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Dans le secteur déclinant du manga, Taïfu Comics vise les marchés de niche

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) Stéphanie Francqueville le 28 mars 2013                      Lien  
Aujourd'hui, le secteur particulier du manga qu'est le Boy's love est dominé par deux éditeurs : Kaze (qui a racheté Asuka) et Taïfu Comics. Si le premier fait figure de grand de l'édition, en raison de sa proximité avec Shueisha, malgré son arrivée tardive sur le marché, le second doit encore se battre pour marquer sa présence en librairie, secteur en période difficile.
Dans le secteur déclinant du manga, Taïfu Comics vise les marchés de niche
Yves Huchez
Photo : Arnaud Claes.

Nous l’avons vu, le marché du manga (et par conséquent celui de la BD en général) est appelé à se tasser en France en raison de la décroissance des sorties de best-sellers : trois Naruto au lieu de six ont été publiés en 2012, et si, notamment grâce à One Piece, les mangas caracolent en tête des ventes, leurs éditeurs ne pourront plus se contenter de gérer des gros volumes : ils vont devoir se concentrer sur des segments plus petits mais déjà très disputés par les éditeurs moyens et petits qui occupent la place.

Penchons-nous sur l’un des plus petits d’entre eux : Taifu Comics. Né dans le sillage de JapanExpo, ce label fondé en 2004 par Yves Huchez a déjà un catalogue conséquent à son actif, basé sur le Yaoï ou BoysLove, un créneau hyper-pointu destiné au public féminin. Récemment, cette petite entreprise familiale a développé un catalogue Shonen, sous la marque Ototo et fait son entrée dans le domaine du Hentaï, de la BD pornographique interdite aux moins de 18 ans, que le label prend soin de commercialiser sous blister, sous la marque aussi transparente que certains dessous féminins : "hentaï sans interdits".

Jouissant d’un point mort assez bas, que l’éditeur estime à 2500-3000 exemplaires, son marketing est très orienté vers les salons (JapanExpo Villepinte, Marseille, Bruxelles, Cartoonist à Nice, Festival d’Angoulême, Salon du Livre de Paris...) et, prochainement, vers l’Internet, d’où la création de PointManga.com, une librairie en ligne où l’éditeur pourra opérer des ventes directes. La raison de cette orientation commerciale ? La difficulté d’entrer dans les points de vente classiques de librairies où la prime est donnée aux acteurs les plus puissants.

« Un éditeur comme Taïfu / Ototo, encore jeune et donc à la notoriété moindre, n’est pas forcément celui qu’un vendeur choisira de mettre en avant. Ce n’est pas une période facile pour le secteur, nous n’en voulons pas aux libraires de ne pas vouloir prendre de risque avec des nouveautés » précise Guillaume Kapp, chargé de communication de la maison. Mais il faut bien arriver à toucher le public pour vivre.

Guillaume Kapp sur le stand de Taïfu Comics au Salon du Livre de Paris 2013
Photo : D. pasamonik (L’Agence BD)

Une vraie demande de la part des lecteurs

C’est un fait avéré, et pas seulement dans le manga : Il n’est pas évident pour un petit éditeur de communiquer et de placer ses livres dans le commerce. La communication coûte cher et il est souvent difficile de faire face aux plus grandes structures, aux moyens financiers supérieurs. La solution ? Jouer avec les réseaux sociaux et le bouche-à-oreilles. La démarche nécessite une présence accrue auprès des publics, mais permet aussi d’en être plus proche, d’être plus réceptif à la demande des fans.

Depuis septembre 2012, les éditions Taïfu – Ototo ont pris l’initiative d’augmenter leur présence sur les salons de province : «  En parlant directement avec notre public, notamment sur les salons, beaucoup nous ont dit avoir des difficultés à se procurer nos titres en province, aussi bien les nouveautés qui arrivent souvent en retard dans les librairies, que les plus anciens, dont beaucoup sont introuvables. Cela nous a confortés dans l’idée d’ouvrir un site de vente en ligne. » L’idée évoquée en août 2012 prend forme quelques mois plus tard : Pointmanga.com est officiel lancé le 14 février 2013.

Spice Wolf, l’une des séries à succès du label Ototo de Taïfu Comics

L’objectif de ce site tient en 3 points :

- Retrouver d’anciens titres, plus disponibles en librairie ;

- Permettre aux lecteurs de province ou excentrés de se procurer les ouvrages Taïfu ;

- Offrir aux lecteurs belges et suisses des titres au même prix et aux mêmes dates de sorties que la France.

Les frais de port sont de 2 euros et gratuits pour 20 euros d’achat, y compris pour la Belgique et la Suisse, dans un souci d’égalité entre les lecteurs. À noter aussi que pour 3 mangas achetés, un poster est offert ; une offre que Taïfu compte bien perpétuer comme marque de fabrique.

