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Création mondiale de la pièce de théâtre « The Building » à Angoulême : une adaptation entre indigence et mépris.

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 26 janvier 2004                      Lien  
{The Building}, la pièce adaptée pour la scène par Pascal Dubois et la compagnie Le Sablier est tirée d'un petit volume de Will Eisner au titre éponyme. Cette idée est a priori excellente, tant le travail d'Eisner procède de l'écriture dramatique. Hélas, à cause d'une adaptation indigente et prétentieuse, mais aussi par un manque évident du respect de l'œuvre qui confine au déni, cette tentative se solde par un échec.

La transposition d’une oeuvre dans un autre média est toujours un exercice périlleux. Pourtant, avec Eisner, on partait sur un terrain favorable. L’inventeur du comic-book, présent encore l’année dernière à Angoulême malgré ses 85 ans bien sonnés, est le fils d’un décorateur de théâtre yiddish. L’exercice aurait dû le flatter. Malheureusement, en basant son travail sur des prémisses à prétention écologique, liant cette œuvre à une opération de réhabilitation d’un quartier d’Angoulême, le chef-d’œuvre du dessinateur américain s’en trouve totalement dénaturé.

Une adaptation transgressive

Imaginez six zozos sur une scène qui gigotent de façon hystérique. Au fond, quatre écrans projettent des séquences filmées en super-8 représentant des décors qui inscrivent le récit qui se passe normalement à New-York dans les années 30 et 40, dans une réalité française contemporaine. Sur la scène, les mots d’Eisner sont chipotés, triturés, réduits à l’état de borborygme. On voit bien que les personnages appartiennent à la BD, mais on cherche en vain le fil rouge. D’autant que la mise en scène multiplie les poses et les effets sans lien avec l’œuvre originale. On se dit que c’est bizarre, que c’est « conceptuel ». On est même prêt à en accepter l’augure. Attendons : laissons le créateur s’exprimer.

« Bonne nuit les petits »

Mais au bout de vingt minutes, on sent bien l’indigence du propos. La salle, pourtant, est quasi-pleine ; le public a sans doute été alléché par l’affiche. Un coup d’œil circulaire pour voir sa réaction. On remarque qu’on n’est pas les seuls figés dans la consternation : la moitié de la rangée qui est à ma droite dort, au sens propre. Normal : pour le festivalier de la BD épuisé par le manque de sommeil, cette pièce où rien ne se passe est l’occasion de piquer du nez. L’effarement est à son comble lorsque, dans l’heure qui suit, la même scène se retrouve répétée plusieurs fois, quasi à l’identique, les acteurs donnant l’impression de jouer en play-back sur la bande-son. Leur jeu est physique, cela ne fait aucun doute. La mise en scène louche vers la danse contemporaine. Mais on cherche en vain l’esprit d’Eisner dans ce travail. On reconnaît même la voix du créateur du Spirit intégrée dans le fond sonore. Mais les efforts ont beau se surajouter, la pièce se complaît dans la médiocrité.

Création mondiale de la pièce de théâtre « The Building » à Angoulême : une adaptation entre indigence et mépris.
The Building à Angoulême
Une adaptation qui ne rend pas justice à Will Eisner.

Pour la première adaptation d’une BD ambitieuse, c’est raté, archi raté. On sort déçu, atterré. Heureusement, à l’entrée, avec le ticket, un album nous était offert. Publié chez Rackham, c’est du Eisner authentique. On n’est pas venu pour rien.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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Selon nos renseignements, Will Eisner n’aurait donné son autorisation que pour 5 représentations. 4 ont eu lieu ce week-end à Angoulême. La cinquième reste à venir.

 
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3 Messages :
  • Un point tout à fait positif dans cette pièce : nous avoir offert l’occasion de piquer un roupillon au chaud, pendant une centaine de minutes ! Vu le coup de l’hébergement pendant le FIBD, c’est presque valable...

    Quant à la phrase de Will Eisner répétée pendant tout la pièce, on aurait aimé qu’au moins elle soit traduite quelque part. Visiblement être explicite n’est pas le soucis du metteur en scène. Incroyable quand il s’agit d’adapter le bédéaste qui a le plus travaillé sur le language spécifique à la BD...

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    • Répondu par Xavier Mouton-Dubosc le 27 janvier 2004 à  13:55 :

      ATTENTION ! Le fait que Didier se soit endormi pendant une représentation à Angoulême ne signifie pas forcément que le spectacle est mauvais.

      La preuve : il a dormi pendant l’avant-première de Metropolis, mais il l’a encore encensé le mois dernier.

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      • Répondu par Laurent Melikian le 27 janvier 2004 à  19:19 :

        Métropolis, c’est une autre adaptation du Building, ça ? ;-)

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