Que l’on soit aoûtien ou juilletiste, la période estivale semble décidément propice pour profiter d’une intégrale susceptible de revenir sur une longue saga ou de retrouver les saveurs de son enfance. Le rythme ralenti des publications pendant ces quelques semaines favorise cette immersion et peut-être préfère-t-on placer dans ses valises quelques albums plus denses... Quoiqu’il en soit, les éditeurs semblent concentrer une partie de leur production anthologique sur ce moment-charnière.
L’indémodable Barbe-Rouge !
Après des années d’attente, nous étions heureux de vous présenter les deux premières nouvelles intégrales du Démon des Caraïbes, sorties coup sur coup à la fin de l’année 2013. Heureusement, les premiers épisodes avaient été restaurés dans leur format de 62 pages. Une entreprise louable que n’ont pas manqué pas de saluer les amateurs de la série : ils peinaient à comprendre pourquoi la seconde moitié du Roi des Sept Mers n’avait été publiée que 20 ans plus tard sous le titre du Jeune Capitaine, et numérotée comme un vingtième album ! Pour les dossiers introductifs de ces intégrales on retrouvait le duo hétéroclite de spécialistes Jacques Pessis & Gilles Ratier.
Six mois plus tard, voici que paraît déjà le troisième volume de cette série mythique qui contribua à la réputation de Pilote, et qui reprend sans doute parmi l’une de ses plus grandes aventures : le diptyque du Vaisseau fantôme et de L’Île de l’homme mort, accompagné par le très beau Piège espagnol.
Le duo Charlier-Hubinon est alors à son sommet pour quelques années. Les récits débordent d’aventures, de suspense et de rebondissements. Personnages et décors sont magnifiquement réalisés, que cela soit au cœur des tempêtes, sur une île battue par les flots ou dans l’atmosphère compassée de la cour d’Espagne : un chef d’œuvre du genre !
Si le tandem Charlier-Hubinon fonctionne à merveille, c’est moins le cas pour les deux spécialistes qui rédigent le court dossier introduction de présentation. Alors qu’auparavant ils signaient tous deux conjointement, chacun livre maintenant sa vision respective, à part de l’autre.
Cela amène des des redondances dans l’information, notamment concernant les dix pages dessinées par Eddy Paape pour le Vaisseau fantôme, alors qu’Hubinon soignait un problème de santé.
Si les deux dossiers se focalisent sur Victor Hubinon, ils en livrent cependant deux visions différentes : la première, manquant parfois de structure, revient sur son enfance, sa passion pour la peinture, ses vacances, ses hobbies,.. La seconde est plus technique : elle décrit le partage de dessin entre Hubinon et Charlier sur leurs premiers albums, puis sur la vision stéréotypée du héros, la qualité de l’encrage, l’association d’Hubinon avec Paape, etc.
Ces deux analyses pourraient se compléter : l’une est plus superficielle et plus mondaine ; la seconde s’adresse vraiment aux connaisseurs. Hélas, même s’il est parfois très intéressant, cet attelage tire le propos à hue et à dia, de façon finalement quelque peu contreproductive.
Une véritable intégrale
Ainsi, alors que Gilles Ratier présente une courte mais efficace comparaison de l’encrage de Paape et d’Hubinon, on reste stupéfait qu’aucun des nos deux spécialistes n’ait ressenti le besoin de rapporter le véritable bonus de cette intégrale : celle de nous apporter des planches inédites en album.
En effet, ainsi que nous le rapportions précédemment, la jeune structure Dargaud ne pouvait à l’époque se permettre de modifier son format et de dépasser la sacro-sainte numérotation de 48 planches par album. C’est ainsi que les premiers titres de la série furent divisés comme nous l’avions évoqué précédemment en plusieurs volumes, certaines pages passant à la trappe. C’est que J-M. Charlier, par ailleurs le directeur artistique du journal à l’époque, avait du mal à respecter à la lettre le format de son éditeur, comme cela a pu être le cas dans Buck Danny par exemple : il a parfois été emporté par son récit, peinant même à boucler son intrigue avant le terme fatidique. D’où quelques dépassements qui portaient d’autant moins à conséquence que le marché de l’album était alors balbutiant.
On les retrouve heureusement reproduites à l’identique dans cette intégrale. Certes, elles n’étaient pas indispensables au fil de l’histoire, mais on apprécie de retrouver enfin une version complète qui éclaire sous un nouveau jour les premiers moments de l’oeuvre.
Il s’agit effectivement de passages plus rudes dans cette intrigue de chasse au trésor qui prend parfois des tournures dramatiques. Ainsi, les lecteurs de cette intégrale peuvent profiter des planches qui présentent d’une montée de tension en vent debout (pl 9), de la mort accidentelle d’un jeune gabier qui s’écrase sur le pont (pl 13-14), le début de mutinerie qu’Eric déjoue en tirant sur un de ses hommes (pl 37), comme de la découverte du charnier sur la fameuse île (ppl. 39-40). On peut imaginer que ces coupes discrètes ont été réalisées par Charlier lui-même, mais certainement sous la contrainte de la Commission de la Loi sur la protection de la jeunesse de 1949, pour éviter de présenter les scènes les plus violentes.
La lecture de cet histoire dans sa version intégrale, accompagnée par deux autres récits aussi captivants, achève de convaincre le lecteur le plus indécis. Voilà un recueil qui trouvera une place utile dans votre valise, promettant des heures de lectures et d’évasion en compagnie de deux grands maîtres de la bande dessinée belge classique.
Le Lombard : Au cœur de l’action
Vous avez envie de vous évader avec des séries plus modernes ? Le Lombard, qui préfère quant à lui proposer ses recueils les plus imposants en fin d’année, nous offre une collection brochée et en petit format. qui soulagera vos valises. Trois séries complètes sont mises à disposition pour des prix respectifs de 14,99 € et 19,99 €, selon qu’il s’agisse d’intégrales de trois ou quatre tomes.
Aux amateurs de récits denses et bien construits, nous ne pouvons que conseiller la lecture de Wisher. Porté la puissance graphique de Guilo de Vita (Kriss de Valnor), Sébastien Latour y détaille un monde féérique qui espionne les humains depuis des années. Ce récit fantastique urbain joue habilement de nos contes et légendes, tout en proposant un suspens de bon aloi.
Davantage porté sur l’anticipation, One présente un groupe d’agents spéciaux capables de lire dans les pensées. L’efficacité de Sylvain Cordurié permet de présenter cette capacité sous un jour nouveau. Allié au punch du dessin de Radivojevic, ce récit regorge d’action et de suspense. Un bon divertissement.
Enfin, pour les plus terre-à-terre d’entre nous, Le Lombard abat sa dernière carte avec une intégrale de Poker de Jean-Christophe Derrien & Simon Van Liemt, un thriller convenu qui saura distraire les lecteurs qui ne veulent surtout pas se prendre la tête. Après tout, ce sont les vacances !
(par Charles-Louis Detournay)
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Lire nos précédents article sur ce thème : Les intégrales Dargaud-Lombard rattrapent leur retard sur Dupuis et Les intégrales du Lombard : pas si petites que cela !
De Wisher, lire les chroniques des premier, deuxième, troisième et quatrième
Lire également notre chronique de la série Poker
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