Six ans sans Litteul Kévin, ça vous a manqué ?
Six ans et demi, même. Et non, ça ne manque pas. Enfin si, ça manque de ne pas faire un Litteul Kévin, mais j’ai pas manqué de boulot. Je n’ai pas fait de Litteul Kévin non pas parce que je ne bossais pas mais au contraire, j’ai fait les voisins du 109, les dessous des voisins, un deuxième tome des voisins, 3 tomes de Diego de la S.P.A., donc j’ai fait pas mal de choses, un bouquin Harley Davidson pour fêter les 100 ans d’Harley avec Nikolaz, à quatre mains, on a fait tous les modèles de la gamme depuis le début. Et du coup, voilà, ça a été des années riches quand même et productives, mais malgré tout, il faut refaire du Litteul Kévin. Les histoires étaient pratiquement, si ce n’est écrites, en tout cas déjà imaginées depuis même avant la fin de l’autre bouquin. C’était programmé on va dire, en tout cas dans ma tête, attendu, donc ça a mis un petit peu plus de temps. Mais je pense que le prochain je le ferai dans la foulée. Je vais me jeter dessus à corps perdu. Je vais peut-être refaire les dessous des voisins 2, parce que les textes sont déjà faits et je n’ai que des petits dessins à faire, c’est de l’illustration, c’est pas de la BD parce que la BD c’est long, très long et laborieux.
Mais bref, il est de retour, et six ans et demi ça va, des fois c’est le temps que mettent certains pour faire un bouquin. Je repense à Lidwine, voire d’autres. Ne citons pas les amis, mais des fois six ans, c’est le temps que mettent certains à faire un bouquin en bossant dessus tous les jours. C’est vrai que Litteul Kévin c’est un personnage qui a marqué les esprits mais peut-être qu’on ne peut pas attendre trop longtemps, on ne peut pas attendre dix ans pour faire revenir un gamin qui n’a même pas dix ans, bref. Il est là, il existe. À chaque fois, un album, j’appelle ça mon bébé, sauf que là j’ai eu des jumeaux, des dizygotes, y’en a un qui est en noir et blanc, l’autre en couleur, mais ouais, cette année j’ai eu des jumeaux. Et je les aime tous les deux.
Les voisins du 109, c’était pour faire la transition au Lombard plus en douceur ?
Ah non, non non. Ça s’est trouvé que je quittais Fluide, parce que Fluide Glacial avait changé, Fluide Glacial n’était plus du tout le Fluide que j’avais connu. C’était devenu un journal où je me sentais mal et j’ai quitté le journal en pleurant parce que jamais de ma vie j’aurais imaginé quitter Fluide Glacial un jour. Et même les Voisins à la base étaient nés dans Fluide et devaient sortir chez Fluide. C’est une mauvaise ambiance et une mauvaise conjoncture qui ont fait que je me suis barré et je me suis barré avec mes bébés et avec mes projets. C’est sûr que je ne suis pas parti avec le fond de Litteul Kévin, non, y’a des bébés que j’ai fait avec des gens, je leur laisse la garde des bébés. Et donc voilà, c’était pas vraiment en transition parce qu’il y avait d’autres maisons d’édition qui auraient été intéressées par moi et quelque part mes camarades m’ont poussé, là où j’étais bon soldat mais où je me prenais des balles amies dans le cul. Du coup ils m’ont poussé à devenir mercenaire, je suis devenu mercenaire, je bosse pour moi, pour ma gueule. J’ai filé rencard au patron du Lombard dans une taverne qui s’appelle "la mort subite" à Bruxelles, parce que c’est là que Bob Denard filait rancard à ses mercenaires, c’était un symbole. Mais je me bats pour moi maintenant, et pas pour une maison.
Dans ce huitième tome, on sent parfois que les voisins ont eu une petite influence graphique.
