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Coyote : "c’était un vrai désir de ma part de faire Litteul Kévin en couleur"

Par Baptiste Gilleron le 16 novembre 2009                      Lien  
Après plus de six ans de pause, le petit Kévin et son entourage de bikers reviennent pour un 8ème tome, dans leur nouvelle tanière qu'est Le Lombard. Ce nouvel album gardant les qualités de ses prédécesseurs apporte toutefois son lot de nouveautés et de révélations, avec notamment l'arrivée de la couleur doublée d'une édition noir et blanc dite "collector". Une occasion rêvée pour questionner son auteur à l'inébranlable franc parler et à la tendresse cachée sous une enveloppe un peu rebelle.

Six ans sans Litteul Kévin, ça vous a manqué ?

Six ans et demi, même. Et non, ça ne manque pas. Enfin si, ça manque de ne pas faire un Litteul Kévin, mais j’ai pas manqué de boulot. Je n’ai pas fait de Litteul Kévin non pas parce que je ne bossais pas mais au contraire, j’ai fait les voisins du 109, les dessous des voisins, un deuxième tome des voisins, 3 tomes de Diego de la S.P.A., donc j’ai fait pas mal de choses, un bouquin Harley Davidson pour fêter les 100 ans d’Harley avec Nikolaz, à quatre mains, on a fait tous les modèles de la gamme depuis le début. Et du coup, voilà, ça a été des années riches quand même et productives, mais malgré tout, il faut refaire du Litteul Kévin. Les histoires étaient pratiquement, si ce n’est écrites, en tout cas déjà imaginées depuis même avant la fin de l’autre bouquin. C’était programmé on va dire, en tout cas dans ma tête, attendu, donc ça a mis un petit peu plus de temps. Mais je pense que le prochain je le ferai dans la foulée. Je vais me jeter dessus à corps perdu. Je vais peut-être refaire les dessous des voisins 2, parce que les textes sont déjà faits et je n’ai que des petits dessins à faire, c’est de l’illustration, c’est pas de la BD parce que la BD c’est long, très long et laborieux.

Coyote : "c'était un vrai désir de ma part de faire Litteul Kévin en couleur"
La couverture de l’édition couleur
© 2009 Coyote - Le Lombard

Mais bref, il est de retour, et six ans et demi ça va, des fois c’est le temps que mettent certains pour faire un bouquin. Je repense à Lidwine, voire d’autres. Ne citons pas les amis, mais des fois six ans, c’est le temps que mettent certains à faire un bouquin en bossant dessus tous les jours. C’est vrai que Litteul Kévin c’est un personnage qui a marqué les esprits mais peut-être qu’on ne peut pas attendre trop longtemps, on ne peut pas attendre dix ans pour faire revenir un gamin qui n’a même pas dix ans, bref. Il est là, il existe. À chaque fois, un album, j’appelle ça mon bébé, sauf que là j’ai eu des jumeaux, des dizygotes, y’en a un qui est en noir et blanc, l’autre en couleur, mais ouais, cette année j’ai eu des jumeaux. Et je les aime tous les deux.

Les voisins du 109, c’était pour faire la transition au Lombard plus en douceur ?

Ah non, non non. Ça s’est trouvé que je quittais Fluide, parce que Fluide Glacial avait changé, Fluide Glacial n’était plus du tout le Fluide que j’avais connu. C’était devenu un journal où je me sentais mal et j’ai quitté le journal en pleurant parce que jamais de ma vie j’aurais imaginé quitter Fluide Glacial un jour. Et même les Voisins à la base étaient nés dans Fluide et devaient sortir chez Fluide. C’est une mauvaise ambiance et une mauvaise conjoncture qui ont fait que je me suis barré et je me suis barré avec mes bébés et avec mes projets. C’est sûr que je ne suis pas parti avec le fond de Litteul Kévin, non, y’a des bébés que j’ai fait avec des gens, je leur laisse la garde des bébés. Et donc voilà, c’était pas vraiment en transition parce qu’il y avait d’autres maisons d’édition qui auraient été intéressées par moi et quelque part mes camarades m’ont poussé, là où j’étais bon soldat mais où je me prenais des balles amies dans le cul. Du coup ils m’ont poussé à devenir mercenaire, je suis devenu mercenaire, je bosse pour moi, pour ma gueule. J’ai filé rencard au patron du Lombard dans une taverne qui s’appelle "la mort subite" à Bruxelles, parce que c’est là que Bob Denard filait rancard à ses mercenaires, c’était un symbole. Mais je me bats pour moi maintenant, et pas pour une maison.

Dans ce huitième tome, on sent parfois que les voisins ont eu une petite influence graphique.

Alors, oui et non. C’est d’ailleurs pour ça que je vais réattaquer Litteul Kévin tant que je suis dans une dynamique. J’ai eu la prétention de croire que je pouvais attaquer les deux séries de front, et donc il y a trois histoires, toi tu les as lues en couleur mais dans le noir et blanc ça se voit un peu plus, justement une ambiance un peu trop clairette. J’ai travaillé le trait comme si j’allais mettre la couleur moi-même comme avec les Voisins. Et j’ai fait trois histoires de Litteul Kévin alors que j’étais encore en train de faire les Voisins, et ça n’allait pas, même si c’est moi, même si c’est mon style y’a quand même deux styles différents. C’est vrai que dans les Voisins j’ai poussé un peu plus le cartoon, la caricature alors que dans Litteul Kévin je suis un petit peu plus « réaliste », et j’ai surtout travaillé la couleur comme si j’allais la faire, donc en supprimant des hachures, des petits volumes faits à l’encre et avec des petits traits, et finalement on s’est aperçu avec le coloriste que j’ai (NDLR : MiKl), d’ailleurs il avait fait des essais sur des vieilles pages de Litteul Kévin, on s’est aperçu qu’il valait mieux que je garde mon style de Litteul Kévin parce que, quand je fais la couleur moi-même, je peux rajouter du noir, des masses de noir, des hachures éventuellement, lui il ne peut pas. Même rajouter du noir ça lui est impossible, il reçoit le fichier noir et blanc et il ne met que de la couleur, il a droit à du gris maximum, quoi. Donc on a rectifié le tir et il a fallu que je retombe dans les travers de mon Litteul Kévin, c’est à dire mon écriture avec ce qu’elle avait de défauts et de lourd, mais finalement c’est comme ça que c’était le mieux.

