C’était "le plus biker" des créateurs de BD, connu par sa dégaine de grand gaillard barbu et tatoué, avec ses yeux et son grand sourire d’enfant plein de cette malice qu’il savait si bien retransmettre dans ses bandes dessinées.
C’est par l’amour du sport mécanique qu’il entre dans la BD avec Mammouth et Piston créés pour le magazine Freeway (1992), le titre-fétiche des amateurs d’Harley-Davidson. Cette BD de référence des amateurs de deux-roues a fait l’objet de trois albums réunis en intégrale chez Fluide Glacial en 2010.
Le sport mécanique traité avec humour est, depuis de nombreuses années, un standard de la librairie. On a tous en mémoire les albums potaches du Lucien de Frank Margerin et plus encore le Joe Bar Team de Christian Debarre (BAr2) puis Fane, un mega best-seller. Coyote avait de quoi répondre à ces prestigieux modèles : sa connaissance du bipède était supérieure encore à celle des deux roues...
Puis vient la série Litteul Kevin qu’il crée pour Fluide Glacial avant de passer au Lombard après une interruption de six ans en 2009. "Ça s’est trouvé que je quittais Fluide, parce que Fluide Glacial avait changé, Fluide Glacial n’était plus du tout le Fluide que j’avais connu. C’était devenu un journal où je me sentais mal et j’ai quitté le journal en pleurant parce que jamais de ma vie j’aurais imaginé quitter Fluide Glacial un jour" confiait-il à Baptiste Gilleron sur ActuaBD.com au moment de cette renaissance..
Entretemps, les gens de Fluide s’étaient rabibochés avec lui, notamment grâce à son ami Lindingre, avant que ne tombe la triste nouvelle de sa disparition. Il collaborait aux Hors-séries de Fluide, et dans le mensuel, c’est même lui qui avait fait la pin-up du mois (N°d’août, sorti la semaine dernière actuellement en kiosque, et qui rend hommage à Gotlib).
D’autre part, Fluide Glacial a publié cette année une intégrale Litteul Kevin en couleur. Avec des pages inédites, dessinées par Coyote, spécialement pour l’occasion
Et le 19 août paraîtra « Litteul Kevin, édition 40 ans » avec un dossier complémentaire (interview inédite, dossier bonus…).
Il dit encore : "J’ai filé rencard au patron du Lombard dans une taverne qui s’appelle "la mort subite" à Bruxelles, parce que c’est là que Bob Denard filait rancard à ses mercenaires, c’était un symbole. Mais je me bats pour moi maintenant, et pas pour une maison."
Cela donne un drôle de personnage à la coupe au bol et aux gros sourcils noirs, dont le père est un enfant de la DASS et le grand-père un ancien de la Légion. On voit le genre... Le 10e volume était paru en janvier 2014 au Lombard.
"Pour moi, l’écriture se fait comme un feu d’artifice, dit-il encore à Baptiste Gilleron, que ça soit une rédaction, d’ailleurs, ouais, une rédaction à écrire et un feu d’artifice ça doit être pareil : une introduction, paf, paf, tu fais péter deux gros pétards pour que tout le monde regarde, tu développes dans un premier paragraphe, allez hop, une belle rouge, une belle verte, une belle bleue, il va y avoir tout ça, mais oui. Et puis tu fais des chapitres après, où c’est carrément des petits bouquets, et puis tu finis avec une conclusion qui est un rappel de tout mais puissance 10, ça s’appelle un bouquet final. Et un livre, pour moi, c’est pareil. D’où la nécessité de mettre de temps en temps une belle grande case qui équivaut un petit peu à un bouquet où il y a toutes les couleurs qui pètent, et que ça soit graphiquement, au niveau des couleurs ou même dans l’esprit, dans le ton. Ben j’ai construit ça de la même façon, je ne voulais pas faire arriver le père dès de début, non, je finis avec du happy end mais avec beaucoup d’émotion aussi. Et donc voilà, je construis vraiment l’écriture de mes livres comme des feux d’artifice."
Au Lombard, justement, où il développe ses autres projets : Les Voisins du 109, une comédie faite de gags enjoués écrits par Nini Bombardier qui raconte l’emménagement de la famille Moinot avec son bébé dans un nouvel immeuble aux voisins très spéciaux : "Ils sont accueillis par toute la tribu bariolée qui peuple les étages : une mère célibataire musulmane, voilée et autoritaire, mais non sans charme ; son fils un peu caillera mais sans plus ; une vieille dame entourée de ses chats ; un comédien raté qui ment à ses parents ; et un couple de gothiques qui vit dans le noir entouré de têtes de mort " écrivait David Taugis dans nos pages.
"Comme vous pouvez le voir, j’ai une apparence qui n’est parfois pas très facile : cheveux longs et tatouages, déclarait Coyote à Nicolas Anspach dans nos pages. Avec cette série, je souhaitais attirer l’attention du lecteur sur le fait qu’il ne faut pas juger quelqu’un sur son apparence. Acceptons nos différences, quelles que soient les caractéristiques physiques, la couleur de la peau, la différence d’âge dans un couple, etc. Ce n’est pas parce que l’on a une apparence gothique, et que l’on peut faire peur à certaines personnes, que l’on est mauvais ! La thématique des Voisins du 109 est l’acceptation de nos différences ! Le lecteur entre dans l’intimité des habitants de cet immeuble, et va finir par les aimer." On voit là toute la dimension généreuse du personnage.
On lui doit aussi cette série écrite pour Éric Cartier, Diego de la S.P.A. (3 vol. chez Fluide Glacial), un chien rebelle espérant tomber sur des maîtres dignes de lui au fond de sa cage de la SPA de Fleury-Méroupette...
Un sujet qui a une résonance toute particulière en ces temps de vacances où les animaux sont laissés sur le bord de la route.Coyote et Cartier traitent cette attitude révoltante à la fois avec une singulière sagacité -on sort peu philanthrope du portrait des amis des bêtes- et, en même temps, avec une légèreté désabusée.
C’est à son originalité que l’on reconnaît un grand artiste. La comédie humaine que nous laisse Coyote était particulièrement originale, parfaitement contemporaine, saisissant ce que d’aucun qualifient d’ "air du temps". Mais jamais la caractérisation de ses personnages ne se réfugiait dans le cliché. Même le personnage le plus détestable était abordé avec, osons le mot, une sorte de compassion.
Telle est la trace laissée par Coyote : celle d’un grand costaud tendre qui regardait le monde avec humour, tendresse et humanité. Un regard qui va désormais furieusement nous manquer .
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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En médaillon : Coyote par Baptiste Gilleron.
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