Très opportunément, le Seuil choisit cette période d’ébullition électorale pour lancer une nouvelle collection destinée à explorer le monde politique et ses intrigues par la narration graphique. Des reportages dessinés, livrés dans un format 21,7X26 cm assez atypique, et d’une grande liberté dans la présentation.
Les deux premiers albums sortent le 1er février et s’appliquent à dévoiler les coulisses des partis. Et ils souffrent tous deux de plusieurs défauts majeurs : d’abord des illustrations sans relief, et qui plus est présentant des personnages publics que l’on a toutes les peines à identifier. Ainsi, Samuel Roberts, dans Objectif Elysée, fait ressembler Chirac à un mélange d’Alain Poher et De Gaulle ! Dans un style plus léger, Duhoo est trop minimaliste pour donner de la consistance à ses politiciens.
Second couac, l’intérêt des informations dévoilées : à moins d’avoir passé deux ans au Groenland sans radio ni journaux, difficile de trouver une quelconque révélation dans ces albums. Malgré la profusion de dialogues retranscrits avec force langage argotique et saillies agressives, ils reprennent les échos déjà parus dans la presse d’investigation.
La déception est d’autant plus forte que l’excellence en la matière existe déjà : c’est Charlie Hebdo et des auteurs comme Riss, Bernar, et surtout Cabu et Luz qui ont placé la barre très haut dans le registre. Les Mégret gèrent la ville et Charlie Hebdo saute sur Toulon s’imposent encore plus aujourd’hui comme un must.
Duhoo s’en tire le moins mal grâce à ses petits détails disséminés un peu partout dans ses planches, mais encore une fois, en souffrant d’une comparaison écrasante avec Cabu. Son introduction autour des Shadoks est vraiment tirée par les cheveux (à la Shadok, justement !) et les témoignages qu’il met en image (des militants rencontrés lors de ses voyages) ont peu d’intérêt. Dommage, car l’auteur a visiblement passé du temps aux basques des caciques du PS, suivant leurs déplacements dans l’hexagone.
La collaboration de Samuel Roberts avec Guy Birenbaum, qui s’est fait connaître comme pourfendeur du monde politique corrompu, tombe à plat. Le mélange de fiction et de scènes captées sur le vif agace plus qu’autre chose. L’effort constant que le lecteur doit faire pour tenter de reconnaître les personnages n’arrange rien. Roberts parvient à déformer les tronches de nos ténors de l’hémicycle, mais sans saisir les bonnes expressions. Son Dieudonné ressemble à tout sauf au vrai.
Quelques petites trouvailles ludiques parviennent à sortir le lecteur de son ennui : dans Soigne ta gauche, le lagon socialiste de Duhoo, avec ses îles représentant les courants, est tout à fait attrayant. L’album de Birenbaum et Roberts frappe par ses couleurs surréalistes qui rappellent une campagne Benetton ! Mais là encore, ni le texte ni les dessins ne correspondent à l’ambiance de ces joutes d’appareil.
Si d’autres titres sortent rapidement pour profiter de l’effet mai 2007 et si l’éditeur veut parvenir à établir Politics comme une collection digne d’intérêt, il ferait bien d’aborder des thèmes un peu moins rebattus que les bisbilles de la gauche et les batailles de boules de neige entre candidats de tous bords.
(par David TAUGIS)
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