Coyote fait de la publicité pour ses confrères auteurs
Photo © Baptiste Gilleron

En plus, y’a un truc très très important, les gens peuvent dire que mon trait à changé, etc. Il faut le savoir, j’ai eu des problèmes de papier. Le Schoellershammer, on n’en trouvait plus. Et le Schoellershammer permet une finesse de beaucoup de choses. Les marchands de couleurs nous vendent du Schoeller tout simplement en disant que c’était le même, mais non, c’est pas du tout le même. On ne peut pas gratter, on ne peut pas rectifier, donc du coup, quand j’ai merdé des yeux quelque part à un moment donné, dans ce Litteul Kévin-là il n’y a pas de retouche. Je n’ai pas pu en faire, j’ai pas pu gratter parce que ce papier ne le supporte pas. Et là je viens de retrouver, par le plus grand des hasards et des bonheurs, du Schoellershammer en Belgique justement et du coup ben ouais, ça va être un vrai régal que de retravailler. Ouais, y’a des fois un simple papier différent et tu n’as plus du tout le même plaisir. À un moment donné d’ailleurs j’ai eu un gros problème, l’encre Pelikan aussi à changé. Ouais, faudrait citer les noms de tous ces gens-là qui font du truc merdique à un moment donné, parce qu’ils ont osé changer l’encre Pelikan N°17, la plus basique de toutes. Elle existe toujours, sauf qu’à un moment ils en ont fait une pour les stylographes, sauf qu’ils l’ont laissée dans les même pakagings qu’avant et qu’ils ont juste marqué sur une petite ligne de même pas un millimètre de haut « encre pour stylographe ». Et c’est une encre qui sèche beaucoup moins vite, qui lorsqu’on passe dessus, même quand elle est sèche et qu’on met les mains dessus, elle a tendance à s’effacer. Même mon sous-main avait tendance à faire un gros nuage gris cet été quand j’étais en train de finir Litteul Kévin. J’ai eu un mois en enfer, entre le papier qu’on ne peut pas retoucher, l’encre qui était devenue merdique, bref c’était vraiment l’enfer. J’ai réussi maintenant à trouver quelle encre est la bonne, de toute façon la Pelikan N°17, on ne peut plus l’avoir que dans les petits pots en verre, et les petits pots plastique avec la pipette, attention, méfiez-vous amis dessinateurs, c’est de l’encre pour stylographe. Sûrement qu’un gros con de ponte de chez Pelikan a un super Mont Blanc, je suis sûr que c’est ça à 100%, l’encre de Chine devait sécher dans son stylo, du coup ils ont fait une encre pour stylographe. Ils auraient pu faire un autre packaging, mais non, ils ont mis leur nouvelle encre dans le même packaging, et ça c’est dégueulasse, voilà ! C’était mon coup de gueule du jour.

Et les représentants qui vendent du Schoeller alors que c’est pas du Schoellershammer, je me demande dans quelle mesure c’est pas une contrefaçon. Ça m’est déjà arrivé de me faire baiser dans un Casino ou Carrefour à acheter du « Meerlander » là où je croyais acheter du Leerdammer, il était pas bon pareil, mais le packaging c’est le même, ils avaient juste inversé deux lettres. Donc la contrefaçon existe partout. Moi qui ai les cheveux longs j’aime bien me laver la tête avec du P’tit Dop. « Ne pique pas les yeux, évite les noeuds ! ». Et dans les Casino ils ont supprimé le P’tit Dop pour le remplacer par du Tom & Pilou, même packaging, etc. Sauf que je l’ai acheté et puis j’avais les cheveux tout secs, je comprenais pas. J’ai regardé le petit packaging de près et j’ai lu « ne pique pas les yeux », c’est tout. N’évite pas les nœuds, bordel de merde ! Ouais, les gens sont des voleurs. Ils récupèrent quelque chose qui marche bien, ils en font une pâle copie, la vendent au même prix voire plus cher, non le même prix très souvent, sauf que non, ça n’est pas la même qualité. C’est arrivé avec le Schoellershammer mais là j’en ai enfin retrouvé, le fameux 4G, celui sur lequel Gotlib faisait ses Rubrique-à-Brac, celui sur lequel j’ai fait toutes mes pages de Litteul Kévin sauf le dernier qui est sur du Schoeller merdique. Mais le prochain sera mieux à nouveau.

Page extraite de la version couleur
© 2009 Coyote - Le Lombard

La double édition, avec une version « normale » en couleur et une « collector » en noir et blanc, c’était une façon de contenter à la fois ceux qui vous ont peut-être découvert avec les voisins du 109 et les fans de la première heure qui vous suivaient dans Fluide Glacial, en noir et blanc, donc ?