Alors, oui et non. C’est d’ailleurs pour ça que je vais réattaquer Litteul Kévin tant que je suis dans une dynamique. J’ai eu la prétention de croire que je pouvais attaquer les deux séries de front, et donc il y a trois histoires, toi tu les as lues en couleur mais dans le noir et blanc ça se voit un peu plus, justement une ambiance un peu trop clairette. J’ai travaillé le trait comme si j’allais mettre la couleur moi-même comme avec les Voisins. Et j’ai fait trois histoires de Litteul Kévin alors que j’étais encore en train de faire les Voisins, et ça n’allait pas, même si c’est moi, même si c’est mon style y’a quand même deux styles différents. C’est vrai que dans les Voisins j’ai poussé un peu plus le cartoon, la caricature alors que dans Litteul Kévin je suis un petit peu plus « réaliste », et j’ai surtout travaillé la couleur comme si j’allais la faire, donc en supprimant des hachures, des petits volumes faits à l’encre et avec des petits traits, et finalement on s’est aperçu avec le coloriste que j’ai (NDLR : MiKl), d’ailleurs il avait fait des essais sur des vieilles pages de Litteul Kévin, on s’est aperçu qu’il valait mieux que je garde mon style de Litteul Kévin parce que, quand je fais la couleur moi-même, je peux rajouter du noir, des masses de noir, des hachures éventuellement, lui il ne peut pas. Même rajouter du noir ça lui est impossible, il reçoit le fichier noir et blanc et il ne met que de la couleur, il a droit à du gris maximum, quoi. Donc on a rectifié le tir et il a fallu que je retombe dans les travers de mon Litteul Kévin, c’est à dire mon écriture avec ce qu’elle avait de défauts et de lourd, mais finalement c’est comme ça que c’était le mieux.
En plus, y’a un truc très très important, les gens peuvent dire que mon trait à changé, etc. Il faut le savoir, j’ai eu des problèmes de papier. Le Schoellershammer, on n’en trouvait plus. Et le Schoellershammer permet une finesse de beaucoup de choses. Les marchands de couleurs nous vendent du Schoeller tout simplement en disant que c’était le même, mais non, c’est pas du tout le même. On ne peut pas gratter, on ne peut pas rectifier, donc du coup, quand j’ai merdé des yeux quelque part à un moment donné, dans ce Litteul Kévin-là il n’y a pas de retouche. Je n’ai pas pu en faire, j’ai pas pu gratter parce que ce papier ne le supporte pas. Et là je viens de retrouver, par le plus grand des hasards et des bonheurs, du Schoellershammer en Belgique justement et du coup ben ouais, ça va être un vrai régal que de retravailler. Ouais, y’a des fois un simple papier différent et tu n’as plus du tout le même plaisir. À un moment donné d’ailleurs j’ai eu un gros problème, l’encre Pelikan aussi à changé. Ouais, faudrait citer les noms de tous ces gens-là qui font du truc merdique à un moment donné, parce qu’ils ont osé changer l’encre Pelikan N°17, la plus basique de toutes. Elle existe toujours, sauf qu’à un moment ils en ont fait une pour les stylographes, sauf qu’ils l’ont laissée dans les même pakagings qu’avant et qu’ils ont juste marqué sur une petite ligne de même pas un millimètre de haut « encre pour stylographe ». Et c’est une encre qui sèche beaucoup moins vite, qui lorsqu’on passe dessus, même quand elle est sèche et qu’on met les mains dessus, elle a tendance à s’effacer. Même mon sous-main avait tendance à faire un gros nuage gris cet été quand j’étais en train de finir Litteul Kévin. J’ai eu un mois en enfer, entre le papier qu’on ne peut pas retoucher, l’encre qui était devenue merdique, bref c’était vraiment l’enfer. J’ai réussi maintenant à trouver quelle encre est la bonne, de toute façon la Pelikan N°17, on ne peut plus l’avoir que dans les petits pots en verre, et les petits pots plastique avec la pipette, attention, méfiez-vous amis dessinateurs, c’est de l’encre pour stylographe. Sûrement qu’un gros con de ponte de chez Pelikan a un super Mont Blanc, je suis sûr que c’est ça à 100%, l’encre de Chine devait sécher dans son stylo, du coup ils ont fait une encre pour stylographe. Ils auraient pu faire un autre packaging, mais non, ils ont mis leur nouvelle encre dans le même packaging, et ça c’est dégueulasse, voilà ! C’était mon coup de gueule du jour.
