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Dash Shaw : "Plus j’explore le 9ème art, plus il m’enthousiasme"

Par Arnaud Claes (L’Agence BD) le 30 avril 2009                      Lien  
Son {graphic novel [Bottomless Belly Button->http://www.actuabd.com/Bottomless-Belly-Button-un-nouveau-pave-venu-d-Amerique]} a été l’un des évènements de la bande dessinée indépendante aux États-Unis et en France en 2008. Sélectionné par le festival d’Angoulême, il nous y a parlé de son travail.

Comment définiriez-vous la façon dont vous travaillez ? Elle paraît tournée vers l’expérimentation permanente, aussi bien sur le plan graphique que narratif.

Oui, j’ai toujours aimé les artistes qui ne cherchent pas à créer un produit, une marque, mais quelque chose qui a de la consistance ; les créateurs qui cherchent à apprendre, qui explorent. Ça peut être déroutant pour ceux qui les suivent, car ils sont confrontés à des travaux très différents les uns des autres, mais je pense que c’est plus intéressant sur le plan créatif. Le musicien Matthew Kelly par exemple a fait des choses très variées, travaillé avec différentes personnes… Un réalisateur comme Stanley Kubrick a également travaillé dans des genres très différents : science fiction, horreur… Je respecte beaucoup les gens qui choisissent cette voie.

Vous semblez combiner deux méthodes de travail : une sorte d’écriture automatique, et par ailleurs vous retravaillez les pages après-coup, en ajoutant ou supprimant même certaines scènes : est-ce que l’histoire peut changer en grande partie dans ce processus ?

J’ai une idée de la structure de l’histoire au départ, mais elle change beaucoup en cours de route. En travaillant sur mon webcomic BodyWorld, j’avais des idées précises sur ce qui allait se passer, j’introduisais un personnage pour une raison précise, et ce personnage se révélait plus riche que prévu. Parfois, vous pensez que quelque chose va se produire, et le moment venu vous vous apercevez que ce serait forcer les choses , que le personnage n’est pas prêt ; vous pensez qu’un conflit va se former, et ce n’est finalement pas le cas…

Vous faites aussi des courts métrages, de la musique : est-ce important pour vous de mener ces activités créatives en parallèle les unes des autres ?

J’aime beaucoup faire de l’animation, je vais en faire de plus en plus dans le futur. La musique, c’est quelque chose que je faisais plutôt pour m’amuser avec des amis, quand j’habitais à Richmond, en Virginie. Je ne suis pas un très bon musicien, je ne joue d’ailleurs plus.

Dash Shaw : "Plus j'explore le 9ème art, plus il m'enthousiasme"
Une page de Cartooning Symbolia
(c) Dash Shaw 2005

Une de vos histoires courtes datant de 2005, Cartooning Symbolia, était particulièrement focalisée sur le fonctionnement de la bande dessinée comme médium : comment il fonctionne, comment l’utiliser. Quelles sont vos conclusions à ce stade ?

Je dirais que la bande dessinée continue à m’exciter énormément, je suis frustré de ne pas avoir expérimenté plus encore. J’ai toujours l’impression qu’il me reste énormément à faire, et plus j’explore cet art, plus il m’enthousiasme.

Pouvez-vous nous parler de The Mother’s Mouth, qui va être publié en français chez çà et là sous le titre Virginia ?

C’est un livre que j’ai fait quand j’étais étudiant à la School of Visual Arts de New York. Il est plus expérimental, et je suis heureux qu’il sorte en français, mais je ne crois pas que les gens qui ont aimé Bottomless retrouveront la même chose dans Virginia. J’espère que les gens s’y intéresseront, mais c’est une œuvre de jeunesse un peu étrange. Je viens par ailleurs de terminer BodyWorld, que j’ai publié sur Internet, et qui va être édité en français par Dargaud l’an prochain.

Bottomless et Virginia s’intéressent beaucoup au rapport au passé, pourquoi ?

À l’époque où j’y travaillais, cela m’intéressait beaucoup : lorsque j’ai fait Virginia, j’avais une copine avec qui j’étais déjà sorti au lycée. Je retournais donc régulièrement à Richmond pour voir une fille avec qui j’avais déjà eu une relation, et c’était assez étrange – agréable d’une certaine façon, romantique, mais aussi un peu troublant : quand on quitte le lycée, on voudrait avoir le sentiment de passer à autre chose… C’étaient des idées qui me tournaient dans la tête à l’époque. Bottomless est peut-être un peu moins centré sur le passé, mais c’est vrai que c’était une façon pour moi de travailler sur mon parcours : je suis allé à la SVA, à New York, j’y ai rencontré plein de gens fantastiques, j’étais ami avec d’autres artistes au sein de groupes créatifs, tout le monde avait un style de vie incroyable. Et quand j’ai quitté l’école, je suis retourné à Richmond, je me suis retrouvé à traîner de nouveau dans les endroits où j’avais grandi – comme les personnages dans Bottomless. J’avais une nouvelle fois l’impression de me retrouver coincé dans le passé. Mais je crois que j’ai dépassé ça maintenant, mon travail a beaucoup moins à voir avec le passé.

Dash Shaw dans les salons de l’hôtel de ville d’Angoulême
Photo A. Claes

Il y a d’autres thèmes qui reviennent dans vos livres : les relations humaines, l’engagement, la responsabilité… Est-ce que ce sont des sujets que vous allez continuer à explorer ?

BodyWorld s’intéresse aux relations, mais d’une façon très différente. Il parle de télépathie, mais pas dans le sens de la transmission de pensée, plutôt dans le sens de lire l’autre avec son corps tout entier : par exemple, mon bras va lire votre bras. Et ce sur quoi je travaille aujourd’hui est une énigme policière autour d’un meurtre, je ne crois pas qu’elle parlera de relations.

Vous explorez un nouveau genre ?

Oui : quand j’ai décidé de faire Bottomless, c’était sur l’idée de faire une histoire de famille, alors que ce n’est pas forcément mon truc. C’était donc une expérimentation. BodyWorld, c’était l’idée de faire une histoire SF, alors que là aussi, je ne suis pas un grand fan de SF. Je ne suis pas quelqu’un, comme Paul Pope par exemple, qui va toujours rester dans un univers SF : après BodyWorld, je ne ferai peut-être plus jamais de SF, et ça ne me pose pas de problème.

(par Arnaud Claes (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN :

Propos recueillis à Angoulême le 30 janvier 2009 et traduits de l’anglais par Arnaud Claes

Lire les explications de Dash Shaw sur Bottomless Belly Button

 
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