Mais absolument, tu as raison, c’était vraiment un désir de ma part. Par contre le mot « collector » c’est un truc de la maison d’édition et jamais je n’aurais fait ça, moi. J’aurais jamais dit « collector » à partir du moment où c’est le noir et blanc basique. Je les aurai simplement appelés « le noir et blanc » et « le couleur ». Et oui, j’avais envie de le faire en couleur. Il faudrait respecter les pensées de l’auteur alors ce ne sont pas mes couleurs mais je les ai toutes supervisées. Mais c’était un vrai désir de ma part de faire Litteul Kévin en couleur. Même les derniers, en les faisant je pensais à la couleur, je voyais déjà des couleurs. Mais je sais qu’il y a des passionnés du noir et blanc, des fois j’ai envie de dire les intégristes, on ne va pas citer de nom ni de maison d’édition mais voilà, il y a quelque fois des intégristes, mais je peux comprendre aussi qu’il y ait des esthètes du noir et blanc. Des gens qui, non seulement par habitude, ont besoin de ce petit chemin en plus à faire, c’est-à-dire qu’on a toujours les voix et les musiques à imaginer bien évidemment, mais la couleur il faut l’imaginer aussi et certains préfèrent avoir en tête leurs couleurs sur du noir et blanc que de lire ma couleur à moi. Donc c’était un vrai désir de faire, non pas un collector, mais vraiment un noir et blanc et un couleur. Parce que j’ai envie que les nouvelles générations, qui ne sont pas des gamins aujourd’hui, des gens de ton âge voire plus, qui ont un pouvoir d’achat aujourd’hui parce qu’ils travaillent et qui ont été bercés à la couleur... Même certains des jeunes aujourd’hui, on ne peut pas leur faire regarder Les tontons flingueurs, pourtant si puissant soit-il, ils ne veulent voir que la version colorisée sinon ils s’emmerdent. Je peux comprendre, c’est une histoire de culture. Alors oui, le noir et blanc c’est très beau, mais la couleur ça a du bon aussi. Le premier film qui a été colorisé c’est la vache et le prisonnier d’Henri Verneuil, et pas très très bien fait, mais peu importe. Et Henri Verneuil en était très content de cette version colorisée, parce que lui-même disait « ne pensez pas que j’ai fait le film en noir et blanc par esthétisme, c’est que tout simplement je n’avais pas les moyens de m’acheter du Kodak Color Chrome à l’époque ». Bref. Moi j’ai envie d’être aimé par le plus grand nombre, c’est pas une histoire de faire de la thune ou pas, y’a des gens qui m’ont parlé de chiffres et tout ça, je ne sais même pas à combien il a été tiré. C’est vraiment pas mon problème, ni mon souci. Évidemment que j’ai envie que ça se vende beaucoup, mais je ne suis pas inquiet la-dessus, je ne me suis même pas posé la question. Bien sûr ça ne sera jamais les chiffres de Titeuf mais je fais des bonnes ventes et donc après, arriver déjà à vivre de mon métier, je trouve ça déjà tellement magique. Faire des bouquins que des gens veulent imprimer et que des gens veulent acheter après, j’en suis super content. Et après, que ça soit 50 ou 100 000 peu importe.

Extrait de l’édition couleur
© 2009 Coyote - Le Lombard

Ce tome 8 amène son lot de révélations surprenantes, on peut en parler sans gâcher la surprise ?

Si, si on peut y aller. Le père retrouvé, ça on peut en parler, pourtant c’est la dernière histoire. Mais tu sais je m’amuse souvent à ça. Rappelle-toi le numéro 7, j’ai carrément fait la couverture avec le dernier gag du livre, avec la dernière page, j’ose des choses comme ça. Oser mettre le dernier gag du livre qui clôture la chose pour en faire la couverture ça ne me gêne pas parce que je sais que ce que j’avais fait de développement, tout ça, de toute façon on a envie de le lire, on a envie de savoir. C’est pas comme si pour un film on mettait sur l’affiche « l’assassin, c’est le colonel Moutarde dans la cuisine avec le chandelier ». Donc oui, je peux oser dire que Chacal, le papa de Litteul Kévin, est un ancien de la DDASS et dans la dernière histoire il retrouve son papa. Et donc un nouveau personnage, et de taille. On apprend aussi que sa maman est morte. Bref, là maintenant je ne vais pas tout raconter. Mais, voilà, c’était un besoin qui date déjà d’il y a longtemps. J’avais eu cette idée-là en 2001, une nuit. Je stylote beaucoup pour moi, j’aime bien styloter avec des bic noirs, faire des petits crayonnés au bic pour me faire plaisir ou pour apprendre à dessiner, que sais-je encore, enfin j’adore ça. Et un soir j’étais en train de redessiner un buste de je-ne-sais-plus-qui mais fait par Rodin. Et c’est tout en travaillant ce visage-là que tout d’un coup j’y ai vu apparaître le père de Chacal. J’avais forcé le nez, je me suis dit « tiens, mais ouais, ça pourrait être son père si je faisais un album photo ou quelque chose ». Et dans le même temps j’ai appris qu’il y avait eu la levée du secret sous X à cette même époque-là, donc les gens qui en faisaient la demande évidemment, et parents et enfants, tout d’un coup pouvaient être mis en contact. Et lui qui était de la DDASS je me suis dit, mais voilà, c’est génial. Donc ça date de 2000 ou 2001 déjà et tu vois ça commence déjà à faire un paquet d’années que cette histoire était finalement écrite.

Justement, le père de Chacal va-t-il devenir un personnage récurrent ?

Ah oui, évidemment. Là, on ne va pas tout dire, mais on s’aperçoit qu’il en connait certains au club parce que, ancien de la légion voire même un caïd de la légion, c’était un chef et dans les formateurs, etc, tout simplement un commandant de base, on appelle ça aussi. Et oui, évidemment que cet univers d’hommes et de bikers ça va lui plaire et que, évidemment, maintenant que Litteul Kévin a un nouveau grand-père, parce qu’il en a un autre, le papa de Sophie, on ne l’a jamais encore vu, mais il y a une histoire où on va en parler. Donc oui, évidemment que cet homme-là va devenir récurrent, peut-être pas à chaque histoire non plus, et là j’ai besoin de faire revenir un petit peu plus Litteul Kévin. C’est vrai que, dans ce numéro 8, Litteul Kévin est un peu moins présent, mais j’avais besoin de mettre le phare sur Chacal, son papa. C’était important pour moi, on ne pouvait pas en faire un personnage juste secondaire si c’est lui qui retrouve son papa à la fin. Litteul Kévin est un petit peu le témoin de tout ça, il est un peu le fil conducteur, voilà. Je ne peux pas appeler tout d’un coup une BD « Litteul Chacal » ou « Big Chacal », ou peu importe, ou « Sophie » parce que ça va être elle. C’est comme dans Friends : un coup c’est un épisode avec Ross, un coup c’est un épisode avec un autre, les autres passent derrière mais ils ont moins d’importance. Y’a des épisodes de South Park où le principal personnage, c’est Butters et les autres on ne les voit même plus. Personne ne m’en a fait le reproche en disant « tiens, on ne voit pas trop Litteul kévin », donc c’est très bien. Les gens ont compris, respecté mes envies, mes désirs. Les seuls reproches que j’ai pu avoir c’est que ça manque un peu de moto. Et là je me suis fâché parce que, d’abord je ne fais pas le Joe Bar Team, et d’autre part, ben compte les motos par case, une par une et tu verras qu’il y en a déjà beaucoup plus que dans le tome précédent.