Et les représentants qui vendent du Schoeller alors que c’est pas du Schoellershammer, je me demande dans quelle mesure c’est pas une contrefaçon. Ça m’est déjà arrivé de me faire baiser dans un Casino ou Carrefour à acheter du « Meerlander » là où je croyais acheter du Leerdammer, il était pas bon pareil, mais le packaging c’est le même, ils avaient juste inversé deux lettres. Donc la contrefaçon existe partout. Moi qui ai les cheveux longs j’aime bien me laver la tête avec du P’tit Dop. « Ne pique pas les yeux, évite les noeuds ! ». Et dans les Casino ils ont supprimé le P’tit Dop pour le remplacer par du Tom & Pilou, même packaging, etc. Sauf que je l’ai acheté et puis j’avais les cheveux tout secs, je comprenais pas. J’ai regardé le petit packaging de près et j’ai lu « ne pique pas les yeux », c’est tout. N’évite pas les nœuds, bordel de merde ! Ouais, les gens sont des voleurs. Ils récupèrent quelque chose qui marche bien, ils en font une pâle copie, la vendent au même prix voire plus cher, non le même prix très souvent, sauf que non, ça n’est pas la même qualité. C’est arrivé avec le Schoellershammer mais là j’en ai enfin retrouvé, le fameux 4G, celui sur lequel Gotlib faisait ses Rubrique-à-Brac, celui sur lequel j’ai fait toutes mes pages de Litteul Kévin sauf le dernier qui est sur du Schoeller merdique. Mais le prochain sera mieux à nouveau.
La double édition, avec une version « normale » en couleur et une « collector » en noir et blanc, c’était une façon de contenter à la fois ceux qui vous ont peut-être découvert avec les voisins du 109 et les fans de la première heure qui vous suivaient dans Fluide Glacial, en noir et blanc, donc ?
Mais absolument, tu as raison, c’était vraiment un désir de ma part. Par contre le mot « collector » c’est un truc de la maison d’édition et jamais je n’aurais fait ça, moi. J’aurais jamais dit « collector » à partir du moment où c’est le noir et blanc basique. Je les aurai simplement appelés « le noir et blanc » et « le couleur ». Et oui, j’avais envie de le faire en couleur. Il faudrait respecter les pensées de l’auteur alors ce ne sont pas mes couleurs mais je les ai toutes supervisées. Mais c’était un vrai désir de ma part de faire Litteul Kévin en couleur. Même les derniers, en les faisant je pensais à la couleur, je voyais déjà des couleurs. Mais je sais qu’il y a des passionnés du noir et blanc, des fois j’ai envie de dire les intégristes, on ne va pas citer de nom ni de maison d’édition mais voilà, il y a quelque fois des intégristes, mais je peux comprendre aussi qu’il y ait des esthètes du noir et blanc. Des gens qui, non seulement par habitude, ont besoin de ce petit chemin en plus à faire, c’est-à-dire qu’on a toujours les voix et les musiques à imaginer bien évidemment, mais la couleur il faut l’imaginer aussi et certains préfèrent avoir en tête leurs couleurs sur du noir et blanc que de lire ma couleur à moi. Donc c’était un vrai désir de faire, non pas un collector, mais vraiment un noir et blanc et un couleur. Parce que j’ai envie que les nouvelles générations, qui ne sont pas des gamins aujourd’hui, des gens de ton âge voire plus, qui ont un pouvoir d’achat aujourd’hui parce qu’ils travaillent et qui ont été bercés à la couleur... Même certains des jeunes aujourd’hui, on ne peut pas leur faire regarder Les tontons flingueurs, pourtant si puissant soit-il, ils ne veulent voir que la version colorisée