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Cyborg 009 T16 - Par Shôtarô Ishinomori (Trad. Victoria Tomoko Okada) - Glénat

Par Guillaume Boutet le 17 juillet 2014                      Lien  
Les cyborgs les plus populaires du Japon sont de retour pour une nouvelle fournée d'aventures, aussi variées qu'étonnantes. L'édition de cette œuvre-fleuve du roi du manga, Shôtarô Ishinomori, se poursuit lentement mais sûrement, et dégage toujours autant de charme et de magie, en dépit de son grand âge !

Longtemps occulté en France par l’aura et l’importance historique du « Dieu du manga », Osamu Tezuka, la visibilité de Shôtarô Ishinomori, portant de son côté le titre de « Roi du manga », a évolué depuis quelques années grâce à la publication de plusieurs de ses classiques.

Cependant ne nous le cachons pas : le mangaka ne bénéficie pas dans nos contrées de l’aura du créateur d’Astro Boy, et ses œuvres restent confinées à un public-niche, amateurs de patrimonial. Une situation regrettable tant son travail, par sa richesse, son inventivité et son humanisme, n’a pas à rougir devant celui du maître, et relève également d’une importance historique de premier ordre.

Classique fondateur des récits shônen [1] mettant en scène des groupes de héros, la publication de Cyborg 009 s’étala sur près de 20 ans, de 1964 à 1981. Shôtarô Ishinomori travailla sur la série de façon discontinue et cyclique, l’arrêtant plusieurs fois, mais finissant toujours par y revenir – souvent à la demande de ses éditeurs, en raison de l’immense popularité du titre.

Cyborg 009 se trouve ainsi découpée en une dizaine de périodes, publiées chez presque autant d’éditeurs différents ! Il n’y a pas d’intrigue globale, même s’il existe une organisation criminelle récurrente, Black Ghost, contre laquelle luttent les cyborgs.

Cyborg 009 T16 - Par Shôtarô Ishinomori (Trad. Victoria Tomoko Okada) - Glénat
Une scène classique : les cyborgs affrontant Black Ghost
Cyborg 009 © Shôtarô Ishinomori / Éditions Glénat

La structure du récit se présente sous forme d’histoires à la longueur variable, d’une dizaine à plusieurs centaines de pages. Elles font intervenir deux ou trois héros à chaque fois, voire l’intégralité du groupe [2], selon qu’il s’agisse d’une petite histoire ou d’une grande aventure.

Ce seizième tome, sur un total de vingt-cinq, illustre parfaitement cette variété d’intrigues et de situations : une longue histoire de plus d’une centaine de pages, complétée de cinq récits courts.

Le récit principal entraîne nos héros dans une cité avant-gardiste, entièrement contrôlée par un ordinateur omnipotent. Après avoir protégé cette ville du futur d’une attaque de Black Ghost, les cyborgs sont pris pour cible par le fameux ordinateur. Incapable de comprendre les raisons de cette hostilité, Joe et se amis devront se résoudre à considérer cette machine comme un être sensible pour enfin avoir la réponse à cette énigme.

Concernant les histoires courtes : il est question d’un faux monstre des neiges qui terrorise un village montagnard ; de l’enlèvement d’un bébé par une femme ayant perdu son enfant ; d’une leçon « cruelle » que donne Françoise à une jeune sportive qui a perdu toute combativité ; d’une bande de chercheurs d’or qui saccagent et massacrent faune et flore ; et enfin des dernières volontés d’un père qui donne ses yeux à son fils aveugle.

Un père désirant protéger son fils et qui s’est égaré en chemin...
Cyborg 009 © Shôtarô Ishinomori / Éditions Glénat

Des histoires simples mais qui frapperont le lecteur par leur côté mélancolique ou tragique, car il s’agit souvent de drames, qui ne finissent pas forcément bien. Sans doute parce que Cyborg 009 a accompagné Shôtarô Ishinomori une bonne partie de sa carrière, et a suivi son évolution. Plus nous avançons dans ces recueils, et plus les aventures de Joe et de ses amis apparaissent désenchantées et pessimistes. Les inventions les plus formidables se trouvent systématiquement perverties, et l’envie, l’argent ou la colère corrompent même le cœur de ceux qui ont pourtant tout pour être heureux.

Côté dessin, le style est simple. La composition des pages, en particulier des doubles, apporte une vraie dynamique au récit. Dans ce volume en particulier, notons une « double-double » page mettant en scène une double renaissance assez folle, ainsi qu’un effet-miroir lors d’une rencontre devant une étendue d’eau... très étonnante !

L’ombre de la mort n’est jamais loin dans le manga
Cyborg 009 © Shôtarô Ishinomori / Éditions Glénat

D’un récit d’action, reprenant les angoisses de conflit total de l’époque -nous sommes, lors de sa conception, en pleine Guerre Froide- Shôtarô Ishinomori a glissé progressivement avec Cyborg 009 vers des drames plus humains, plus intimes, intégrant des préoccupations nouvelles, écologiques ou spirituelles. Et même si certaines d’entre elles restent indéniablement liées à l’époque de publication du manga, le talent du mangaka confère à l’ensemble un ton universel et intemporel qui en fait une lecture qui a très bien vieilli et qui vous est vivement conseillée !

(par Guillaume Boutet)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Cyborg 009 T16. Par Shôtarô Ishinomori. Traduction Victoria Tomoko Okada. Glénat Manga, Collection "Vintage". Sortie le 25 juin 2014. 288 pages. 15,50 euros.

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- Lire la chronique du tome 1 de la série

Concernant les autres œuvres de Shôtarô Ishinomori :
- Lire la chronique de Kamen Rider
- Lire la chronique du tome 1 de Sabu & Ichi

[1Désigne un type de manga dont la cible éditoriale sont les adolescents.

[2Les héros cyborgs de la série sont au nombre de neuf, représentant chacun un pays :
- 001 : Ivan Whisk (Russie) : un bébé doté de nombreux pouvoirs psychiques,
- 002 : Jet Link (États-Unis) : ex-chef de gang possédant la capacité de voler,
- 003 : Françoise Arnoul (France) : une jeune fille aux sens hyper développés,
- 004 : Albert Heinrich (RDA) : dont le corps abrite de nombreuses armes,
- 005 : Geronimo Jr (États-Unis) : un Amérindien à la force sans égale,
- 006 : Chang Changku (Chine) : un cuisinier capable de cracher du feu,
- 007 : Great Britain (Royaume-Uni) : un acteur pouvant revêtir n’importe quelle apparence,
- 008 : Pyunma (pays africain non identifié) : spécialiste des opérations sous-marines,
- 009 : Joe Shimamura (Japon) : un jeune orphelin possédant un accélérateur qui fait de lui le plus redoutable des neuf cyborgs.
Nous pouvons ajouter à ce casting, le professeur Gilmore, savant de génie et ami des cyborgs.

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