Ce n’est pas non plus un élément central de la série.

Pour beaucoup de gens, si, c’est important, alors que pour moi la moto était vraiment un personnage secondaire voire tertiaire même, juste un moyen de se déplacer. Mais pour des gens c’est important, ce qu’ils aiment dans Litteul Kévin c’est la moto, y’en a d’autres qui aiment les nichons, donc on ne peut pas contenter tout le monde à chaque fois. Ça ne manque pas de moto mais il est vrai que j’aurai pu en faire un petit peu plus. Mais une moto c’est très long à dessiner, même petite à un endroit et de toute façon j’avais peu de temps devant moi. Pour faire mes 35 dernières pages, je n’en avais que 10 de faites, j’ai mis 8 mois, et 8 mois sans prendre un week-end, sans prendre une journée, j’ai fait 240 jours d’affilée de travail. Voilà, c’est comme ça. Mais j’y suis arrivé. J’ai même annulé des invitations en dessous de l’équateur, à Mayotte, à Madagascar et à la Réunion tout ça pour finir l’album. Et là j’ai même plus les moyens de partir en vacances (rires) mais bref, c’est pas grave, j’ai fini cet album qui a pu sortir au bon moment, et ça c’est important.

Coyote en dédicace au festival Quai des bulles
Photo © Baptiste Gilleron

Et la belle-doche, est-ce qu’elle va se rapprocher un peu plus, avoir un peu plus de complicité avec Chacal maintenant qu’on vient d’apprendre quelque chose d’étonnant ?

Je pense qu’il y a déjà eu beaucoup de complicité dans cet album-là et qu’on ne va pas aller plus loin. C’est quand même une belle-mère, et justement il faut que je continue là-dessus. Chacun a des petits carnets sur l’autre avec des petites croix rouges, donc voilà, ça fait 1 à 1, balle au centre finalement. D’ailleurs c’est au moment où ils sont en train de rire ensemble et de se taper dans la main que Sophie dit « ah ça fait plaisir de vous voir ensemble comme ça » et la belle-mère qui dit « mais non, tu plaisantes, enfin, ma chérie ! » et Chacal qui dit « mais oui, tu plaisantes ou quoi, ma chérie ? ». Plus complices, non, par contre, elle est devenue plus humaine maintenant qu’on connait quelques-uns de ses travers, finalement, ça l’a humanisée. Elle n’est pas qu’une grosse conne, une grosse truie méchante. Non non, c’est aussi une femme avec ses faiblesses et ses douleurs, c’est peut-être pour ça qu’elle a besoin de psychotropes et qu’elle a pu essayer alcool, antidépresseurs, bref. Lisez, vous verrez (rires).

Ces révélations sur la belle-mère et le père de Chacal, ça n’était pas aussi une manière de faire un cadeau aux fans qui ont attendu le retour de Litteul Kévin ?

Non, c’est de la pure générosité, mais c’est pas une façon de dire « vous avez attendu », non. Même si j’en fais un d’ici un an, il y aura autant de petits cadeaux comme ça. Pour moi, l’écriture se fait comme un feu d’artifice, que ça soit une rédaction, d’ailleurs, ouais, une rédaction à écrire et un feu d’artifice ça doit être pareil : une introduction, paf, paf, tu fais péter deux gros pétards pour que tout le monde regarde, tu développes dans un premier paragraphe, allez hop, une belle rouge, une belle verte, une belle bleue, il va y avoir tout ça, mais oui. Et puis tu fais des chapitres après, où c’est carrément des petits bouquets, et puis tu finis avec une conclusion qui est un rappel de tout mais puissance 10, ça s’appelle un bouquet final. Et un livre, pour moi, c’est pareil. D’où la nécessité de mettre de temps en temps une belle grande case qui équivaut un petit peu à un bouquet où il y a toutes les couleurs qui pètent, et que ça soit graphiquement, au niveau des couleurs ou même dans l’esprit, dans le ton. Ben j’ai construit ça de la même façon, je ne voulais pas faire arriver le père dès de début, non, je finis avec du happy end mais avec beaucoup d’émotion aussi. Et donc voilà, je construis vraiment l’écriture de mes livres comme des feux d’artifice.

Ça le sera encore plus, je pense, dans les Voisins lorsque je le finirai, parce que là il y a une progression, c’est pas une série, y’a que 3 tomes, donc c’est vraiment un boulot, comment dire ça, heu... Ouais, y’a un concept, une performance, et c’est un joli feu d’artifice, et donc je vais finir avec un putain de bouquet final. Sauf que les Voisins, ça ne va pas être de suite parce que je n’en ai pas les moyens, figurez-vous. Vu que je fais les couleurs à la main et que je suis payé comme un coloriste normal, c’est-à-dire 90 euros la page à peu près, et qu’il me faut trois jours par page, toucher 30 euros par jour pendant 130 jours d’une année c’est pas jouable pour moi en ce moment. Non, j’ai carrément pas les moyens de faire les Voisins. Et puis il y a cette dynamique où je suis avec Litteul Kévin, et là, j’ai l’impression qu’il m’a fallu un album pour me replonger et dans l’univers et dans mon trait, avec ses défauts et d’en faire des qualités. Donc, ouais, je vais continuer de surfer là-dessus et là je réattaque direct Litteul Kévin 9 avec plein de nouvelles choses encore. Bon, on va retrouver encore les anciens, il va y avoir sûrement le mariage de Hulk et Agnès, y’aura sûrement une histoire avec le petit Cacahuète qui est un petit peu schizophrène, et ainsi de suite. Je pense que tout est écrit, en fait, en tout cas dans ma tête. Il faut maintenant que je mette au propre, que je trouve du gag et que je redécoupe, mais la trame, je l’ai.

Page extraite de l’édition noir et blanc
© 2009 Coyote - Le Lombard

(par Baptiste Gilleron)

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30 Messages :
  • Un peu étouffe chrétien cette interview, mais bon, très généreux dans le dessin et dans le verbe le gars, et sincère avec cela, j’ai beaucoup aimé l’anecdote du papier...j’aime bien ces cotés techniques.