sinon ils s’emmerdent. Je peux comprendre, c’est une histoire de culture. Alors oui, le noir et blanc c’est très beau, mais la couleur ça a du bon aussi. Le premier film qui a été colorisé c’est la vache et le prisonnier d’Henri Verneuil, et pas très très bien fait, mais peu importe. Et Henri Verneuil en était très content de cette version colorisée, parce que lui-même disait « ne pensez pas que j’ai fait le film en noir et blanc par esthétisme, c’est que tout simplement je n’avais pas les moyens de m’acheter du Kodak Color Chrome à l’époque ». Bref. Moi j’ai envie d’être aimé par le plus grand nombre, c’est pas une histoire de faire de la thune ou pas, y’a des gens qui m’ont parlé de chiffres et tout ça, je ne sais même pas à combien il a été tiré. C’est vraiment pas mon problème, ni mon souci. Évidemment que j’ai envie que ça se vende beaucoup, mais je ne suis pas inquiet la-dessus, je ne me suis même pas posé la question. Bien sûr ça ne sera jamais les chiffres de Titeuf mais je fais des bonnes ventes et donc après, arriver déjà à vivre de mon métier, je trouve ça déjà tellement magique. Faire des bouquins que des gens veulent imprimer et que des gens veulent acheter après, j’en suis super content. Et après, que ça soit 50 ou 100 000 peu importe.
Ce tome 8 amène son lot de révélations surprenantes, on peut en parler sans gâcher la surprise ?
Si, si on peut y aller. Le père retrouvé, ça on peut en parler, pourtant c’est la dernière histoire. Mais tu sais je m’amuse souvent à ça. Rappelle-toi le numéro 7, j’ai carrément fait la couverture avec le dernier gag du livre, avec la dernière page, j’ose des choses comme ça. Oser mettre le dernier gag du livre qui clôture la chose pour en faire la couverture ça ne me gêne pas parce que je sais que ce que j’avais fait de développement, tout ça, de toute façon on a envie de le lire, on a envie de savoir. C’est pas comme si pour un film on mettait sur l’affiche « l’assassin, c’est le colonel Moutarde dans la cuisine avec le chandelier ». Donc oui, je peux oser dire que Chacal, le papa de Litteul Kévin, est un ancien de la DDASS et dans la dernière histoire il retrouve son papa. Et donc un nouveau personnage, et de taille. On apprend aussi que sa maman est morte. Bref, là maintenant je ne vais pas tout raconter. Mais, voilà, c’était un besoin qui date déjà d’il y a longtemps. J’avais eu cette idée-là en 2001, une nuit. Je stylote beaucoup pour moi, j’aime bien styloter avec des bic noirs, faire des petits crayonnés au bic pour me faire plaisir ou pour apprendre à dessiner, que sais-je encore, enfin j’adore ça. Et un soir j’étais en train de redessiner un buste de je-ne-sais-plus-qui mais fait par Rodin. Et c’est tout en travaillant ce visage-là que tout d’un coup j’y ai vu apparaître le père de Chacal. J’avais forcé le nez, je me suis dit « tiens, mais ouais, ça pourrait être son père si je faisais un album photo ou quelque chose ». Et dans le même temps j’ai appris qu’il y avait eu la levée du secret sous X à cette même époque-là, donc les gens qui en faisaient la demande évidemment, et parents et enfants, tout d’un coup pouvaient être mis en contact. Et lui qui était de la DDASS je me suis dit, mais voilà, c’est génial. Donc ça date de 2000 ou 2001 déjà et tu vois ça commence déjà à faire un paquet d’années que cette histoire était finalement écrite.
Justement, le père de Chacal va-t-il devenir un personnage récurrent ?
