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D’intégrale en intégrale...

Par Patrick Albray le 19 septembre 2003                      Lien  
Les rééditions d'œuvres populaires de la bande dessinée sous la forme d'albums "omnibus" ou d'intégrales permet de relancer l'intérêt des lecteurs. Souvent avec peu de moyens rédactionnels ou iconographiques, malheureusement. Ces rééditions passent souvent inaperçues. Dommage, car on y trouve parfois des trésors.

Et la réédition du premier cycle de "Pin-Up" en est incontestablement un. Car ces trois albums fondateurs sont aussi les meilleurs. Le coktail d’érotisme, de peinture au vitriol de la société américaine et de quelques-une de ses représentants, et d’événements historiques bien réels, était d’une force telle que cette série fut très vite associée du galvaudé qualificatif de "culte". Ici, il était amplement mérité, même si l’obligation de produire un album par année allait par la suite en diminuer la force.

Ces trois premiers titres, "Remember Pearl Harbor", "Poison Ivy" et "Flying Dottie", installèrent le mythe de la belle Poison Ivy, alias Pin-Up, obligée pour survivre durant la seconde guerre mondiale, de poser nue pour un célèbre dessinateur de bande dessinée, Milton (dont - ce n’est pas un hasard - le trait ressemble comme deux gouttes d’eau à celui du grand Milton Caniff). Alors que son amant s’embourbait dans le Pacifique, où il allait y perdre la vue, elle devient une pin-up adulée par les G.I. Déchaînant les passions, mais transformant en même temps sa vie en cauchemar.

Sur cette trame, Yann bâtit les meilleurs récits de sa carrière et fut enfin reconnu comme un grand scénariste romanesque (ql avait déjà signé, il faut le rappeler, les deux premiers tomes de "Sambre), maîtrisant à la fois l’art du découpage, celui du suspense, et des dialogues ciselés. Quant à Berthet, que "Le Privé d’Hollywood" avait déjà installé parmi les maîtres contemporains du dessin réaliste, il montrait de nouvelles facettes de son talent, instillant dans ses cases un érotisme soft et élégant.

Cette intégrale est complétée de quelques strips et "planches du dimanche" de Poison Ivy signées Milton. Hilarantes. Un livre incontournable.

"Le Vagabond des Limbes" a, au milieu des années 70, apporté un souffle d’air frais dans la bande dessinée de science-fiction. D'intégrale en intégrale... Le dessinateur Ribera y illustrait des scénarios de Christian Godard mêlant exploration intergalactique, satire féroce de notre société de consommation, humour et tendresse. Beaucoup de tendresse, par le personnage ambigu et attachant de Musky, amoureuse du personnage principal, Axle Munschine, en quête, lui, d’une jeune femme aperçue un jour dans l’un de ses rêves. Du romantisme, de l’érotisme, beaucoup d’aventure,... ont permis à cette excellente série de s’imposer et de durer (elle dépasse aujourd’hui les trente albums). Le tome 3 de sa réédition intégrale reprend "La guerre des Bonkes", le superbe "Pour trois graines d’éternité" et "Le labyrinthe virginal". On regrette que les quatre misérables pages de complément se limitent à la bibliothèque idéale de Christian Godard. Si ce n’est pas inintéressant, cela ne pouvait-il être complété de documents de travail pour la réalisation de ces différents titres ? Avec une série d’une telle richesse, il est dommage de ne trouver que des compléments aussi pauvres.

Bob Morane fête cette année ses cinquante ans en littérature populaire, mais cela ne fait "que" 44 ans qu’on le retrouve en bande dessinée.
D’abord illustré par Dino Attanasio, dans de premiers albums très marquants, puis par Forton, et enfin par William Vance, qui jeta l’éponge au profit de son beau-frère Coria. C’est lui qui tient les rènes de la série depuis 1979, ce qui n’est pas forcément une bonne nouvelle, le dessinateur multipliant maladresses et erreurs de dessin. Ce treizième tome, qu’il dessine intégralement, n’intéressera donc que les nostalgiques des romans de leur enfance. Il reprend "L’arbre de l’Eden", "L’anneau de Salomon" et "Le pharaon de Venise". Les titres étaient bons, eux...

Les Editions du Lombard poursuivent également à toute allure la réédition de l’énorme saga de Chick Bill et Kid Ordinn, par l’adorable Tibet. Le 17e tome exhume quatre récits, "Les deux visages de Kid Ordinn", "L’âne à Lana", "L’ami noir", "Le persan à sornettes", dont les titres annoncent déjà qu’il ne faut pas prendre au sérieux leur contenu. Tibet d’y amuse comme un petit fou, menant le lecteur par le bout du gag tout au long d’intrigues qui, depuis belle lurette, ont relégué le trop propre Chick Bill au rand de faire-valoir des deux véritables personnalités de la série, Kid Ordinn et Dog Bull. Un humour bon-enfant qui fait plaisir à lire. Le cahier de compléments est basé sur quelques caricatures de potes de Tibet. On aurait aimé, à la place, des planches de la première version de "Les deux visages de Kid Ordinn", qui avait été dessinée en 1956 et complètement redessinée en 1992 dans "Hello BD".

La référence en matière de western reste malgré tout Lucky Luke, du génial Goscinny, dont l’intégrale se partage entre Dupuis, Dargaud et Lucky Comics (reprenant les anciens titres parus sous label Dargaud).
Le tome 13 de la réédition de cet immense classique reprend trois titres fabuleux : "Ma dalton", "Chasseur de primes", "Le grand duc". Que dire à leur propos qui n’ait déjà été dit ? Plusieurs gags à chaque page, une inventivité sans cesse renouvelée, des personnages qui sont entrés dans la mémoire collective européenne, des dialogues qui sont des morceaux d’anthologie... le duo Morris/Goscinny a fait merveille tout au long de leur collaboration interrompue prématurément par la disparition de René Goscinny. Et le niveau moyen, voire médiocre, des albums qui ont suivi, démontre que le succès de cette série tenait avant tout au talent du scénariste. Le mini-cahier complémentaire reprend quelques caricatures de personnalités célèbres que l’on retrouve dans les planches de Lucky Luke, grossièrement photocopiées et recoloriées hideusement. Triste complément...

Enfin, les 4 As de Craenhals et Chaulet s’offrent également leur petit come-back sous la forme d’une intégrale, un processus bien plus rare chez Casterman que chez ses concurrents. Qui, à l’opposé de ceux-ci, ne tente même pas d’apporter un petit "plus" critique ou iconographique. Les albums sont accolés plic-ploc, sans rien de plus (mais, vu le niveau de certains compléments des concurrents, peut-on vraiment le blâmer ?). Le tome 6 rassemble ainsi trois albums de la fin des années 80 : "Le vaisseau fantôme", "Le diamant bleu" et "Le licorne". "136 pages de lectures saines et passionnantes" pour les enfants, disait-on à l’époque. Mais c’était chez un autre éditeur...
Un slogan qui, pourtant, convient parfaitement à cette série sans prétention autre que d’amuser les plus petits. Les autres seront vite agacés par les personnages-clichés et les gags attendus. A moins que, la nostalgie aidant, ils ne retrouvent la larme aux yeux cette série de leur enfance ?

(par Patrick Albray)

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