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    • Répondu par Baptiste Gilleron le 16 novembre 2009 à  21:25 :

      Coyote est effectivement quelqu’un qui parle très facilement. L’interview est il est vrai assez longue, mais à mon sens l’ensemble de ses réponses méritaient d’être conservées, y compris les anecdotes qui complètent bien le portrait du personnage qu’il est.

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  • du Schoellershammer on en trouve désormais chez Sennelier à Paris, juste à côté de chez Jacques Chirac, sur les quais, face au Louvre...
    Chez Sennelier, on m’a expliqué que plusieurs clients avaient demandé ce papier et comme il n’existait plus, plusieurs marchands de couleurs ont demandé à Schoeller d’en relancer la fabrication...
    Je suis d’accord avec Coyotte, le matériel, c’est important. Aussi important qu’un Stradivarius ou pas pour un violoniste.
    Depuis des années, avec l’arrivée de l’informatique et supermarchés de matériel à dessin, il y a des tas de choses devenues introuvables. Par exemple, la papier pelure Éléphant. Plus pratique que le papier calque...
    Les crayons de couleur Col-Erase Stanford (qui permettent de de construire ses crayonnés sans tout charbonner. les animateurs du dessin animé savent de quoi je parle) ne sont trouvables que dans une seule papeterie à Paris. Autrement, il faut les faire venir du Canada ou des USA... Et je ne parle même pas des gouaches Linel, des encres Écoline, des mines rouge de crayon 0,5 et compagnie, ni des papiers qui sont toujours de la même marque mais dont les procédés de fabrication ont changé. Canson, Schoeller, Moleskine, par exemple... ni des nouveaux produits qui s’avèrent intéressants et qui ne sont pas suivis. Bref, pour des questions de rentabilité évidentes, le matériel pro est devenu quasiment amateur. Juste bon pour les enfants des maternelles, les peintres du dimanche et les cours de dessins pour mamies. Parce qu’il faut toujours vendre au plus grand nombre même...

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  • Ces histoires de shampooing et de fromage étaient passionnantes, merci pour cette interview !

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  • 8 mois sans prendre un week-end, sans prendre une journée, 240 jours d’affilée de travail, pour 35 pages ??? quelque part je me dis que dessiner des BD demande un rendement pire qu’un mineur stakhanoviste !!!

    N’importe quel syndicat hurlerait AU LOUP, devant une telle misère, mais celà
    ne se peut pas :

    « Les “dessineux” de 2009 sont tous bien rangés dans leur enclos, derrière leurs tables, tenus en laisse par quelques maigres saucisses, comme dit C. Montellier sur son blog !

    Crevez !!!

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    • Répondu le 17 novembre 2009 à  17:25 :

      8 mois sans prendre un week-end, sans prendre une journée, 240 jours d’affilée de travail, pour 35 pages ???

      Ce qui ferait 7 jours par page, soit une journée complète par case, soit 8 heures pour une seule case. Où Coyotte est extrémement lent, ou il se fout de vous. Une case demande une heure, deux maximum, pas plus si on travaille vraiment.

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      • Répondu le 17 novembre 2009 à  19:36 :

        Au contraire, plus d’une heure si on travaille vraiment. Par contre, une page de nouvelle BD prend une heure maximum.
        Ou bien vous ne dessinez pas, ou bien vous bâclez.

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        • Répondu le 18 novembre 2009 à  10:02 :

          Un célébre auteur de nouvelles BD avait bien été vu faire plusieurs pages de son futur opus durant un vol Paris Nice :)

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      • Répondu par Dessineux n°354176 le 17 novembre 2009 à  19:54 :

        Si vous saviez vous servir de vos yeux ,vous verriez que "une case" chez Coyote n’équivaut pas à "une case" chez Trondheim , que le travail fourni pour rendre vivant des personnages , équilibrer ses dialogues ,et mille autres choses qui font qu’on peut relire certains albums et pas d’autres ,et bien que tout ça donc ne se torche pas en une heure ,comme vous semblez le rêver...

        Si vous saviez lire ,vous verriez aussi que Coyote s’écrit avec un "t" ...

        Dans la série jugement de valeurs à la noix ("si on travaille vraiment", non mais bonjour la bêtise ), intolérance ,esprit comptable maniaque, et orthographe douteuse ( "où">>"ou" ,"CoyotTe"...),bravo, vous êtes vraiment un bon

        Avec des comme-vous ,ActuaBd c’est mieux que de l’anthropologie.

        Respect.

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        • Répondu le 18 novembre 2009 à  19:04 :

          vous verriez que "une case" chez Coyote n’équivaut pas à "une case" chez Trondheim , que le travail fourni pour rendre vivant des personnages , équilibrer ses dialogues

          Eh oui, chez Trondheim c’est inné de rendre vivants ses personnages et d’équilibrer ses dialogues, ça s’appelle le talent, c’est bien là la différence entre un auteur qui a la grâce et un artisan laborieux (qui n’a jamais su se défaire de ses influences).

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          • Répondu le 19 novembre 2009 à  15:00 :

            Lewis T. est touché par la grace, et Coyote est laborieux sans pouvoir se défaire de ses influences ??? Là, j’avoue qu’il y a du très lourd !!!!!!!!!!!!!!!!

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            • Répondu par LC le 20 novembre 2009 à  15:05 :

              C’est exactement ça. Pour être aussi productif depuis longtemps avec un talent de conteur indéniable, une culture impressionnante, un humour ravageur et un style graphique aussi original, on peut dire que Lewis Trondheim est touché par la grâce.

              Et vous pourrez dire ce que vous voulez, mais Coyote c’est et ça reste jamais que du sous-Maester, avec des héros qui lorgnent toujours autant sur Astérix.

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              • Répondu par 666 FT le 21 novembre 2009 à  08:13 :

                Ah Ah, mais si vous connaissiez le monde des bikers, qui lisent en priorité Coyote, et que vous vous pointez les voir avec par exemple, le greffier noir de lewis T. ( celui qui sert de mascotte à Angougou ) monté sur une Harley tellement crobardée vite et simple qu’on ne sait pas si c’est une production de Milwaukee ou une lessiveuse ...

