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Davy Mourier : "Je ne peux pas dessiner de la fiction, car cela m’ennuie"

Par Nicolas Depraeter le 13 juillet 2009                      Lien  
Rencontré durant la Japan Expo 2009, Davy Mourier nous parle de sa toute première bande dessinée. L'occasion pour l'animateur de l'émission Roadstrip, journal d'information sur le monde de la BD de la chaine Nolife, de se tenir de l'autre coté du micro.

Davy Mourier bonjour, vous avez enfin publié votre BD qui était en lecture libre depuis un certain temps sur votre blog, qu’est ce qui vous a permis de le faire ?

Je rêve de faire de la BD depuis toujours, j’ai édité un truc à compte d’auteur en 2000, une BD qui s’appelait L’amour avec un grand A éditée à 1000 exemplaires, j’en ai encore 800 dans mon armoire, parce que je ne savais pas qu’il fallait un numéro ISBN pour le distribuer, un vrai débutant ! Ensuite, j’ai commencé mon blog BD et quand j’ai fini cette histoire il y a trois ans, je suis allé voir les éditeurs qui m’ont dit que ce n’était pas publiable, que c’était bizarre ces photos en arrière-plan, que c’était bien pour internet et uniquement pour Internet, que ca ne se vendrait pas en BD. J’ai donc abandonné l’idée et j’ai fait d’autres choses sur mon blog. Puis, il y a quelques mois de ça, j’ai reçu un email d’une jeune fille me disant qu’elle travaillait dans une nouvelle maison d’édition (éditions Adalie ndlr) et qu’elle aimerait éditer mes bandes dessinées. Mais elle pensait que si je n’étais pas encore édité, c’est parce que je voulais uniquement être sur Internet. Je lui ais répondu : « Mais non, pas du tout ! Au contraire, je veux bien ! »"

Davy Mourier : "Je ne peux pas dessiner de la fiction, car cela m'ennuie"
Davy a de nombreux fans mais le corrompre pour avoir une dedicace n’est pas facile
Photo de Nicolas Depraeter durant la Japan Expo

Est-ce après qu’on vous ait annoncé cette nouvelle que vous avez refait les dessins ou aviez-vous déjà en projet de refaire la BD avant ?

J’avais déjà en tête de refaire Il était une fois... parce que je m’étais rendu compte à la fin de la BD que je dessinais mieux qu’au début, les traits étaient mieux maitrisés.

Pourquoi ce travail avec les photos comme décor de votre histoire ?

Ce sont de vraies photos des endroits ou je suis passé, il y a aussi le vrai billet de train utilisé, la véritable date... L’histoire que je racontee est totalement autobiographique, c’est pour ca qu’au début il y a un mot pour Nolwen, qui était à Béziers en 2006. D’ailleurs pour la version édité de l’album j’ai du refaire les photos du début, celles de la fin étaient bonnes parce que c’est moi qui les avaient prises, mais celles du début non parce qu’a l’époque je faisais ca entre midi et deux sur mon lieu de travail et donc je piquais des photos sur internet. Je ne pouvais pas les garder pour des problèmes évidents de droit donc j’ai rappelé Nolwen et on a refait le même trajet qu’il y a trois ans ensemble pour prendre les photos.

Vous n’êtes donc plus ensemble ?

Eh non, désolé. Je brise le mythe mais j’ai un problème : Je n’arrive pas à rester avec une fille. La fin de la BD montre très bien ce souci.

L’autre face de votre BD : Papa, Maman, une maladie et moi ! qui est une histoire de famille donc, toujours autobiographique ?

En effet j’y raconte l’histoire de mon père qui a eu un problème. Il n’est pas mort, mais il a fallu qu’il passe une coloscopie. On lui avait dit qu’il y avait un risque de cancer. Il ne voulait pas y aller parce qu’il n’aime pas les hôpitaux, il n’aime pas les médecins. C’est un homme, un vrai ! L’histoire c’est donc cette attente, son angoisse, le "qu’est ce qu’on va faire si..." C’est tout cela, mais avec un peu d’humour.

L’avez-vous dessiné avant ou après Il était une fois... ?