Ah oui, évidemment. Là, on ne va pas tout dire, mais on s’aperçoit qu’il en connait certains au club parce que, ancien de la légion voire même un caïd de la légion, c’était un chef et dans les formateurs, etc, tout simplement un commandant de base, on appelle ça aussi. Et oui, évidemment que cet univers d’hommes et de bikers ça va lui plaire et que, évidemment, maintenant que Litteul Kévin a un nouveau grand-père, parce qu’il en a un autre, le papa de Sophie, on ne l’a jamais encore vu, mais il y a une histoire où on va en parler. Donc oui, évidemment que cet homme-là va devenir récurrent, peut-être pas à chaque histoire non plus, et là j’ai besoin de faire revenir un petit peu plus Litteul Kévin. C’est vrai que, dans ce numéro 8, Litteul Kévin est un peu moins présent, mais j’avais besoin de mettre le phare sur Chacal, son papa. C’était important pour moi, on ne pouvait pas en faire un personnage juste secondaire si c’est lui qui retrouve son papa à la fin. Litteul Kévin est un petit peu le témoin de tout ça, il est un peu le fil conducteur, voilà. Je ne peux pas appeler tout d’un coup une BD « Litteul Chacal » ou « Big Chacal », ou peu importe, ou « Sophie » parce que ça va être elle. C’est comme dans Friends : un coup c’est un épisode avec Ross, un coup c’est un épisode avec un autre, les autres passent derrière mais ils ont moins d’importance. Y’a des épisodes de South Park où le principal personnage, c’est Butters et les autres on ne les voit même plus. Personne ne m’en a fait le reproche en disant « tiens, on ne voit pas trop Litteul kévin », donc c’est très bien. Les gens ont compris, respecté mes envies, mes désirs. Les seuls reproches que j’ai pu avoir c’est que ça manque un peu de moto. Et là je me suis fâché parce que, d’abord je ne fais pas le Joe Bar Team, et d’autre part, ben compte les motos par case, une par une et tu verras qu’il y en a déjà beaucoup plus que dans le tome précédent.
Ce n’est pas non plus un élément central de la série.
Pour beaucoup de gens, si, c’est important, alors que pour moi la moto était vraiment un personnage secondaire voire tertiaire même, juste un moyen de se déplacer. Mais pour des gens c’est important, ce qu’ils aiment dans Litteul Kévin c’est la moto, y’en a d’autres qui aiment les nichons, donc on ne peut pas contenter tout le monde à chaque fois. Ça ne manque pas de moto mais il est vrai que j’aurai pu en faire un petit peu plus. Mais une moto c’est très long à dessiner, même petite à un endroit et de toute façon j’avais peu de temps devant moi. Pour faire mes 35 dernières pages, je n’en avais que 10 de faites, j’ai mis 8 mois, et 8 mois sans prendre un week-end, sans prendre une journée, j’ai fait 240 jours d’affilée de travail. Voilà, c’est comme ça. Mais j’y suis arrivé. J’ai même annulé des invitations en dessous de l’équateur, à Mayotte, à Madagascar et à la Réunion tout ça pour finir l’album. Et là j’ai même plus les moyens de partir en vacances (rires) mais bref, c’est pas grave, j’ai fini cet album qui a pu sortir au bon moment, et ça c’est important.
Et la belle-doche, est-ce qu’elle va se rapprocher un peu plus, avoir un peu plus de complicité avec Chacal maintenant qu’on vient d’apprendre quelque chose d’étonnant ?
