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Cosey : "Chaque trait doit être indispensable"

Par Nicolas Anspach le 30 décembre 2008                      Lien  
Avec « Elle », le 14e album de "Jonathan", Cosey signe un récit singulier se déroulant en Birmanie. En attendant l’un de ses amis coincé dans un hôpital, Jonathan reprend son journal et réfléchit sur sa relation avec les femmes et sur sa spiritualité. Un album axé plus sur la réflexion, sur le temps présent que sur l’aventure. Cosey nous explique ses choix narratifs.

Cosey : "Chaque trait doit être indispensable"Pourquoi publier aujourd’hui le quatorzième album de Jonathan, « Elle – Dix mille Lucioles » ?

Il m’a fallu sept ans pour retrouver l’envie de dessiner et de raconter à nouveau une aventure de Jonathan. Je veux éviter de me lasser avec cette série. C’est pour cela que je laisse l’envie revenir pour m’y remettre. A l’origine, Jonathan était destiné à n’être qu’un one-shot. Lorsque j’ai terminé le premier tome, le rédacteur en chef du journal de Tintin m’a dit qu’il attendait la deuxième histoire. Il a eu raison ! Je suis aujourd’hui heureux d’avoir publié quatorze albums ! Mais je ne veux plus rentrer dans un moule, et être contraint à une production systématique. Le prochain album de Jonathan sortira dans deux ans … ou dans vingt ans !

« Jonathan » est votre œuvre la plus intimiste, et celle qui vous ressemble le plus. Cet album n’est-il pas le plus introspectif de la série. Vous y parlez de la vie amoureuse de votre personnage, de ses réflexions philosophiques et spirituelles, etc.

Le plus introspectif ? Peut-être. Mais ce n’est pas tellement original. Beaucoup de personnes s’interrogent sur ce sujet. Allez dans une librairie, et observez le rayon des livres sur les voyages, sur la spiritualité, sur la musique. Vous y verrez beaucoup de monde. Je préfère parler de cela plutôt que de guerres inter-galactiques, de sauts dans l’espace-temps ou de complots mondiaux. J’apprécie lire ce genre de livres de temps en temps, mais en tant qu’auteur, je n’ai strictement rien à dire sur ces derniers sujets. Pour ce nouvel album, il me semblait plus adapté de raconter l’histoire via le journal de Jonathan.

Extrait du T14 de Jonathan

N’aviez-vous pas peur d’ennuyer vos lecteurs ? Il n’y a pas vraiment d’intrigue dans ce récit …

Si. J’en étais conscient. J’avais prévenu mon éditeur en lui présentant ce projet. « Elle – Dix Mille Lucioles » est un livre rébarbatif et bavard. J’avais déjà utilisé cette technique narrative dans Pieds Nus sous les Rhododendrons et dans Kate. Mais dans ce nouveau livre, je vais plus loin. Je développe vraiment son journal, et Jonathan va même écrire une lettre à son ami dessinateur.

Est-ce vous ? Jonathan le nomme par la lettre « C » …

C’est assez probable ! Lors du lancement du premier tome de la série, j’avais rédigé un texte qui s’intitulait : « Jonathan, tel que je l’ai connu ! ». Tout le monde l’a oublié, mais je vois dans la lettre que Jonathan adresse à « C », une cohérence et une réponse à ce texte.
Ceci dit, je suis certain que cet album fera son chemin, même s’il mettra du temps à s’imposer. Ce n’est pas le plus mauvais de la série !

Vous avez été deux fois en Birmanie. Avez-vous réalisé beaucoup de croquis ?

Moins souvent que des photographies. Lorsque je travaille sur un album, je me base sur mes clichés. Je les utilise à ma façon, comme une prise de note rapide sur laquelle il faut encore travailler. Tout reste à faire …

Vous semblez avoir un côté militant en plaçant souvent des histoires dans des régions opprimées par la dictature…

J’apprécie la culture du Tibet et de la Birmanie. J’aime également les gens qui y habitent. J’éprouve beaucoup de plaisir à parler d’eux. Ces deux pays sont sous le joug d’une dictature destructrice. Le Tibet est train de mourir, et la Birmanie s’étouffe d’elle-même ! C’est par devoir que je mentionne un aspect politique dans les histoires qui abordent ces contrées ! Aujourd’hui, on ne peut pas parler de ces pays sans aborder les tragédies qui s’y passent ! Mais je n’ai pas de message politique à partager. Mon but est de raconter des histoires que j’aimerais lire.

Croquis pour le T14 de Jonathan

Quel est l’état du marché de la BD en Birmanie ?

Je m’y suis rendu en 2007 pour accompagner une exposition itinérante consacrée à la bande dessinée suisse. Nous avons réalisé un petit atelier avec l’Alliance Française à Rangoon pour rencontrer des dessinateurs birmans. La situation est assez originale : il y a une grande consommation de bande dessinée en Birmanie. Ils en lisent beaucoup, sans en acheter ! Ils louent des BD sous la forme de petits fascicules mal imprimés. Elles circulent. Mais la censure est très présente. Certaines planches contiennent des cases blanches. Si, le comité de censure du gouvernement estime que le dessin ne convient pas, il placardera un rectangle blanc sur le dessin incriminé. Ils ne prennent même pas la peine de contacter les auteurs.
Cette forme de censure est moins sournoise que celle que nous, Européens, avons connue, par exemple, à l’après-guerre où les cases étaient retouchées. En Birmanie, tout le monde sait que l’œuvre a été censurée puisque le lecteur voit une case blanche ! Alors que nous, nous ne nous en rendions pas compte ! Les auteurs birmans sont envieux de notre situation, de la qualité de nos livres.

Croquis pour le T14 de JonathanDans ces carnets, Jonathan parle de trois femmes. Pourquoi avoir appelé cette histoire « Elle » ?

Ce titre symbolise la femme idéale, celle dont chaque homme rêve. C’est une étude sur un sujet qui concerne tous les hommes, et qui me passionne depuis que je suis adolescent.

Avez-vous l’impression que votre trait évolue encore ?

Je l’espère. Mon but est d’atteindre la simplicité et la facilité. Avoir un dessin sans complication, et beaucoup plus épuré. J’essaie d’être le plus naturel possible et de ne dessiner que l’essentiel. Il faut que chaque trait soit indispensable, sinon il faut l’éliminer. C’est une théorie à laquelle j’essaie de me plier.

Extrait du T14 de Jonathan

(par Nicolas Anspach)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Cosey sur Actuabd.com, c’est aussi :
- une interview : "C’est sans doute la dernière fois que je dessine le Tibet" (décembre 2006)
- Un dossier sur l’exposition rétrospective de Charleroi (2006)

Et aussi des chroniques d’album :
- Une maison de Frank L. Wright et autres histoires d’amour
- Le Bouddha d’Azur
- Echo

Voir un joli site sur Cosey

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Photographie (c) Nicolas Anspach
Illustrations (c) Cosey, Le Lombard.

 
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