Je l’ai fais après avec un style un peu différent, même si je fais encore un personnage qui me représente un peu. Je suis graphiste plus que dessinateur BD. Je sais que je ne suis pas très bon en dessin, mais j’essaie de pallier mes incapacités avec ce que je raconte, ma manière de parler et le graphisme. Il y a ce côté simpliste et attachant qui fait que des gens sur mon blog me disent qu’ils s’y reconnaissent, qu’ils ont vécu la même chose. Des gens m’envoient leurs histoires d’amour, c’est marrant.

Un extrait de Mouarf !
Par Davy Mourier

D’autres projets en prévision ?

Le prochain validé est Mouarf !, la BD blanche et rouge aussi visible sur mon blog. C’est une histoire d’amour qui m’est arrivée et ou je joue avec les codes de la bande dessinée : le personnage peut creuser les cases, il y a des flashbacks... Je raconte ma vie et, en même temps, je joue avec ces codes pour proposer quelque chose d’original. J’aime beaucoup et je suis d’ailleurs en train de préparer Mouarf ! 2 où je continue avec cette idée.

Sinon j’aimerais aussi sortir 41 euros, une série de strips se passant chez un psychanalyste. Mais je veux en faire une BD bien épaisse comprenant les 41 euros, mais aussi des choses de mon blog et d’autres que je vais rajouter car le côté visuel des 41 euros est trop statique : il n’y a que quelques détails qui changent comme la bouche ou les yeux... ce serait lassant. Je vais donc essayer de créer une histoire plus accessible.

Beaucoup de projets donc, mais l’éditrice est contente et les BD partent bien en dédicace, ça a l’air prometteur. La BD n’est disponible que dans les conventions mais bientôt elle sera en vente sur Unternet et à la rentrée dans les librairies. Pour l’instant, je veux faire le maximum de dédicaces. Il y a peu de bandes dessinées vendues qui ne soient pas dédicacées.

En fait c’est vraiment un rêve de gosse qui se réalise. D’ailleurs si je fais une émission sur la bande dessinée sur Nolife, c’est bien parce que j’étais frustré (rires) : "Je peux pas dessiner mais je peux interviewer les gens ! Tant pis, j’irais voir Larcenet et je serais content !"

Un des nombreux strips de 41 euros
Par Davy Mourier

Quelles sont vos influences dans la bande dessinée, vos derniers coups de cœur ?

Personnellement, je suis fan de Larcenet et de Trondheim. Je pense que cela doit se ressentir dans mes créations. Mon scénario prend le pas sur le dessin, mais il ne faut pas non plus que le dessin soit mauvais. Je lis très peu de bandes dessinées où le dessin prend toute la place.

Pour mes derniers coup de cœur il y a Pinocchio de Winshluss qui a eut le premier prix à Angoulême, c’est énorme et j’aime beaucoup. J’ai d’ailleurs interviewé Winshluss et je lui ai dit "Tu vas avoir le premier prix." Et il l’a eu ! Je ne dis pas que c’est grâce à moi, mais ca me paraissait tellement évident que ce serait lui.

J’ai aussi découvert récemment Socrate le Demi-chien, de Sfar et Blain que j’ai vraiment beaucoup aimé.

Envisagez-vous un jour de créer une fiction pour changer des autobiographies ?

Non, je ne peux pas dessiner de la fiction, car cela m’ennuie. Quand je fais de la bande dessinée, j’ai besoin de raconter ma vie, de sortir des choses qui sont enfouies en moi, des choses intimes. La bande dessinée est pour moi une sorte de deuxième psychanalyse.

(par Nicolas Depraeter)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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chronique de l’album

Le blog de Davy Mourier

en médaillon : Davy Mourier, photo de Thomas Berthelon

Par Nicolas Depraeter

 
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7 Messages :
  • Mais, cher Monsieur,
    c’ est toujours de la fiction tout autant que c’ est toujours une interpretation de la réalité.
    Le seul débat qui vaille est celui de la pertinence.

    Répondre à ce message

    • Répondu par Sergio Salma le 13 juillet 2009 à  13:08 :

      Ben non, Davy Mourier ne raconte pas de fiction puisqu’il n’invente pas. Et ce qui sera pertinent pour vous , tombera des mains de votre voisin. Méfiez-vous des certitudes...
      D’autant que vous-même pourrez trouver de l’intérêt à une histoire ( réelle, fictive, fantaisiste, tragique...) qui ne vous aura fait ni chaud ni froid quelques mois ou quelques années plus tôt. Ou au contraire vous aimez des livres que vous délaisserez un peu plus tard.

