Jeudi 29 janvier. Le Festival vient de débuter, et déjà les haut-parleurs chauffaient le public : « Venez nombreux à la conférence de Moulinsart au CIBDI ! [...] Steven Spielberg et Peter Jackson répondront à vos questions en mondovision ... » Si la presse avait été conviée plus officiellement, on pouvait déjà être sûr qu’avec un programme aussi alléchant, on allait se battre pour y assister.
Effectivement, le public se massait dès avant l’ouverture des portes, et les intervenants eurent du mal à se frayer un passage, Alain de Kuyssche et Nick Rodwell en tête. La salle de cinéma qui accueillait la conférence fut prise d’assaut et c’est devant un auditoire comble que le directeur de Moulinsart nous accueillit : « Ravi de vous voir aussi nombreux. Nous répondrons aujourd’hui à toutes vos questions, même à celles d’ActuaBD ! » Petite pique ou second degré ? Quoiqu’il en soit, le ton était donné, on n’allait pas s’ennuyer !
Le Musée Hergé
Cornaquée par Alain de Kuyssche, la conférence débute avec la présentation du Musée Hergé. Déjà abordé dans nos pages précédemment, nous n’en reprenons que les nouveautés. La colonne-fusée a créé un débat passionné entre l’architecte Christian de Portzamparc, et les scénographes, Joost Swarte en tête, et pour finir, elle sera bleue et blanche au lieu de rouge et blanche ! La Belgique étant pourtant le pays des compromis, celui ravira-t-il le public ? Nous aurons la réponse lors de l’ouverture, le 2 juin prochain.
À travers ces grandes baies vitrées figurant des cases de bande dessinée, le visiteur évoluera dans les 2000 m² d’exposition permanente et les 300 m² d’espaces temporaires, débutant d’ailleurs avec un making of du musée, puis un regard sur la Chine au travers des voyages de Tintin, en liant avec l’Europalia chinois.
Les trois conseillers du musée Joost Swarte, Thierry Groensteen et Philippe Godin, ont souhaité privilégier les croquis et dessins originaux du maître. Mais pour pouvoir les conserver au mieux, ils ne seront exposés que quatre mois par an, selon les normes muséales. Trois "jeux" d’originaux se relayeront ainsi tout au long de l’année, de façon à présenter trois visions parallèles du travail d’Hergé, placés dans autant de cadres et de vitrines. Les différentes salles nous feront évoluer dans la vie et l’espace de vie de Georges Remi, tout en faisant le lien avec ses nombreux personnages.
Laurent de Froberville, directeur du Musée Hergé, attend 200.000 visiteurs par an. Ils seront bien nécessaires pour rembourser l’investissement de la légataire universelle d’Hergé, Madame Fanny Rodwell : 15 millions d’euros.
Une intervention attendue
On nous a alors demandé de ne pas filmer, ni photographier le message que Steven Spielberg et Peter Jackson adressaient aux festivaliers d’Angoulême. En aparté, Nick Rodwell nous confiera plus tard que c’était à la demande des intéressés, et que lorsque des personnages de cette importance ont une requête, vous avez tout intérêt à obtempérer, même si le film aurait profité de cette ’bande-annonce’.
Affublés de deux chapeaux melons et cannes de bois, les deux compères, de très joyeuse humeur et déguisés en Dupondt, se présentaient à nous en tant que Steven avec un S, et Peter avec un D. Le contenu même du message, sans surprise, nous ravit moins que la jovialité des deux personnages, heureux de pouvoir (enfin) lancer les premiers tours de manivelles ce 26 janvier.
Pouvoir réunir les deux réalisateurs et les placer ensemble devant la caméra dans leur adresse aux festivaliers d’Angoulême, il a fallu un tour de force. Cela donne une idée de l’importance que le film revêt à leurs yeux. De plus, leur esprit d’à propos et leur gaieté sont d’autres signes de leur investissement envers ce film ! Décidément, en 90 secondes, ce message enregistré aura effacé une bonne partie des appréhensions créées par les difficultés de production.
Rodwell, "executive producer"
Ensuite, Nick Rodwell nous expliqua qu’il pourrait parler pendant des heures du film, mais qu’il préfère que nous lui posions directement nos questions, ainsi qu’à Stephane Perry, comme lui producteur exécutif de The Adventures of Tintin : Secret of the Unicorn, le premier épisode de la saga produite par Spielberg et Jackson. Une façon très habile d’éviter d’en dire trop, tout en sondant les attentes de la presse et du public.
Peu de nouvelles informations seront dévoilées sur ce film 3D réalisé en Motion Capture, mais nous avons eu la confirmation de la présence de Gad Elmaleh au générique du film, dans un rôle encore tenu secret (Milou ?), ainsi que de Jamie Bell pour Tintin, et le médiatique Daniel Craig, alias James Bond, pour interpréter Rackham le Rouge. D’autres acteurs sont également confirmés, à savoir Andy Serkis, Simon Pegg, Nick Frost, Toby Jones et Mackenzie Crook.
Bien entendu, les producteurs ont rassuré les fans du reporter : l’esprit des albums d’Hergé sera préservé, et l’on ne verra pas le jeune homme à la houppe tomber dans les bras de la première venue !
Incroyable : Nick Rodwell attaque Albert Uderzo !
Dans notre article du 14 janvier dernier, intitulé La bataille d’Astérix : une réponse d’Albert Uderzo, un de nos lecteurs avait commenté en ces termes la prolongation des aventures d’Astérix, la comparant, selon lui, aux ventes des aventures du jeune reporter, dont Hergé avait souhaité l’interruption après son décès : « [...] Regardez Tintin : qui lit encore Tintin aujourd’hui parmi la jeune génération ? Peut-être qu’on va me dire "oh si, ça se vend toujours bien". Ok soit. Mais dans 30 ans, parlera-t-on encore de Tintin ???? »
Nick Rodwell fut piqué au vif par cette attaque. Sa tâche cornélienne étant de continuer à faire vivre Tintin sans publier de nouveaux albums, on peut comprendre son emportement. Mais induit en erreur par le titre de l’article, il a attribué cette citation à Albert Uderzo, pourtant totalement étranger à cette critique, ce dernier ayant assez à faire avec ses propres personnages.
Malgré les tentatives d’explications de ses proches collaborateurs dans les heures précédant la conférence, M Rodwell n’en décolérait pas : il souhaitait répondre à cette attaque, et fit donc projeter sur l’écran géant de la salle Nemo, le texte repris ci-dessus, avec ses références à ActuaBD.com. Alors qu’il s’apprêtait à commenter avec gourmandise cette prétendue citation d’Albert Uderzo, on lui fit part de son erreur. Un peu troublé, il jugea la situation « embêtante, non sans dénigrer ActuaBD.com en recommandant la lecture d’un site sérieux sur Tintin comme Tintin.com.
M. Nick Rodwell n’a jamais eu peur du ridicule. Il le confirme une fois encore.
(par Charles-Louis Detournay)
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Photos : © D. Pasamonik.
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