                ... ils vont vous pendre au premier lampadaire venu :)))))))))

                gardez votre surproduction pour les salons in parigo-intello-bobo-caviar

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      • Répondu par Baptiste Gilleron le 18 novembre 2009 à  02:17 :

        Et pourtant, à ma connaissance, certains auteurs ont effectivement besoin d’une semaine pour réaliser une page. Si tous les dessinateurs pouvaient pondre un album en moins de deux mois (en suivant votre calcul), ça se saurait. Certains en sont capable, mais ils ne doivent représenter qu’un pourcentage très faible dans la BD.

        Sans chercher à défendre Coyote, et ne sachant pas si vous êtes vous-même auteur, cher commentateur anonyme, n’oublions pas qu’il faut prendre en compte différentes étapes de création : le scénario (qui, même si les idées sont claires dans la tête, demande un minimum de travail et de réflexion), l’éventuel storyboard, le crayonné, puis l’encrage.

        Ensuite, tout dépend évidemment de la personne, de son style (un Lewis Trondheim dessinera forcément plus vite qu’un Juanjo Guarnido par exemple), de sa façon de travailler, s’il a d’autres activités en parallèle...

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      • Répondu le 18 novembre 2009 à  06:43 :

        Avec votre calcul minable. Trondheim et Sfar travaillent vraiment et Hergé était un gros fainéant...

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        • Répondu le 18 novembre 2009 à  10:14 :

          Très juste, avec la production la chaine de la nouvelle élite bd, hergé aurait pu nous gratifier de quelques 243 aventures de Tintin

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      • Répondu le 18 novembre 2009 à  08:00 :

        Je connais bcp plus d’auteurs qui passent une semaine, voire plus, par pages,
        qu’une heure par case, une heure par case, soit une planche (++) par jour, ça va pour la BD bobos vite torchée qu’on nous sort à tous les étages, mais pour une BD un peu plus travaillée, les temps de Coyote sont dans les clous.
        Je vois mal Bourgeon, par exemple, attaquer sa page à 8h du mat, et le soir se dire à 18h, yes, j’ai fini une page complète ! Il ferait ainsi sa petite fille du bois caïman en moins de deux mois ???? Avec un peu de persévérance il pourrait produire 6 tomes par an, alors ??????
        Uderzo idem, avec les frères Mebarki et les 6 autres personnes de son studio, produirait un Astérix par trimestre à ce compte là !!

        C’est Tranchant qui avait essayé d’attirer l’attention des pouvoirs publics il y a 4 ou 5 ans sur le fait que le métier d’auteur BD était un des plus mal payé du monde, ( il avait aussitôt reçu une volée de bois vert de la part des auteurs "in" qui font de l’art pour l’art ) et pourtant, en grand connaisseur du milieu BD, il décrivait que ce qu’il voyait ou ressentait dans chaque salons ou dédicaces entre prix des planches à la baisse et surproduction générale entrainant des droits grave à la baisse aussi.

        Si on lit bien l’article d’Actua BD sur Coyote, on voit même qu’après avoir fini son album 8 mois d’affilé sans débander, il a même pas de quoi prendre des congés qui seraient pourtant bien nécessaires. Pourtant c’est un auteur connu
        et Little Kevin a des ventes très correctes.

        Chantal Montellier a raison, métier de con, métier d’esclave, tenus en laisse
        et appatés par de aigres saucisses.

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        • Répondu le 20 novembre 2009 à  16:04 :

          Je vois mal Bourgeon, par exemple, attaquer sa page à 8h du mat, et le soir se dire à 18h, yes, j’ai fini une page complète !

          En revanche, si deux jours plus tard il ne l’a toujours pas finie, ou il passe plus de temps à boire du café, surfer sur le web ou regarder la télé qu’à dessiner, ou (deuxième hypothèse) c’est un bras cassé qui passe plus de temps à gommer qu’à dessiner, dans ce cas il a mal choisi sa profession.

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      • Répondu par éraldur le 18 novembre 2009 à  10:05 :

        Qui se fout de qui ?
        A titre comparatif et pour rester dans le domaine artistique, ( et ce sans chercher à dévaluer le travail de qui que ce soit) il me semble que Jacques-louis David, avec son "serment des Horaces", a du passer légèrement plus de temps sur sa toile, qu’Yves Klein sur son monochrome bleu !
        Qui pourrait prétendre que Klein de fout de la gueule du monde, ou que David était un gros fainéant ?

        Le temps passé à réaliser une case ou une page de BD dépend de la complexité de celle-ci : Point ! Bien malin qui pourra me prouver le contraire !

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        • Répondu par Dessineux 354297 le 18 novembre 2009 à  11:07 :

          Et pourquoi est-ce qu’on ne pourrait pas dire que,SI , Yves Klein se fout du monde, et que ceux qui nous interdisent même d’en débattre arrêtent un peu, et se mettent dans la tête que mettre dans le même panier Rembrandt et Duchamp relève de l’escroquerie, et que ,malgré la "démarche" ,la reflexion , la "rupture" ,la transgression etc, que le second a pu (ou cru) représenter ,admettons juste une fois pour toute que l’on PARLE là D’AUTRE CHOSE !

          Klein ne fait pas le même métier que David , c’est aussi simple que ça ,et les carnets/livres de Sfar accouchés dans les avions n’ont pas à être comparés avec les boulots de Guarnido , Maester , Coyote, Nine ou Barbucci et Canepa...

          Et il ne s’agit pas de dire qu’un tel est plus respectable que tel autre ,s’agit juste de se dire qu’il n’y a pas UNE manière de faire de la bédé...

          Que ceux qui ne voudraient voir aucune tête dépasser se calment un peu : penser en termes de case-finie/heure est juste risible

          (ahhhh...voila c’est dit :o) )

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          • Répondu le 18 novembre 2009 à  17:19 :

            Yves Klein a produit beaucoup moins de BD qu’Hergé. Je ne crois pas qu’il ait passé une heure de sa vie à dessiner une case de BD.
            N’empêche, Yves Klein, il aurait pu faire un super coloriste pour les Schtroumps. Tous ce beau bleu gâché pour rien !!!