Je pense qu’il y a déjà eu beaucoup de complicité dans cet album-là et qu’on ne va pas aller plus loin. C’est quand même une belle-mère, et justement il faut que je continue là-dessus. Chacun a des petits carnets sur l’autre avec des petites croix rouges, donc voilà, ça fait 1 à 1, balle au centre finalement. D’ailleurs c’est au moment où ils sont en train de rire ensemble et de se taper dans la main que Sophie dit « ah ça fait plaisir de vous voir ensemble comme ça » et la belle-mère qui dit « mais non, tu plaisantes, enfin, ma chérie ! » et Chacal qui dit « mais oui, tu plaisantes ou quoi, ma chérie ? ». Plus complices, non, par contre, elle est devenue plus humaine maintenant qu’on connait quelques-uns de ses travers, finalement, ça l’a humanisée. Elle n’est pas qu’une grosse conne, une grosse truie méchante. Non non, c’est aussi une femme avec ses faiblesses et ses douleurs, c’est peut-être pour ça qu’elle a besoin de psychotropes et qu’elle a pu essayer alcool, antidépresseurs, bref. Lisez, vous verrez (rires).
Ces révélations sur la belle-mère et le père de Chacal, ça n’était pas aussi une manière de faire un cadeau aux fans qui ont attendu le retour de Litteul Kévin ?
Non, c’est de la pure générosité, mais c’est pas une façon de dire « vous avez attendu », non. Même si j’en fais un d’ici un an, il y aura autant de petits cadeaux comme ça. Pour moi, l’écriture se fait comme un feu d’artifice, que ça soit une rédaction, d’ailleurs, ouais, une rédaction à écrire et un feu d’artifice ça doit être pareil : une introduction, paf, paf, tu fais péter deux gros pétards pour que tout le monde regarde, tu développes dans un premier paragraphe, allez hop, une belle rouge, une belle verte, une belle bleue, il va y avoir tout ça, mais oui. Et puis tu fais des chapitres après, où c’est carrément des petits bouquets, et puis tu finis avec une conclusion qui est un rappel de tout mais puissance 10, ça s’appelle un bouquet final. Et un livre, pour moi, c’est pareil. D’où la nécessité de mettre de temps en temps une belle grande case qui équivaut un petit peu à un bouquet où il y a toutes les couleurs qui pètent, et que ça soit graphiquement, au niveau des couleurs ou même dans l’esprit, dans le ton. Ben j’ai construit ça de la même façon, je ne voulais pas faire arriver le père dès de début, non, je finis avec du happy end mais avec beaucoup d’émotion aussi. Et donc voilà, je construis vraiment l’écriture de mes livres comme des feux d’artifice.
Ça le sera encore plus, je pense, dans les Voisins lorsque je le finirai, parce que là il y a une progression, c’est pas une série, y’a que 3 tomes, donc c’est vraiment un boulot, comment dire ça, heu... Ouais, y’a un concept, une performance, et c’est un joli feu d’artifice, et donc je vais finir avec un putain de bouquet final. Sauf que les Voisins, ça ne va pas être de suite parce que je n’en ai pas les moyens, figurez-vous. Vu que je fais les couleurs à la main et que je suis payé comme un coloriste normal, c’est-à-dire 90 euros la page à peu près, et qu’il me faut trois jours par page, toucher 30 euros par jour pendant 130 jours d’une année c’est pas jouable pour moi en ce moment. Non, j’ai carrément pas les moyens de faire les Voisins. Et puis il y a cette dynamique où je suis avec Litteul Kévin, et là, j’ai l’impression qu’il m’a fallu un album pour me replonger et dans l’univers et dans mon trait, avec ses défauts et d’en faire des qualités. Donc, ouais, je vais continuer de surfer là-dessus et là je réattaque direct Litteul Kévin 9 avec plein de nouvelles choses encore. Bon, on va retrouver encore les anciens, il va y avoir sûrement le mariage de Hulk et Agnès, y’aura sûrement une histoire avec le petit Cacahuète qui est un petit peu schizophrène, et ainsi de suite. Je pense que tout est écrit, en fait, en tout cas dans ma tête. Il faut maintenant que je mette au propre, que je trouve du gag et que je redécoupe, mais la trame, je l’ai.
(par Baptiste Gilleron)
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Voir aussi l’interview de Coyote à propos des voisins du 109
Photo en médaillon © Baptiste Gilleron
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