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Cosey troque les cîmes pour les cimaises

Par Thierry Lemaire le 7 novembre 2011                      Lien  
Riche actualité pour Cosey en cette fin 2011. Deux expositions, un nouveau Jonathan (en version classique et en version augmentée) et le recueil des dossiers publiés dans ses intégrales. Le vernissage de l'expo-vente parisienne à la galerie Daniel Maghen fut l'occasion pour poser quelques questions à l'auteur suisse.
Cosey troque les cîmes pour les cimaises
Jonathan, une autobiographie imaginaire en BD

Tant en Belgique qu’en France, on s’arrache Cosey en ce début novembre. A un jour d’écart, la galerie bruxelloise Champaka et son homologue parisienne Daniel Maghen donnaient le coup d’envoi de leur exposition-vente du dessinateur suisse. L’auteur du Bouddha d’Azur étant présent à Paris le 4 novembre, direction donc le Quai des grands Augustins pour assister au vernissage.
Fort heureusement, le choix des planches originales ne se limite pas au dernier album de Jonathan mais couvre une bonne partie de la carrière de Cosey. Quelques pages de Kate, du Voyage en Italie et d’A la recherche de Peter Pan attirent plus que les autres l’œil du fan. Compter 4 à 7000 euros pour acquérir ces concentrés d’émotion.

En parallèle à ces deux expositions, la sortie d’un gros volume hors-série intitulé Jonathan, une autobiographie imaginaire en BD, a de quoi séduire. 192 pages d’entretiens, de photos, d’aquarelles et de documents en tout genre, voila qui n’est pas habituel dans la bibliographie de Cosey. Un livre qui n’intéressera pas les détenteurs des 5 volumes des intégrales de Jonathan, mais devra nécessairement se trouver dans la bédéthèque de tous les autres amateurs du travail du natif de Lausanne. Un passionnant panorama de la série, basé sur des entretiens menés pour l’occasion par Antoine Maurel, qui donne furieusement envie de voir un jour la sortie d’une véritable monographie sur l’auteur de L’espace bleu entre les nuages.
Quant à Atsuko, le nouvel et 15ème album de Jonathan, nous y reviendrons dans quelques jours.

Le hall de la galerie Daniel Maghen, noir de monde
Quelques aquarelles et esquisses sont également en vente

Après plus de 35 ans de carrière, est-ce que vous êtes toujours sensible aux expositions qui vous sont consacrées ?

Oui, bien sûr. Ce qui m’intéresse ici, c’est de voir les planches en noir et blanc. Le noir et blanc favorise le dessin, alors que la couleur favorise la lecture de l’histoire. Et puis je suis content également d’exposer des originaux à la vente. Ça permet d’avoir de l’argent qui rentre, pour faire d’autres voyages. C’est un cercle.

Le livre Jonathan, une autobiographie imaginaire en BD, publié le 21 octobre, est né comment ?

On a sorti les intégrales à partir de 2009 avec des dossiers de 15-20 pages en introduction. Et j’ai dit au Lombard que certains lecteurs, qui avaient la collection classique et qui n’allaient pas racheter les intégrales, seraient certainement intéressés par ces dossiers. Pourquoi ne pas les compiler dans un album ?

C’est une très bonne idée. Et ce que j’ai trouvé très intéressant et très drôle, ce sont tous les petits documents que vous aviez collectés pendant vos voyages qui y sont reproduits.

Moi, j’étais ravi de sortir ça de mes tiroirs. Permis de trekking au Népal, entrée du musée machin, etc. Et puis des esquisses, des aquarelles, et mes propres photos.

Quelques-uns des documents reproduits dans Une autobiographie imaginaire

Et vous, de les revoir, j’imagine que ça a fait ressurgir plein de souvenirs.

En fait, c’est ce qui m’a donné envie de refaire un Jonathan. De faire ces dossiers pour les intégrales, de ressortir ces documents, ça a réveillé Jonathan en moi. Il y avait eu une interruption de sept années et ça m’a donné envie de faire Elle (ou Dix mille lucioles). C’était important pour moi. Et puis je sais qu’en tant que lecteur, j’apprécierais de voir les documents de tel ou tel auteur.

Finalement, on pourrait se demander pourquoi cette passion pour le Tibet ? Pourquoi pas le Népal, à la mode au milieu des années 70 ? Dans le livre, vous racontez que des réfugiés tibétains étaient venus en Suisse à cette époque. C’est l’élément déclencheur ?

Ça a joué un rôle parce que j’ai trouvé ma documentation par l’intermédiaire d’associations qui aidaient ces réfugiés. Et puis le Tibet faisait plus rêver parce que c’était un pays fermé. J’aimais la montagne, les philosophies orientales, et le petit côté inaccessible du pays a fait le reste.