            Comparons ce qui est comparable !
            1 page des Petits Riens : 1 heure. 1 page de Litteul Kevin : 7 jours. 1 page de Tintin : 10 jours.
            Yves Klein, les Beatles ou Bocuse... on sort du sujet même si c’est excellent.

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            • Répondu par LC le 19 novembre 2009 à  00:39 :

              1 page de Tintin : 10 jours

              Non, ne dites pas n’importe quoi. De Tintin au pays des soviets au Sceptre d’Ottokar, Hergé publiait 2 pages de Tintin par semaine dans le Petit Vingtième, plus les couv, des pages de Quick et Flupke, de multiples illustrations et travaux de pub. A partir du Crabe aux pinces d’Or et jusqu’aux 7 boules de cristal, c’est un strip quotidien dans le Soir volé. De septembre 41 à septembre 44 ce seront 5 de ses albums majeurs qu’Hergé dessinera, en trois ans seulement (grosso-modo une page tous les 3 jours, et quelles pages !!!). Bref le rythme de Hergé c’était 2 pages par semaine.

              Si vous prenez sa fin de carrière, il y a 8 ans entre Vol 714 pour Sydney et Les Picaros, soit avec les calculs idiots que nous avons ici, 47 jours par page.

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              • Répondu le 19 novembre 2009 à  06:46 :

                Au début, oui, il pouvait aller très vite. Mais plus il avançait, plus il y avait du travail sur 1 page. Donc, 10 jours en moyenne si on compte son travail plus tout le travail du studio.
                Après guerre, 1 page tous les 3 jours à plusieurs... On compte tout le temps passé dessus, la documentation, le découpage, les croquis, les crayonnés, les décors, l’encrage, le lettrage, la couleur... Sinon, je ne vois pas comment il aurait pu pondre une page tous les 3 jours et de ce niveau de qualité.
                Si vous relisez le passage à la fin du livre de Benoît Peeters "Le Monde d’Hergé" où la technique d’Hergé est expliquée, vous verrez que ça tourne grossomodo autour de 10 jours.
                Disney n’a pas dessiné ses films tout seul... Ford ne fabriquait pas ses voitures tout seul.
                Je ne crois pas au génie qui aurait un don et qui au premier coup de crayon arriverait au dessin parfait. Il y a des virtuoses, certes... mais ils ont commencé à travailler très tôt, depuis l’enfance et ils n’ont jamais cessé. Il n’y a pas de mystère, pas de don que du travail. Ceux qui vous diront le contraire sont des mystificateurs ou/et des exploiteurs. Tenir le discours d’une case en une heure et de Hergé qui te pond une page hyper sophistiquée en trois jours, c’est laisser croire que dessiner c’est facile et qu’il est normal que les éditeurs payent une page des queues de cerises. La BD, pour la plupart des dessinateurs qui passent une semaine sur une page, c’est sous payé. Carrément sous payé. Les tarifs de base n’ont presque pas bougé depuis 1972 ! Si on vous donne 350 euros pour pondre une page sur laquelle il y a 70 heures de travail, ça vous fait du 5 euros de l’heure. Et le chiffre que je vous donne correspond à une réalité pour pas mal d’auteurs. Maintenant, ceci explique cela : les tarifs de bases sont faibles et l’alternative est d’adapter la qualité de la page à la rémunération. Si vous dessinez à ce prix là, une page en 8 heures, ça vous fait 43,75 de l’heure. Et la, je parle de tarif brut. Je ne retire pas les charges sociales etc... Et si vous pondez une page en une heure, vous pouvez vous acheter une piscine.

                Coyote n’a pas de Studio et Trondheim n’en n’a pas besoin.

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                • Répondu le 19 novembre 2009 à  09:23 :

                  350 euros pour une page ?????? mais vous êtes très bien payé, la plupart des pages sont achetées bien moins que ça, 250 euros pour mon compte, et malgré des ventes de l’ordre de 25/30000 ex, ça bouge pas ! Et en couleur !
                  Donc soit je me fais grave "en...tuber", soit c’est hélas la généralité de ce travail
                  de misère totale.
                  Alors bien sur, faut pas être con, non plus, à 1000 euros/mois, avant charges, pour 4/5 pages en moyenne, faut pas demander du Michel Ange, on peut aimer son travail, mais l’entubage ayant quand même ses limites, et ben, on sabre dans la qualité autant que faire se peut.

                  Ou alors on adopte une vie de ouf comme un collègue qui a sorti 4 albums en 1 an et demi.

                  J’avais lu que les tarifs avaient pas bougé depuis 1968 ... pas 1972 !
                  preuve que coté revendications tarifaires, le milieu est quand même bien désuni.

                  Répondre à ce message

                  • Répondu par Gloubiboulga le 19 novembre 2009 à  14:12 :

                    250 Euros pour 25/30000 ex vendus. Si je ne me trompe pas, tu touches donc des droits d’auteur... Vu tes ventes, les avances me paraissent plutôt dans le bas de la fourchette. Tu pourrais négocier des avances supérieures.

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                • Répondu le 19 novembre 2009 à  09:33 :

                  « l’alternative est d’adapter la qualité de la page à la rémunération »

                  Si on rapporte ça au prix horaire dans la pub et l’illustration par exemple, ça veut dire qu’il faut tomber sa page complète en 5 ou 6 heures seulement. Tout dépassement de ce temps est égal à perte. les nouveaux auteurs indé ont peut être capté avant tout le monde que devant de tels incohérences de prix bas (genre aumone) pratiqués à la planche, la seule solution était d’accélérer la manoeuvre...
                  et on peut pas franchement leur donner tort AMHA.

                  Répondre à ce message

                  • Répondu le 19 novembre 2009 à  17:06 :

                    On ne peut pas leur donner tort... sauf qu’à long terme, ça fait le jeu de certains éditeurs comme Delcourt et Soleil et que ça pousse à la surproduction. Ce qui est dangereux pour tous. Aussi bien pour les auteurs, que pour les libraires que pour les éditeurs... Il n’y a peut-être que la distribution qui trouve son compte dans ce gaspillage.