D’autres objectifs de vente

En 2012, Taïfu divise son catalogue : le yaoi reste sous le label connu, tandis que le shonen, le shojo et le seinen passent chez Ototo. Si les lecteurs de Taïfu se tournent facilement vers Ototo, le contraire est moins évident.

L’éditeur a choisi de différencier les genres, mais encore faut-il le faire savoir.
Ce site permettra donc, aussi, de rallier les lecteurs de l’éditeur, quel que soit le genre : « On espère que la renommée de Taïfu va tirer Ototo vers le haut. » nous confie Guillaume Kapp.

Brother X Brother, une série yaoï du catalogue Taïfu Comics

Ce site est aussi l’occasion d’offrir aux lecteurs l’opportunité de découvrir ou redécouvrir les titres de la nouvelle collection des Classiques Taïfu, avant leur sortie en librairie. En effet, bien que disponible depuis le mois de février, celle-ci ne sera définitivement installée en librairie qu’à partir du mois d’avril, soit plus d’une quarantaine de tome au prix de 5,95 euros.

Enfin, initiative intéressante, le site pointmanga sera aussi l’occasion de retrouver des séries aujourd’hui disparues du catalogue : « Nous souhaitons proposer des séries en arrêt de commercialisation ou plus disponibles en librairie, car elles ne fonctionnent pas ou ne sont plus demandées. Plutôt que de les envoyer au pilon, nous avons encore un peu de stock qu’il sera désormais possible de retrouver sur le site pointmanga. »

Guillaume Kapp insiste bien sur le fait que « le site n’a pas été créé dans une volonté de se pénaliser les libraires, mais plutôt comme une possibilité de diversification. Les Parisiens et ceux qui ont des librairies à proximité continueront de s’y rendre. »

Mini-bilan

Plus d’un mois après l’ouverture du site, celui-ci a déjà enregistré près de 200 commandes et la page Facebook comptabilise plus de 300 fans. Les commentaires sur la page Facebook de Pointmanga.com ont tout de suite été très enthousiastes et les retours des clients sont positifs.

Avec un nom aussi évasif mais fédérateur que Pointmanga, le site pourrait bien envisager d’offrir ses services à d’autres éditeurs par la suite. « Pourquoi pas ? selon le chargé de communication de Taïfu. Dans le futur. Mais pour le moment, nous préférons nous concentrer sur nos produits.  »

Mangas pornos "non censurés"

En cohérence avec cette démarche commerciale, l’éditeur de Sucy-en-Brie lance une collection franchement pornographique, à l’instar des spécialistes du genre comme Tabou ou Dynamite. "Nous avions essayé les Hentaï censurés, nous dit Yves Huchez, mais cela ne marchait pas. En revanche, cette collection "non censurée" cartonne."

Là encore, nous nous trouvons sur un produit de niche dont la diffusion en librairie est difficile, en particulier en province. Deux volumes sont d’ores et déjà parus, aux titres, comme il se doit, évocateurs : "My Lovely Bitch" de Amatake Akewo et "How Good was I ?" de Yamatogawa.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

(par Stéphanie Francqueville)

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1 Message :
  • Article intéressant et un peu inattendu ! Pour ma part j’ai réellement découvert cet éditeur il y a peu de temps avec leur label Ototo, et les titres Samidare et Spice and Wolf – qui m’ont plutôt enthousiasmé.

    Pour la question de distribution des titres, je peux sans doute l’illustrer car je rencontre des problèmes à chaque sortie de Spice and Wolf (un peu comme avec Jojo’s et Tonkam) : ne pouvant en ce moment passer en librairie ou chez un grand distributeur, je commande pas mal sur internet (et Amazon), et à chaque fois pour Spice and Wolf, il y a d’important délai de livraison (toujours pas reçu le nouveau). J’ai le temps, je ne suis pas un lecteur pressé qui a besoin d’avoir tout de suite son nouveau volume, mais la mise en place de cette plate-forme m’intéresse car comme vous le signalez, il n’y a pas forcément la même facilité de trouver ces titres !

    Sinon sur le développement des offres niches, cela fait sens pour moi et je reste convaincu (peut-être à tort) que les éditeurs connaissent assez mal leur public, dans le sens où la segmentation du marché n’est pas toujours forcément suivie d’un marketing adapté (le mainstream ça va, mais dès qu’on en sort il est difficile de toujours bien identifier les titres). En ce sens la démarche de Taïfu Comics me semble allez dans le bon sens. Après évidemment ce n’est pas une question facile et personne n’a la réponse toute faite…

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