      L’auteur ici retranscrit ses expériences réelles ; il pourrait romancer ou dévier mais il me semble que son ambition présente est de mettre en scène les choses de sa vie.

      Votre remarque de lecteur est intéressante parce que c’est le contraire qui est vrai ; toutes les bandes dessinées (et les oeuvres artistiques) sont autobiographiques. Vaste débat.

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      • Répondu le 13 juillet 2009 à  17:18 :

        Voilà "retranscrit"
        La retranscription du fait n’ est pas le fait, il s’ agit donc de fiction et de choix.
        Le seul débat qui vaille est donc bien celui de la pertinence.
        Evidemment qu’ elle n’ est pas partagée, le mot débat dit ce qu’il a à dire.
        Mais pour citer Ingres : "... car il vous faudra connaître le sens de l’ art" et on est bien au-delà du " j’aime/ j’ aime pas", cher Monsieur, bien au-delà.
        Bien à vous.

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      • Répondu le 13 juillet 2009 à  20:52 :

        Deuxième réponse, donc, à ce message .
        La transcription du fait n’ est pas le fait. Par ce que l’ on met en avant, ce que l’ on perd à la transcription, on fait oeuvre de fiction.

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        • Répondu par Sergio Salma le 13 juillet 2009 à  21:56 :

          Si vous voulez jouer avec les mots, on sera deux.
          je me réfère simplement à ce que cet auteur répond dans son interview ; il n’invente rien, il ne fait donc pas oeuvre de fiction. La fiction comme son nom l’indique c’est un récit fictif, inventé. Je crois que Mourier joue plus sur le principe du journal intime ; il construit un récit, il retranscrit forcément mais n’amène pas d’histoire autre que ce qu’il a vécu dans la réalité.

          Je pourrais aussi vous amener des camions entiers de citations sur l’art mais là je réagissais à votre commentaire un peu moqueur.

          A ce compte-là, le souvenir d’un fait réel est déjà une fiction puisqu’il est déjà une retranscription ; et déjà à ce stade il aura perdu son authenticité, sa véracité puisque le cerveau va éluder certains détails, en pousser d’autres en avant ; la personne se sera fait une opinion de cet événement et elle mêlera dans sa mémoire, qu’il soit auteur ou pas, les événements et l’idée de ces événements ; on se ment perpétuellement pour diverses raisons ; pour se protéger, pour embellir ou enlaidir le vécu. De ce fait, oui, la fiction naît dès l’instant où le réel est passé ; une seconde après le fait, le fait n’est plus.
          On entre dans l’autre débat qui consiste à affirmer que la réalité n’existe pas. Il y a un million de réalités pour 1 million de personnes.
          Un fait réel vécu par 10 auteurs différents donnera 10 fictions différentes. C’est ce que vous vouliez dire mais en ne tenant pas compte de l’avis de Davy Mourier qui lui, justement, tient à exposer avec le moins de déformation possible ce qui lui est arrivé. Il revendique cette approche .

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          • Répondu le 14 juillet 2009 à  00:23 :

            A ce compte là ..etc...
            Oui absolument.
            C’ est pour cela qu’ il ne faut pas être le chien de sa retranscription mais le maître. C’ est là qu’ en grande part se situe l’ acte artistique, dans le point de vue qui est une forme de fiction.

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          • Répondu le 14 juillet 2009 à  07:20 :

            Les réponses se perdent ? Je répète donc cette fois aussi.
            A partir de " à ce compte là ... etc"... C’ est exactement ça.

            Ainsi une grande partie du travail artistique se situe dans le point de vue de l’ artiste qui sera plus ou moins le chien ou le maître de sa transcription et qui lui permettra de faire oeuvre ou non, mais toujours de fiction.
            Car le moins de déformation possible, là encore ne veut rien dire, la déformation issue du choix de la BD n’ est pas celle issue du choix de la littérature qui n’ est pas celle du cinéma...etc...

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