les sujets d’actualités, les nouvelles tendances et les nouveaux gadgets technologiques y sont souvent traités avec beaucoup d’esprit.
Zits (Jerry Scott et Jim Borgman, King Features Syndicate) : Parfois traduit en français sous le nom de Jérémie, Zits est une série contemporaine qui exploite avec brio les travers de l’adolescence (« zits » signifiant « acné » en anglais). Elle met en vedette Jeremy Duncan, un garçon 16 ans, fils d’une psychologue et d’un orthodontiste. Jeremy est un ado typique : il porte des vêtements trop grands, il est taciturne avec ses parents et il rêve d’être une rock star. Le strip met également en vedette ses copains d’école Hector et Pierce (un adepte du piercing), et sa copine Sara.
Satire et absurde
Non Sequitur (Wiley Miller, Universal Press Syndicate) : Dans l’esprit de l’excellent The Far Side (Gary Larson), Non Sequitur est un strip absurde qui se laisse parfois tenter par l’humour satirique ou politique. Explorant plusieurs univers différents et frôlant parfois la caricature, Non Sequitur compte tout de même son lot de personnages et de motifs récurrents : les conversations cyniques entre Danae Pyle (une préadolescente gothique) et sa jument Lucy, les péripéties du jeune Ordinary Basil à l’aube de la révolution industrielle, ou encore les aventures d’Obviousman le super-héros des choses évidentes n’en sont que quelques exemples.
Doonesbury (Garry Trudeau, Universal Press Syndicate) : Nous avons déjà évoqué l’excellente satire politique qu’est Doonesbury. De la guerre du Vietnam au scandale de Watergate, de l’élection de Barack Obama à l’émergence du Tea Party, aucune facette de la vie politique américaine n’échappe à la verve de Garry Trudeau. En plus de commenter l’actualité, Trudeau développe parallèlement le feuilleton de la commune de Walden, composée de Mike Doonesbury (le geek), B.D. (le jock), Zonker Harris (le hippie), Mark Slackermeyer (l’anarchiste) et Joanie Caucus (la femme libérée). Au fil des ans, plusieurs personnages (amis, enfants, collègues, amours) se sont greffés à cette grande famille du strip.
Dilbert (Scott Adams, Universal Uclick) : Grande satire du monde de l’entreprise, Dilbert est peut-être l’un des plus grands succès contemporains du strip. La série met de vedette Dilbert, un ingénieur travaillant pour une grande boîte informatique, ainsi que ses collègues : Wally le parasite, Alice la femme manipulatrice et agressive, Asok le stagiaire naïf, Carol la secrétaire désagréable et, bien sûr, l’incompétent patron aux cheveux pointus. À cette ribambelle s’ajoute Dogbert, le chien machiavélique de Dilbert souvent embauché comme consultant de la boîte, Catbert le chat DRH sadique, ou encore le PDG despotique de l’entreprise.
Les succès du web
Bien sûr, aujourd’hui, plusieurs strips publiés en format webcomic se passent complètement des syndicates et de la presse. Tablant sur leur immense popularité, ceux-ci passent immédiatement du Net aux recueils papier et aux produits dérivés.
Piled Higher and Deeper, mieux connu sous le nom de PhD Comics (Jorge Cham) : C’est la BD culte des étudiants. Comme le titre l’indique, PhD Comics porte sur les hauts et les bas de la vie d’un groupe de doctorants et de leurs directeurs de recherche. Cham a créé PhD Comics lorsqu’il étudiait à la prestigieuse Stanford University (Californie) et la série comporte encore plusieurs références à cet établissement. Le strip est aujourd’hui publié dans plusieurs journaux étudiants et l’auteur entreprend différentes tournées des campus universitaires nord-américains. Quatre recueils ont été publiés et une adaptation cinématographique sera projetée sous peu dans différentes universités.
Cyanide and Happiness (Kris Wilson, Rob DenBleyker, Matt Melvin et Dave McElfatrick) : Cyanide and Happiness pourrait être qualifiée de revanche des bonshommes-allumettes. Si, graphiquement, le strip n’offre pas grand-chose, celui-ci fait de nombreux adeptes en raison de son humour cynique et grinçant (pour ne pas dire douteux). Ce strip irrévérencieux (et politiquement très incorrect) a déjà donné lieu à deux recueils. Cœurs sensibles s’abstenir.
(par Marianne St-Jacques)
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