Daniel Maghen, Jean-Christophe Ogier (France-Info), Cosey et André Juillard devant la galerie

A travers le livre et les planches qui sont exposées ici, on voit que votre style a évolué, dès le début et régulièrement au fil des albums. Est-ce que vous pensez que vous évoluez encore aujourd’hui ? Et en quoi ?

J’espère. Je suis en recherche. Je ne sais pas si je trouve, mais je cherche. En fait, il était évident que je devais évoluer. J’ai commencé Jonathan assez tôt et donc mon dessin était trop faible, je débutais. Donc, à mes débuts, ça ne pouvait que progresser. Maintenant, si ça continue éventuellement à progresser, ce n’est pas tellement le dessin d’un point de vue académique, c’est plutôt dans une recherche de simplification, d’aller à l’essentiel. D’être dans l’essence de la bande dessinée qui n’est pas un dessin parfait, très réaliste, selon moi, mais plutôt une évocation. Comme un ovale et deux points peut faire le visage de Tintin. C’est ce dessin très simple, presque idéogramme, que je recherche.

Et vous sentez que vous n’y êtes pas encore ?

Bien sûr que non. Pareil pour le scénario. J’essaye d’évoluer, de sortir des clichés, et je ne suis jamais content. C’est pour ça que je continue ! D’ailleurs, ce qui m’intéresse dans mes voyages, c’est de découvrir la bande dessinée du pays où je suis. En Birmanie ou en Inde par exemple, où je suis allé quatre mois en début d’année. D’une certaine manière, je me sens prisonnier du style franco-belge et j’essaye de m’en dégager.

Une étude poussée de la couverture d’Atsuko

On apprend dans le livre que vous vous êtes inspiré d’une scène de Popaïne et vieux tableaux de Gil Jourdan pour le personnage de Lord Westmacott dans L’espace bleu entre les nuages.

Oui, il y avait ce personnage hors stéréotypes, une crapule qui peut être un collectionneur d’art moderne et en parler avec un enthousiasme que n’aurait pas un spécialiste de la question. Au grand désarroi d’ailleurs de son lieutenant qui ne comprend pas comment on peut aimer ça. Ça m’a aidé pour la genèse du personnage de Westmacott.

D’ailleurs vous citez un certain nombre de personnages ou dessinateurs du journal de Spirou. Comment un enfant de Spirou peut-il être publié dans le Journal de Tintin ? C’est de la haute trahison ! (rires)

Alors, il se trouve que j’ai toujours aimé le Journal de Spirou, prioritairement, et de loin. Mais quand j’ai présenté Jonathan, la majorité des éditeurs a refusé, y compris Dupuis, et c’est le Lombard qui l’a accepté. Voila tout.

L’arrière-salle de la galerie

Vous parlez beaucoup de Gil Jourdan. Quelle influence Tillieux a-t-il eu sur vous ?

Je pense que Gil Jourdan, c’est une des premières BD franco-belges adultes. Les difficultés qu’il a à payer le loyer de l’agence, sa Dauphine qui est une voiture bas de gamme. Il y a une description des quartiers parisiens que je trouve très adulte. Tillieux a été un des premiers auteurs à toucher à la bande dessinée adulte, sous une forme classique et humoristique bien sûr.

Et puis il y aussi la figure de Hugo Pratt.

Oui, pour moi, c’est une révélation. Sa découverte a vraiment été un coup de poing. Je me demande si ce n’était pas dans Pif. Autant le dessin que le scénario. J’étais amoureux de Pandora dans La ballade de la mer salée.

Et vous avez rencontré Pratt ?

Oui, plusieurs fois. Mais quand je le rencontrais, pourtant j’étais déjà professionnel, j’avais l’impression d’être un gamin. J’étais très intimidé parce que je l’admirais et par sa présence. On parlait technique, mais on n’a jamais pu se laisser aller, devenir copain, parce que j’étais trop impressionné. Et je le regrette.

Une file de passionnés pour une séance de signature improvisée
Une planche du Voyage en Italie...
...et une d’A la recherche de Peter Pan
Cosey avec Yves Sente et Marvano à Bruxelles à la Galerie Champaka
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)
Avec Dany à Bruxelles
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

(par Thierry Lemaire)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Photos : (c) Thierry Lemaire

Expositions de Bernard Cosey

- à la Galerie Maghen à Paris du 2 novembre 2011 au 12 novembre 2011.

- à la Galerie Champaka à Bruxelles : Exposition-vente Atsuko
Du 4 au 20 novembre 2011

 
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