La sémantique utilisée ne l’est pas par hasard : C’est Raymond Barre qui lance le mot pour parler des journalistes qui faisaient un commentaire déplaisant au sujet de sa politique. Il a été ensuite repris par le leader du Front National, Jean-Marie Le Pen pour désigner « l’établissement », la classe politique ennemie du FN. On le retrouve dans la prose de Jean-Christophe Menu pour désigner les journalistes-critiques de bande dessinée et l’Association des journalistes et des critiques de bande dessinée, en particulier son secrétaire général, Gilles Ratier, par ailleurs traité de porc dans un courriel. Un terme qui fait un tollé, lequel provoque ensuite la publication de Plates bandes (L’Association), auto-justificatif d’une ligne de politique éditoriale qui a fait long feu et de L’éprouvette, tentative de « revue critique ». Dans Bande Dessinée Magazine publiée par Soleil, j’intitulais ma rubrique, par dérision : « Pendant ce temps-là dans le microcosme ». Les articles les plus marquants, dont les « prolégomènes » font l’historique de cette affaire, ont été repris en recueil dans Critique de la bande dessinée pure (Éditions Berg). C’est dire si le mot est connoté.
En réalité, le Festival a depuis longtemps les journalistes spécialisés en bande dessinée dans sa ligne de mire. Rappelons que l’un des premiers actes du Festival au moment où arrive Benoit Mouchart, alors seulement « conseiller artistique », a été de faire virer la critique de la cérémonie officielle des prix où elle était présente depuis plusieurs décennies. Depuis l’ACBD remet son prix lors d’autres événements.
Il faut comprendre cette phrase comme une flèche contre les commentateurs –dont ActuaBD.com, qui s’intéressent d’un peu trop près aux affaires angoumoisines. Dans ce sens, les responsables du Festival n’ont pas changé de ligne depuis l’époque Thévenet : la presse se doit d’être son auxiliaire, sans esprit critique. Le discours est le même que celui de Lewis Trondheim, lors de son accession à la dignité de Grand Prix : Haro sur la presse et les journalistes spécialisés, qualifiée ici de « microcosme ». Il est vrai qu’il est des journalistes plus crédules…
Malheureusement pour Benoit Mouchart, il doit « continuer à nous parler » : la presse est encore libre en France.
»Embrassons-nous, Folleville ! »
À entendre les discours de dimanche dernier, comme notre collaborateur Thierry Lemaire l’a bien perçu, l’hypocrisie est de mise, tout va bien entre la Ville et le Festival : Embrassons-nous, Folleville !
En réalité, Frédéric Mitterrand lors de la cérémonie de dimanche s’est un peu contredit : Soulignant d’abord qu’il faut donner « plus de moyens » à la BD, il s’est bien gardé d’élargir l’enveloppe du Festival, se contentant de dire que le Ministère de la Culture reconduisait ses subsides.
Autre contradiction visible dans les discours : d’un côté, Benoit Mouchart, s’adressant au maire en lui faisant remarquer que, sur l’affiche du Festival, il était marqué « Angoulême » et pas « FIBD » et qu’il n’était pas question que la manifestation quitte la ville et, d’autre part, le délégué général du Festival, Franck Bondoux qui se montre un brin comminatoire si la ville ne faisait pas les manifestations d’affection qu’il attend s’autorisant une audacieuse comparaison avec le système à l’opacité bien connue du Comité International des Jeux Olympiques. M. Bondoux, longtemps spécialisé dans le sponsoring sportif, rêve sans doute d’installer ses bureaux à Lausanne…
Une collaboration contrainte et forcée
Il est clair que, dans la partie de bras de fer que les organisateurs du Festival ont tenté d’imposer à la ville à la fin de l’année dernière, M. Bondoux n’a pas atteint ses objectifs. Il avait manifesté son désir d’obtenir avec la ville un engagement sur cinq ans et il ne l’a pas obtenu, le maire refiusant de s’engager au-delà d’un an. En outre, il s’est bien gardé de préciser dans quelles conditions il reconduirait sa participation. Ce sera au menu des prochaines semaines.
On entend bien dans le discours de l’édile angoumoisin qu’il entend faire des économies en demandant notamment au Festival d’utiliser au mieux les infrastructures existantes plutôt que de dépenser son argent dans des structures temporaires coûteuses en matériel et en hommes, notamment en gardiennage. En clair, pour prétendre accéder à l’argent public, le festival va devoir nettoyer devant sa porte et optimiser sa collaboration avec les structures locales, notamment avec le Centre International de la Bande Dessinée avec lequel les organisateurs du Festival entretiennent des relations aussi fraîches que le climat de fin janvier.
Tous les acteurs du dossier jouent l’apaisement et réfutent les antagonismes, mais il paraît évident que, dans les prochains mois, le feuilleton continuera, en suscitant des nouveaux commentaires du « microcosme ».
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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