                    Le syndicat de la BD m’amuse. Je mets de côté le fait que dedans, il y a des auteurs qui sont aussi directeurs de collection. C’est un peu comme si on était en même temps à la CGT et au MEDEF... Bref... Ils revendiquent des trucs autour des droits audiovisuels... mais la première priorité serait de remonter le tarif de base d’une page ou d’un album... et de mettre au point un barème en fonction du type d’œuvre. On ne peut pas filer la même avance pour une page d’autobiographie dessinée en une heure et pour une page en couleurs dessinée en 7 jours. C’est pareil pour un scénario. Entre un scénrio improvisé pour un bouquin qui prend 4 jours et un scénario réécrit plusieurs fois et qui demande 6 mois de travail, voire plus... on ne peut pas avancer les sommes. Si vous produisez un film comme Le Titanic, vous n’avez pas besoin des mêmes finacements que pour un truc intimiste à la française avec deux acteurs en jean dans une cuisine. En BD, c’est pareil. Les avances doivent être calculées en fonction de l’œuvre à produire pas juste en fonction des ventes. Le pourcentage pour les ventes, c’est un autre couloir.
                    Et là, je vous garantis que les éditeurs comme Soleil, Delcourt et d’autres changeraient d’attitude et que l’offre en librairie changerait rapidement. Peut-être moins de titres mais peut-être aussi un retour d’une BD plus sophistiquée à côté de la Nouvelle qui commence à dater.

                    PS : je touche bien plus de 350 euros par page, heureusement pour moi... mais à côté de ce qu’on me propose pour une pub, c’est peanuts. Mais comme je ne pense pas qu’à ma trogne et que j’aimerais bien qu’un autre avenir soit possible que la BD fast food payée au lance-pierre... bin, parlons clair, parlons fric ! Sans fric, pas de Culture !

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                • Répondu le 19 novembre 2009 à  11:25 :

                  Au début, oui, il pouvait aller très vite.

                  Ce ne sont pas que ses débuts, c’est 13 albums sur 23 qu’il a réalisé à ce rythme, quand il travaillait seul, jusqu’à ses 40 ans.

                  On ne peut juger de son rythme de travail dans le cadre d’un studio de création quand il devient capitaine d’industrie, certains albums étant d’ailleurs bien plus de la main de Bob de Moor que d’Hergé.

                  Répondre à ce message

  • J’aimerai signaler, à ceux qui ont disserté sur mon temps de travail, que pas un n’a parlé de l’écriture de mes histoires... et que écrire aussi ça prend du temps... Essayez...

    Rajoutez à ça...
    - 4 jours de dédicaces à Angoulême,
    - 3 jours de dédicaces à Toulouse, où j’ai même fait des journées de 8 heures de dédicace par jour (pas reposant)
    - plus une journée de dédicace pour la Gay-Pride...
    Rajoutez encore là dessus la couverure de l’album, la 4 de couv, le titre, les dessins du sommaire et du titre intérieur, le chemin de fer... plus toutes les typos et visuels de la campagne de pub...
    Jai aussi trouvé le temps , 2 ou 3 jours, pour recevoir le boss et le directeur de com pour brainstormer sur la campagne de pub... et faire les petits films à moto pour les représentants.
    Puis encore un jour ou deux à recevoir les journaleux et les attachées de presse venus m’interviewer, photos et tout, alors que je n’avais pas fini l’album dont ils allaient parler... et rectifier ensuite les conneries qu’ils avaient pu écrire... encore du temps perdu...
    Les pinailleurs ont aussi oublié que j’ai régulièrement supervisé toute la couleur de l’album, et là encore c’était bcp de temps... et pas payé pour moi... et les prise de tête avec le flasheur, la fabrication... etc etc et j’en oublie...
    BREF (again...)

    Pour finir l’album j’ai même fait 2 nuits blanches la dernière semaine pour livrer à l’heure... et à mon âge, je suis très fier d’arriver encore à faire ce genre d’opération commando.
    Dieu a donné aux grands hommes de faire et a laissé aux autres de juger...(Vauvenargue)

    Si je vous ai dit tout ça ce n’est pas pour faire ma pleureuse ni pour me justifier, vous n’êtes même pas là pour me masser le dos... Malgré tout ce travail j’ai quand-même trouvé le temps de rouler à moto, faire la teuf, en organiser certaines chez moi, quelques nuits de folie aux réveils satisfaits, des murges coups de poignards à la santé, des concerts, des soirées de potes qui mixent... la VIE, quoi... et si certains jours j’ai bossé jusqu’à 14 heures par jour voir plus, j’ai aussi fait des journées de 6heures seulement... (et une journée comatage sur mon canapé... je n’avais carrément plus de force après la dernière Dark Entries, une nuit Goth...)

    En gros, lorsque je dis que j’ai bossé 240 jours d’affilés sans un week-end, c’est vrai, et ce n’est pas pour me faire plaindre mais pour dire aux jeunes qui veulent y arriver qu’il faut bosser, quitte à se faire mal...
    Pas de chef d’oeuvre sans un travail laborieux ni douleur, disait Dali... Les artisans, les artistes et ceux qui bossent dans la restauration me comprendront... Les autres, les éplucheurs, les calculateurs de temps de travail, les petits chefs, les inspecteurs de travaux finis peuvent toujours aller nous dénoncer à leurs syndicats... "Allôôôô... la Kommandantour... mon voisin travaille trop... c’est illégal." et aller se faire foutre ensuite... avec une poignée de gravier...
    Et oui, la crise est là pour tout le monde et les crédits qui courrent aussi... ce n’est facile pour personne, croyez-moi...

    Je ne me plains pas, je dis juste aux grincheux et autres affreux qu’ils feraient mieux de fermer leur claque-merde et d’entendre mes mots comme un message d’espoir... "Si tu peux le rêver tu peux le faire... mais ne sois pas fainéant et n’ai pas peur de te faire mal"... Voilà.
    Une autre grande phrase à la con dont j’ai le secret... de Robert Hossein ce coup-ci, "Le génie c’est 14 heures de travail par jour... le talent c’est de savoir en trouver aux autres"... Je vous laisse disserter là-dessus...............

    Et bonne route à tous, tchô.

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